Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 2 novembre 2023 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2024 — Mission justice (état b)

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

J'ai reçu récemment Mmes Abadie et Faucillon : nous avons longuement échangé sur cette question fondamentale, car la surpopulation entraîne des conditions de détention indignes, contre lesquelles il convient de lutter. Sans cela, il n'y a pas de réinsertion possible, ou elle devient bien plus compliquée. L'un des leviers réside dans la construction d'établissements pénitentiaires. La Chancellerie a été mise en cause ; ajoutons-y quelques élus que j'ai tout à l'heure cités et qui, me semble-t-il, sont proches de vous, monsieur le rapporteur spécial – vous pourriez donc m'aider.

Il n'y a pas que cela. Le Parlement a voté, lorsque le reliquat de la peine n'excède pas trois mois et que le détenu dispose d'un logement, une mesure de libération sous contrainte, qui désengorge quelque peu les prisons tout en évitant la sortie sèche.

Or cette mesure n'est pas appliquée correctement. D'un ressort à l'autre, la proportion de détenus qui en bénéficient varie du simple au décuple ! Inutile de vous dire que ce n'est pas pour me plaire. Le Parlement vote la loi, le juge l'applique ; c'est pourquoi j'ai réuni les procureurs et procureurs généraux – la justice étant indépendante, il m'est impossible d'intervenir auprès des magistrats du siège – afin de leur faire part de cette difficulté, de leur demander d'examiner les choses de près et de requérir ce qu'ils doivent requérir. Je tiens avant tout à une application homogène : il est inacceptable que celui qui vit dans tel ressort soit moins bien loti que son voisin du ressort d'à côté. Je compte également instaurer un suivi précis, chiffré, quantifiable.

Encore une fois, dès lors que le Parlement a voté la loi, il convient qu'elle soit appliquée. J'aurai l'occasion de revenir sur le sujet de la libération sous contrainte, dispositif auquel je suis attaché et dont il n'est pas normal, je le répète, que l'application soit aussi disparate.

La libération sous contrainte est un levier parmi d'autres encore, et j'ai l'intention, avec vous, madame la députée, avec tous ceux qui voudront se joindre à notre réflexion, de faire progresser la lutte contre la surpopulation carcérale. En revanche, certains ont inventé, non un théorème, mais un axiome en vertu duquel bâtir une prison conduirait à la remplir : il faudra m'expliquer comment on améliore les conditions de détention, sinon en rénovant ou en construisant des établissements pénitentiaires.

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