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Intervention de Bénédicte Taurine

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Taurine, rapporteure :

L'Office national des forêts, ce sont 8 200 femmes et hommes au service de la forêt publique française, dont le rôle est essentiel à l'heure du bouleversement climatique – des femmes et hommes dont les effectifs ne cessent d'être réduits, à qui on demande de faire toujours plus avec moins de moyens et dont le taux de suicide est supérieur à la moyenne nationale. Ils sont chargés de gérer et de prendre soin de 25 % de la forêt française, près de 11 millions d'hectares – 4,6 dans l'Hexagone, plus de 6 outre-mer.

Vous l'avez dit, monsieur le président : le 11 décembre 2019, notre commission entendait le préfet Bertrand Munch, dont la nomination aux fonctions de directeur général de l'ONF était alors envisagée. Les débats avaient été houleux et de très fortes réserves avaient été exprimées concernant cette nomination. Moins de trois ans plus tard, il est mis fin à ses fonctions du fait de méthodes de management brutales. Il en avait été de même de son prédécesseur. Si vous êtes nommée, madame, vous allez donc hériter d'une situation sociale douloureuse qui exigera de votre part une grande humanité, un esprit d'ouverture et d'écoute et un goût véritable et sincère du dialogue social et de l'humilité.

La responsabilité à laquelle vous prétendez est très importante et suppose un engagement résolu. La nôtre, mes chers collègues, ne l'est pas moins : au vu des enjeux, nous n'avons plus droit à l'erreur.

Il s'agit d'abord d'apporter des garanties à des agents qui ont consacré toute leur énergie à des métiers riches de sens et ont aujourd'hui le sentiment d'être méprisés. Ils craignent à juste titre la poursuite de la dégradation de leurs conditions de travail, des réductions d'effectifs et, surtout, de continuer de se heurter à un mur lorsqu'ils voudront nouer un dialogue constructif avec leur hiérarchie.

Votre parcours, bien qu'il témoigne de votre grande connaissance des questions forestières, ne les rassure pas : vous avez occupé au sein du ministère de l'agriculture des fonctions qui vous associent à des décisions ayant contribué à affaiblir l'établissement. Que répondez-vous à ceux qui s'inquiètent à l'idée de vous voir poursuivre la politique désastreuse des précédents directeurs généraux ? Comment envisagez-vous de restaurer la confiance, particulièrement éprouvée ces dernières années ?

Dans le questionnaire préparatoire à votre audition, vous avez indiqué vouloir maintenir les emplois et les compétences au sein de l'ONF tout en attribuant des activités supplémentaires à l'établissement. Comment défendre cette ligne face à une tutelle ministérielle dont vous avez été un rouage essentiel et qui obéit à une logique de diminution des moyens ? Ce sont 2 000 postes qui ont été supprimés depuis 2016, et 500 autres doivent l'être selon le contrat 2021-2025 entre l'État et l'ONF. Le rapport d'information du Sénat intitulé « Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement » recommande de revenir sur ces suppressions de postes ; la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) comme l'Association des maires ruraux de France encouragent à renforcer les effectifs. Relayerez-vous ces demandes ?

La crise que traverse l'ONF est profonde. Elle touche à son rôle : l'établissement fait l'objet d'injonctions contradictoires de la part de ministères qui ne s'entendent pas. On lui enjoint de produire toujours plus pour assurer sa viabilité économique, tout en réaffirmant ses missions d'intérêt général. La forêt doit à la fois être un objet d'exploitation, un lieu d'épanouissement de la biodiversité et un espace de loisir. Quelle est votre vision des rôles que doit jouer l'ONF ?

La crise est aussi financière. La situation très dégradée de l'établissement à cet égard met sa viabilité en péril. Laisserez-vous poursuivre la privatisation rampante qui conduit à sacrifier de plus en plus les missions de service public au profit de logiques de rentabilité ? Il nous semble par ailleurs essentiel que l'ONF contribue à la relocalisation de l'activité forestière. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, c'est à une crise de gouvernance que l'établissement fait face. Il nous paraît impératif d'offrir à l'ensemble des usagers de la forêt une vraie place dans la prise de décisions qui concernent ce bien commun. Comment intégrer les riverains et les associations à un dialogue plus large ? Comment améliorer les relations entre l'ONF et les communes forestières ?

Cette audition est l'occasion de vous entendre au sujet de l'ensemble des enjeux qui ont trait à l'avenir de l'ONF. Vos réponses engageront votre responsabilité, notamment touchant la gestion des personnels. Je le répète, les défis que vous devrez relever si vous êtes nommée sont immenses : vous devrez œuvrer non seulement à pérenniser l'ONF, mais aussi et surtout à le renforcer. Vu les circonstances et les précédents, nous serons certainement nombreux à être très attentifs au respect des engagements que vous prendrez devant nous aujourd'hui.

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