Le principal défi des mobilités de demain réside dans la conciliation des enjeux sociaux, environnementaux et économiques. Il est donc plus que temps que les intentions gouvernementales soient suivies d'effet. Ce nouveau budget le permettra-t-il ? Sous couvert d'un verdissement sans précédent, les moyens sont-ils au rendez-vous ?
Nous notons quelques signaux positifs, puisque les crédits dévolus aux transports, en hausse de 13 % par rapport à l'année dernière, privilégient le ferroviaire à la route et à l'aérien. Nous saluons plusieurs avancées : l'augmentation de la prime à la conversion, le malus renforcé sur les voitures thermiques et une enveloppe de 200 millions d'euros pour l'installation de bornes de recharge. Ce verdissement affiché ne doit néanmoins pas faire oublier les trop nombreuses lacunes et incertitudes d'importance qui continuent de planer. Ainsi, l'augmentation des crédits en faveur du ferroviaire reste particulièrement faible compte tenu des multiples enjeux auxquels le secteur est confronté. Par ailleurs, la répartition des investissements entre secteurs et acteurs reste très floue.
Qui financera et à quel niveau la nouvelle donne ferroviaire de 100 milliards d'euros d'ici à 2040, annoncée par la Première ministre ? Le rapport du COI souligne que les crédits européens seront moins mobilisables entre 2024 et 2027 : ce budget en tient-il compte ? Quelle part des investissements prévus reviendra-t-elle au Serm ? Restera-t-il une part raisonnable pour régénérer l'ensemble du réseau existant, notamment celui des territoires les plus enclavés ? Si les Serm produisent de nouvelles inégalités territoriales, à quoi bon les déployer ?
Quid des futurs CPER ? Les régions attendent de l'État une mobilisation beaucoup plus importante pour les études, mais aussi pour les travaux sur les infrastructures. Si nous voulons produire un vrai choc d'offre en faveur du train et des mobilités décarbonées, l'État devra y prendre toute sa part.
Le Gouvernement s'est engagé à doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030 : ce budget dégage-t-il les investissements nécessaires, notamment pour le renouvellement du matériel roulant ? L'alliance 4F – fret ferroviaire français du futur – a rappelé, à la suite du rapport du COI, la nécessité d'un plan d'investissement spécifiquement dédié au fret, qu'elle estime à 3,5 milliards d'euros ; elle a regretté que le fret ferroviaire apparaisse dilué dans le plan présenté par la Première ministre : force est de constater qu'il l'est tout autant dans ce budget.
Mes inquiétudes sont encore plus vives sur le sort réservé aux petites lignes et aux trains de nuit. Votre rapport indique que « la programmation détaillée des investissements supplémentaires annoncés par la Première ministre en faveur de la régénération et de la modernisation du réseau ferroviaire à l'horizon 2037 reste méconnue et absente du présent projet de loi de finances pour 2024. » Encore une lacune inquiétante !
L'intermodalité constitue un autre pilier de nos transports de demain. Le secteur fluvial, notamment le canal Seine-Nord Europe, m'intéresse tout particulièrement. Dans son rapport, le COI a insisté sur la nécessité de boucler le projet de mise au gabarit européen de l'Oise (Mageo) et de trouver les financements nécessaires à l'engagement des travaux entre 2023 et 2027. Le budget tient-il compte de cette priorité ? Je relève par ailleurs dans votre rapport que Voies navigables de France (VNF) s'inquiète des conséquences des coupes que l'établissement a subies dans ses moyens humains ces dernières années : pourra-t-il remplir les nombreuses missions qui lui sont confiées ?
Il n'y a pas lieu de stigmatiser le routier et l'aérien à tout-va. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, notre pays a tellement sacrifié le rail ces dernières décennies que beaucoup de nos concitoyens n'ont d'autre choix que de prendre leur voiture quotidiennement pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l'école, pour se faire soigner, etc. Par ailleurs, votre rapport rappelle, s'il en était besoin, que l'aérien demeure le seul moyen de désenclaver de nombreux territoires de notre pays, tels que la Corse, l'outre-mer ou certaines villes comme Aurillac, Perpignan ou Pau. Vous soulignez fort justement que l'aérien représente un fleuron de notre industrie et un pilier de notre économie qu'il convient de protéger. Aussi, pouvez-vous indiquer la place accordée par ce budget à l'entretien des routes nationales non concédées ? S'agissant de l'aérien, le PLF dégage-t-il les moyens nécessaires aux recherches technologiques permettant d'accompagner et d'accélérer la décarbonation ?