La France est une grande puissance maritime. Avec ses 10,2 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive (ZEE), dont 97 % situés outre-mer, elle possède le deuxième domaine maritime mondial derrière les États-Unis. Il nous revient dès lors de jouer un rôle majeur pour relever les défis de la transition écologique et affronter les questions stratégiques, sociales et économiques posées par cet espace. La stratégie nationale Mer et littoral, dont la mise au point s'achève, doit dessiner plus précisément les contours de nos politiques, ainsi que des moyens qui leur seront alloués.
Une partie des réponses se trouve dans le budget du programme 205, Affaires maritimes, pêche et aquaculture, qui finance l'action de l'État concernant la mer, les politiques marines, les navires et les ressources. Ce programme comprend les crédits de la politique de sûreté et de sécurité maritimes civiles, la régulation sociale de l'emploi maritime – avec la formation, l'hygiène, la santé, les conditions de travail –, le soutien à la qualité et au développement du pavillon français, la participation à la protection de l'environnement marin et littoral, la politique des pêches maritimes, de l'aquaculture… Il faut lui adjoindre l'action 43 du programme 203, Ports, qui représente 2,1 % des crédits consacrés à l'entretien des accès et des ouvrages d'accès des grands ports maritimes.
Je me concentrerai sur la surveillance et la sûreté maritimes et sur la formation.
Les autorisations d'engagement du programme 205 s'élèvent à près de 300 millions d'euros, une hausse significative de près de 22 % par rapport à l'an dernier. Les crédits de paiement sont en hausse de 14 %, soit 34 millions d'euros supplémentaires. Toutes les actions sont concernées. Je me félicite de ces orientations qui permettront de financer un dispositif d'exonération de charges, l'acquisition d'un nouveau patrouilleur hauturier des affaires maritimes, la création d'un guichet maritime et portuaire, la gratification des périodes de formation en milieu professionnel ou encore les projets retenus dans le cadre du fonds d'intervention maritime.
Près de 5 millions d'euros sont consacrés au suivi des ressources halieutiques. C'est indispensable pour le bon accompagnement de nos marins pêcheurs dans le cadre des négociations sur les quotas qui se tiennent à Bruxelles chaque fin d'année. Sans données scientifiques sérieuses et objectives, un outil qui n'existe pas vraiment aujourd'hui, la pêche sert malheureusement régulièrement de variable d'ajustement. Il y va pourtant de la survie de ces activités essentielles à notre souveraineté alimentaire, maillons forts de l'économie de nos territoires et dont les ports ont façonné nos paysages.
Je redis mon souhait que la réunion annuelle européenne décide de taux admissibles de captures et de quotas pluriannuels, comme la France en fait la demande depuis plusieurs années.
J'en viens à l'action 43 du programme 203. Elle finance essentiellement le dragage des grands ports maritimes. Bien qu'en légère baisse de 2 % cette année, elle demeure à un niveau très satisfaisant de 92,5 millions d'euros.
Mon avis comportera deux parties thématiques.
La première concerne la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). À la suite du terrible accident de 2019 aux Sables-d'Olonne, dans ma circonscription, l'État a porté sa subvention à 10,5 millions d'euros. En 2022, le budget de la SNSM s'élevait à 63,5 millions d'euros, dont 45,7 millions provenaient de collectes auprès du public – dons, legs, mécénat –, de la réalisation de prestations et de la vente de marchandises. Seul organisme agréé par l'État en qualité d'organisme de secours et de sauvetage en mer, la SNSM a reçu des subventions de l'État et des collectivités territoriales pour 17,7 millions d'euros. J'ai auditionné le président de la SNSM, M. Emmanuel de Oliveira, et les présidents de deux stations locales : la subvention de l'État semble être à la hauteur des besoins, même si la vigilance est de mise face à l'inflation. La trésorerie de l'association est à un niveau record, mais de lourds investissements l'attendent. En raison de la volatilité de la principale source de financement, le président de Oliveira a insisté sur l'importance du fléchage d'une partie de la taxe annuelle sur les engins maritimes de plaisance comme sur celle de la taxe sur l'éolien en mer.
Pour pérenniser le modèle unique de la SNSM, auquel nous sommes tous très attachés, nous devons porter attention à trois sujets.
Le premier, c'est le bénévolat : avec près de 9 000 bénévoles, dont 5 000 embarqués, pour 120 salariés, la crise du bénévolat pourrait l'affecter à court terme, et ce malgré le développement du plan Cap 2030, qui va dans le bon sens.
Le deuxième, c'est la surveillance des plages : la SNSM est le partenaire indispensable des communes. En 2022, 139 collectivités territoriales ont employé des nageurs-sauveteurs de l'association pour assurer cette mission. Le retrait annoncé des CRS de 236 postes de surveillance des plages en raison de l'organisation des Jeux olympiques en 2024 inquiète.
Le troisième, peut-être le plus alarmant, c'est le renouvellement de la flotte – ou plus exactement l'impasse dans laquelle se trouve l'association sur ce dossier. La SNSM dispose d'une flotte de 781 embarcations de sauvetage et de formation, dont 339 canots, vedettes et semi-rigides pour le sauvetage en mer. Or, comme le soulignait un rapport sénatorial en 2019, la flotte a vieilli et doit être renouvelée. Concrètement, 11 des canots tous temps parmi les 41 dont dispose la SNSM, et 15 vedettes type V2 parmi les 69 de la flotte atteignaient les trente ans ; le reste de la flotte des canots tous temps franchit le cap des trois décennies entre 2021 et 2023. La SNSM a donc lancé le programme Nouvelle flotte, visant à fournir 140 navires neufs sur dix ans aux stations dont les canots et vedettes arriveraient à leur âge limite. Un contrat a été passé il y a quatre ans avec le chantier naval Couach, en collaboration avec le cabinet d'architecture Barreau-Neuman ; pourtant, aucun des navires commandés n'a été livré en état immédiatement opérationnel sur l'eau. Je m'inquiète vivement de cette situation de nature à mettre en difficulté l'association : elle amplifie l'incompréhension voire la défiance sur le terrain et envenime les relations entre le siège et les stations locales.
Concernant enfin la formation maritime, elle est principalement assurée par les douze lycées professionnels maritimes et l'École nationale supérieure maritime (ENSM), qui reçoivent environ 34 millions d'euros. Une grande partie de ces crédits va à l'ENSM : 25 millions pour charges de service public, essentiellement pour la masse salariale, et 2 millions pour atteindre l'objectif – fixé par le Président de la République – de doubler le nombre d'officiers de la marine marchande d'ici à 2027. Les personnes auditionnées ont estimé que, compte tenu des besoins en recrutement, ces subventions sont indispensables.
Concernant les lycées professionnels maritimes, ils reçoivent 4,6 millions d'euros, auxquels s'ajoute 1 million pour financer la gratification des périodes de stage mises en place dans le cadre de la réforme des lycées professionnels à la rentrée 2023. Je m'en réjouis. Ces lycées, qui préparent les élèves du CAP au BTS, présentent d'excellents taux de réussite aux examens, mais surtout un excellent taux d'insertion professionnel : 85 % des élèves trouvent un emploi dans les six mois suivant la fin de leur formation.
Les auditions ont cependant mis en lumière les difficultés de recrutement des professeurs, en particulier pour l'enseignement des matières techniques. J'ai donc déposé un amendement tendant à augmenter de 10 % les crédits alloués aux lycées professionnels maritimes.
Quelques mots enfin de la marche vers la décarbonation, qui se traduit concrètement dans la démarche France mer 2030, destinée à fédérer les secteurs public et privé pour atteindre l'objectif Navire zéro émission. Tous les segments de la flotte sont concernés : commerce, pêche, plaisance ; les activités à terre de construction, de fourniture énergétique, de retrofitting et de déconstruction sont également concernées. La France doit être pionnière, ambitieuse et innovante. Nous y veillerons.