La politique d'armement française est le miroir de la diplomatie à géométrie variable de la France, de plus en plus décriée dans le monde. Lorsque l'on regarde à qui la France vend des armes et à qui elle achète de l'énergie, on obtient la cartographie des États gentils et fréquentables. Mais gare à ceux qui passent de l'autre côté ! Ainsi, le Niger est passé du statut d'État digne de recevoir des hélicoptères Gazelle à celui d'État qui ne peut même plus coopérer avec la France sur le plan culturel ni envoyer des étudiants en France. L'Arabie Saoudite, à l'inverse, peut exécuter près de 100 prisonniers au cours des neuf premiers mois de l'année 2023, mener une guerre atroce et découper un journaliste en morceaux : cet État restera un partenaire avec lequel la France a « une carte essentielle à jouer ». Vous aviez parlé de droits de l'Homme…
Cette asymétrie est parfaitement visible et elle est insupportable pour un très grand nombre d'États dans le monde. Or, s'il suffit d'acheter des armes aux bons États pour être tranquille, le droit international se transforme en un outil aux mains des puissants et devient de moins en moins légitime – c'est ainsi que le multilatéralisme se meurt.
Heureusement, l'heure est ici à la fête puisque vous avez vendu pour 27 milliards d'euros d'armes dans le monde en 2022, contre 12 milliards en 2021, ce qui est une excellente nouvelle pour le surarmement mondial et pour les guerres. Continuons d'exporter tous azimuts ! Surtout, continuons, comme nous l'apprend un rapport de l'Observatoire des armements, de vendre des biens à double usage à la Russie, malgré les sanctions internationales. Qu'en pensez-vous, Messieurs les ministres ? Cette politique est en partie permise par l'opacité complète qui entoure la politique française d'exportation d'armement et de biens à double usage.
L'article 54 de la loi de programmation militaire a acté la création d'une commission parlementaire d'évaluation des exportations d'armement, qui vérifiera le bien-fondé des exportations. Si elle a le mérite d'exister, nous réclamons que chaque groupe parlementaire y dispose d'un siège et qu'elle joue un rôle de contrôle a priori, contrairement à ses attributions qui ne lui donnent le droit de contrôler qu'une fois les exportations effectuées.
Enfin, il faut obliger le Gouvernement à communiquer sur l'obtention d'une licence, et améliorer le rapport en définissant des catégories plus précises et en détaillant les licences fournies pour la vente de biens à double usage. La politique d'exportation de matériels de guerre de la France est une catastrophe à tous les niveaux et il est grand temps de changer radicalement d'orientation. Quelles sont vos ambitions pour l'améliorer ?
Je vous remercie, Monsieur le ministre, d'avoir rappelé qu'à la Libération, les gaullistes et les communistes avaient défendu l'idée de l'indépendance nationale. Mais vous avez progressivement privatisé les arsenaux pour en faire une activité profitable et c'est regrettable – nous défendons aussi l'indépendance de la France dans ce domaine.