Intervention de Olivier Klein

Réunion du mardi 13 septembre 2022 à 17h00
Commission des affaires économiques

Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement :

Je suis très heureux que la ville et le logement soient à nouveau réunis au sein d'un même ministère. Pour allier l'humain et l'urbain, il faut penser la ville dans sa globalité et n'oublier aucune de ses aménités. La ville, on s'y loge mais surtout on y grandit, on s'y entraide, on y vieillit. La politique de la ville n'est pas l'affaire du seul ministre de la ville mais du Gouvernement dans son ensemble et de tous les acteurs publics, associatifs, privés.

Je suis élu de Clichy-sous-Bois depuis plus de vingt-cinq ans, enseignant, militant associatif, ancien président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Les difficultés dans les quartiers populaires, je ne les ai pas apprises dans les livres : j'y suis né, j'y ai grandi, j'y habite encore. J'aime cela et j'en suis fier ! La ville, c'est ma grande cause, le combat de ma vie. C'est pour cette raison que j'ai rejoint le gouvernement de Mme la Première ministre, sous l'autorité du Président de la République. Les défis sont nombreux, tout comme les urgences, et nous devrons mobiliser tous les acteurs concernés.

La politique du logement doit avoir pour objectif d'offrir un toit à l'ensemble des Françaises et des Français au moment et à l'endroit où ils en ont besoin. Les Français ont droit au beau, au durable et au juste. Leur pouvoir d'achat doit demeurer notre priorité. Pour contenir la hausse des prix qui découle d'une inflation inédite depuis trente ans, le Gouvernement a réagi très rapidement en vous soumettant dès juillet le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Le logement est le premier poste de dépense des ménages. Dans la loi portant mesures d'urgence pour le pouvoir d'achat, vous avez plafonné la hausse des loyers à 3,5 % alors que l'indice de référence des loyers (IRL) aurait pu progresser de 6 % en 2023. Parallèlement, les aides personnalisées au logement (APL) ont été revalorisées de 3,5 %. Pas moins de 5,8 millions de foyers en bénéficient, dont 2,5 millions en logement social. Ces deux mesures sont justes, équilibrées et concrètes. Elles permettent de protéger le pouvoir d'achat des locataires tout en sécurisant les propriétaires. Elles s'inscrivent dans une démarche plus globale et constante du Gouvernement pour préserver le pouvoir d'achat de tous les Français.

Le Gouvernement est également mobilisé pour limiter les conséquences de la hausse des prix de l'énergie sur les charges. Il a ainsi prolongé le dispositif des boucliers tarifaires jusqu'à la fin de l'année. Celui-ci a permis, en particulier, d'éviter le doublement du prix du gaz. Je veille, avec la ministre de la transition énergétique, à protéger tous les ménages, notamment les plus précaires. L'hiver sera difficile, compte tenu des tensions sur l'approvisionnement énergétique. C'est pourquoi le Gouvernement réfléchit à l'établissement d'un plan de sobriété énergétique pour nous permettre de réduire de 10 % notre consommation énergétique d'ici à 2024. Le secteur du logement est l'un de ceux qui nous offrent la plus grande marge de manœuvre. Je travaille avec Mme Pannier-Runacher et l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des bailleurs sociaux ou institutionnels, des syndics, des associations représentantes des locataires et des propriétaires, ou des fédérations du bâtiment, pour proposer des actions en ce sens. Nous devrions disposer, fin septembre, d'un véritable plan, comme l'a promis le Président de la République.

J'en viens au parcours résidentiel. Il concerne tout le monde, car le logement doit être adapté à toutes les étapes et les trajectoires de la vie. Action logement propose ainsi la garantie VISALE – visa pour le logement et l'emploi – pour aider les jeunes qui quittent le foyer familial et cherchent un logement alors qu'ils sont encore étudiants ou occupent leur premier emploi, à signer un bail. Ce dispositif est efficace. Il a profité, en 2021, à 208 000 jeunes et il a été étendu en juin 2021 aux salariés dont les revenus sont les plus modestes. Nous réfléchissons aux moyens de concrétiser la promesse du Président de la République d'une caution publique élargie pour les locataires, en soutenant tout particulièrement les plus jeunes et les plus fragiles.

Nous accompagnerons également les familles qui s'agrandissent et souhaitent devenir propriétaires de leur logement en leur permettant de financer une partie de leur bien par un prêt à taux zéro (PTZ).

Avec MaPrimeAdapt', nous proposerons aux personnes âgées désireuses de rester vivre chez elles une aide financière pour réaliser des aménagements spécifiques. C'était aussi une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Cette aide financière est unique, facilement accessible et incitative. Ce sera une aide au logement mais aussi un accompagnement par des professionnels qualifiés. Elle s'intégrera dans un écosystème plus large de prestations sociales pour le maintien à domicile et une approche transversale de l'adaptation de la ville au grand âge.

Les femmes victimes de violences ont également besoin d'un logement pour se protéger, se reconstruire, recommencer une vie bouleversée par l'indicible. J'étais, avec Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de la diversité et de l'égalité des chances, aux côtés d'Élisabeth Borne lorsqu'elle a annoncé la création de 10 000 places d'hébergement d'urgence d'ici à la fin de l'année, ce qui dépasse nos prévisions. En 2023, 1 000 de plus seront ouvertes.

Ceux qui n'ont pas de logement sont tout autant concernés par le parcours résidentiel. Nous luttons tous les jours contre le fléau du mal-logement ou du sans-abrisme et nous obtenons des résultats. Le plan Logement d'abord permet d'offrir un logement durable et une adresse, indispensables pour obtenir un emploi stable et se réinsérer. Les pensions de famille, trop méconnues, proposent à plus de 20 000 personnes un logement adapté et des activités partagées pour sortir de l'exclusion.

Pour donner toute sa fluidité au parcours résidentiel, nous devons travailler en étroite collaboration avec les acteurs du logement, en particulier les bailleurs sociaux.

La Première ministre a souhaité, à l'occasion de sa déclaration de politique générale, conclure un pacte de confiance avec les acteurs du logement social afin de tracer une vision sur le long terme, dans une conception généraliste du logement social, qui offre un toit aux plus pauvres mais aussi aux travailleurs, salariés ou fonctionnaires. Le logement social doit être de qualité, confortable, sobre, bâti dans un cadre de vie agréable.

Le parcours résidentiel doit transformer le logement social en une étape positive et accompagnée. Dans ce cadre, nous devrons prendre des engagements forts pour assurer la transition écologique du secteur puisque les logements sociaux représentent 25 % des résidences principales. Parallèlement, le parc social doit être développé sans perdre de vue nos projets pour la production et les agréments. Nous profitons de la préparation du congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui se tiendra en septembre à Lyon, pour chiffrer les objectifs avec l'ensemble des acteurs mais également pour réfléchir aux investissements nécessaires et à l'évolution structurelle du secteur.

Nous disposons de quatre outils pour améliorer les logements existants. Le comité d'engagement national de l'ANRU a validé les projets dans près de 450 quartiers sur les 453 concernés par le nouveau programme national de renouvellement urbain, piloté par l'ANRU. Les chantiers sont engagés dans près de 400 quartiers et 800 sont déjà terminés. Les 12 milliards d'euros prévus seront bientôt intégralement alloués – je dis bien « alloués » et non « dépensés ».

Accélérer la rénovation énergétique est une priorité du Gouvernement à laquelle je participerai au sein du pôle ministériel et dans le cadre des travaux de planification écologique qui seront engagés sous l'égide de la Première ministre.

Certains ont critiqué les aides déployées et mis en doute leur efficacité. Rappelons quelques chiffres. MaPrimeRénov' témoigne de la réussite de la massification des travaux d'économie d'énergie pour les ménages modestes. Pas moins de 650 000 chantiers ont été financés grâce à cette aide en 2021 et plus de 80 % des ménages qui ont profité de ces 2,1 milliards d'euros étaient très modestes ou modestes. Ce dispositif remplace avec succès le crédit d'impôt transition énergétique : 25 % de primes ont été attribuées pour rénover des passoires énergétiques ou acquérir des équipements de chauffage efficaces, qui se substituent, dans près de 90 % des cas, à des équipements de chauffage au fioul ou au gaz.

Ce dispositif a fait ses preuves et nous devons à présent l'accélérer en améliorant l'accompagnement des ménages. Le service public France Rénov' y travaille en offrant une information et un conseil accessibles grâce à une plateforme digitale et un numéro de téléphone national unique. Dès 2023, un réseau d'accompagnateurs agréés sera chargé d'accompagner les ménages vers des projets plus ambitieux. Le mécanisme des aides sera maintenu pour inciter financièrement à réaliser le chantier de plus qui fera la différence et améliorera encore davantage la performance énergétique. MaPrimRénov'Sérénité en est un exemple. Nous continuerons à soutenir les copropriétés de tous types, selon leurs besoins et en levant les difficultés qui pourraient bloquer leurs décisions, en particulier celles liées aux contraintes du bâtiment. L'aide MaPrimRénov'Copropriétés sera prolongée pour réduire le coût des travaux qui pèsera sur la copropriété et inciter ainsi les syndics à les engager.

Les travaux de planification écologique nous permettront de définir, en cohérence avec nos objectifs, une trajectoire qui nous servira de repère.

Enfin, il n'est pas supportable que des gens vivent encore dans des passoires thermiques. Depuis le 24 août, les loyers de ces logements dont le diagnostic de performance énergétique est classé F ou G ne peuvent plus augmenter, afin de presser les propriétaires d'engager les travaux nécessaires. Cette mesure est la première étape de la lutte que nous menons contre les passoires énergétiques qui seront progressivement exclues du marché de la location en vertu d'un calendrier dont les échéances sont fixées en 2023, 2025 et 2028. L'enjeu de la transition écologique et de la rénovation thermique, en particulier des logements les plus énergivores, est crucial pour le parc social dont les locataires doivent pouvoir bénéficier, eux aussi, d'un logement de qualité malgré la hausse des charges.

Nous devons donc poursuivre les efforts engagés dans le cadre du plan de relance pour réhabiliter les logements sociaux : 445 millions d'euros pour 37 500 logements réhabilités en deux ans, en particulier les passoires thermiques.

Améliorer les logements existants suppose d'améliorer le cadre de vie. Les habitants doivent prendre plaisir à vivre dans leur quartier parce qu'ils auront droit au beau, au juste et au durable. Ils vivront dans un logement de qualité, inscriront en toute confiance leur enfant dans l'école de leur quartier, qui sera belle, écologique et pourvue d'îlots de fraîcheur.

Les habitants doivent être fiers de leur quartier rénové et avoir envie d'y rester. Parce que de nouvelles personnes seront, dès lors, tentées de s'y installer, nous devrons créer les conditions d'une mixité sociale réussie.

Nous devrons également mener une politique de construction soutenue. Il devient de plus en plus coûteux de s'installer dans notre pays, en particulier dans les métropoles, le littoral ou les zones tendues. Or chacun doit pouvoir trouver un logement qui réponde à ses besoins et à son parcours. Il faudra construire davantage de logements, de tous types, là où ils seront nécessaires ce qui supposera de revaloriser le discours l'acte de construire, avec les maires et l'ensemble des acteurs de la fabrique de la ville, pour convaincre les habitants du bien-fondé de cette politique.

Nous devons construire plus mais surtout, mieux : bâtir bas-carbone, tenir compte de l'existant en privilégiant la réhabilitation et le réemploi des matériaux, recourir à des matériaux biosourcés. Les promoteurs, les architectes, les bureaux d'études, les entreprises du BTP transforment en profondeur leur activité pour relever le défi de cette ambition environnementale et répondre aux exigences de la nouvelle réglementation environnementale RE2020, entrée en vigueur au début de l'année pour les constructions neuves. C'est une très belle étape de franchie, car elle fixe plusieurs objectifs d'envergure à la construction neuve : la sobriété énergétique, la sortie des énergies fossiles, la diminution de l'impact carbone, le confort en été et en hiver. Cette réglementation s'inscrit dans le long terme puisque la trajectoire s'étend de 2022 à 2031. En cela, elle participe pleinement à l'objectif de planification écologique qui doit nous aiguiller pour transformer le secteur de la construction neuve. Ne nous y trompons pas, la décarbonation d'aujourd'hui est la baisse des charges de demain.

Enfin, nous accélérons dans la construction de la ville durable. L'été 2022 a montré que l'exceptionnel allait devenir la norme. Le Fonds vert, doté de 1,5 milliard d'euros, permettra d'accompagner les collectivités locales dans l'adaptation des villes à la transition écologique – végétalisation, régénération des friches urbaines, réaménagement des surfaces commerciales et des services devenus obsolètes, rénovation des équipements publics. Nous réfléchissons aux modalités d'accès à ce fonds. Les élus locaux, au plus près des territoires, pourront facilement y faire appel afin de mener à bien leurs projets.

On ne peut s'intéresser à la ville sans s'intéresser à la vie de ceux qui l'habitent. Je veux donner une nouvelle ambition et trois grandes priorités à la politique de la ville : participation des habitants renforcée, politique de réussite éducative soutenue, meilleur accompagnement des associations.

Mais le premier combat que nous devons mener est celui de la lutte contre les discriminations. Ce fléau crée des barrières, réelles ou mentales, il est un frein à l'égalité des chances. Comme l'a dit la Première ministre, chaque discrimination est une humiliation, une blessure, une violence – un échec. Je crois beaucoup dans la politique de la reconnaissance. Nous devons dire aux habitants de ces quartiers de la République qu'ils sont des citoyens à part entière, et non entièrement à part. Il faut que la considération revienne ; naître et vivre dans un quartier populaire ne saurait être un stigmate. Je vous espère à mes côtés pour mener cette politique.

Travailler à la reconnaissance, c'est écouter la parole, la colère parfois, des habitants des quartiers populaires. Pour cela, il faut transformer les modalités de la participation. Je souhaite que, sur le modèle du grand débat, nous ayons des débats, notamment sur les enjeux de la transition écologique et énergétique, et que les habitants contribuent aux décisions qui touchent à leur quotidien. Il faut un cadre éthique national pour que la parole de tout un chacun soit prise en compte, à égale dignité.

Une chose est certaine, on ne refera pas la ville sans ses occupants. Cette volonté de dialogue et de coconstruction s'illustre dans les nouveaux contrats de ville, dont l'ambition est d'embarquer tous les acteurs, de manière collégiale, en incluant tous les habitants. Leur cadre doit être assoupli afin que les priorités – transition écologique, emploi, vieillissement ou encore numérique – soient définies selon les quartiers et leur propre histoire.

L'éducation est un autre chantier majeur de la politique de la ville, qu'il s'agisse du bâti scolaire ou de l'enseignement. Comme le rappelait souvent Jean-Louis Borloo, il faut tout un village pour élever un enfant. C'est dans cet esprit que les cités éducatives ont été pensées : lieux de créativité et d'innovation, elles découlent des synergies entre acteurs du territoire et sont une source d'inspiration pour imaginer la réussite éducative dans les quartiers. Depuis le comité interministériel des villes (CIV) de janvier 2019, 200 cités éducatives ont été installées sur le territoire. Les familles pauvres ne sont pas de pauvres familles ; elles occupent une place essentielle dans ce village et leur contribution est essentielle. La crise sanitaire a montré qu'elles aspirent à comprendre et à participer à la vie de l'école. Nous devons entendre cette volonté et accompagner les jeunes et leur famille, surtout lors des transitions scolaires – un moment de grande vulnérabilité, à fort risque de décrochage et de rupture du lien social.

Les associations constituent le cœur de la politique de la ville. Les contrats de ville devront reconnaître leur rôle déterminant et leur permettre de consacrer plus de temps à leurs missions qu'au montage des demandes de subventions.

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