Le contrôle des exportations de matériels de guerre et de biens à double usage est un élément clé de notre souveraineté.
Je suis convaincu que la solution à notre problème de balance commerciale passe par une hausse de nos exportations. Pour bien exporter, l'industrie doit être innovante et compétitive sur notre sol. Les exportations, parce qu'elles donnent accès à de nouveaux marchés pour nos entreprises, renforcent notre industrie sur notre sol national. La réindustrialisation de notre économie doit permettre à nos entreprises de produire en France des biens qu'elles pourront exporter dans un cadre responsable et prévisible.
À côté du plan d'investissement France 2030 visant, sur notre territoire, à accompagner l'innovation et à financer le développement des nouvelles technologies, les exportations sont aussi un levier de financement important pour nos entreprises : elles leur offrent des débouchés commerciaux essentiels, elles leur permettent de soutenir les efforts d'innovation sur notre territoire et elles leur ouvrent, y compris pour des industries de défense, des marchés qui, pour l'essentiel, sont des marchés civils.
Le président de la République a présenté hier, à l'issue du conseil du même nom, les grands axes de la planification écologique. Les exportations de biens à double usage concernent des secteurs clés en matière de décarbonation de notre économie, ainsi que certaines filières industrielles d'excellence qui nécessitent une protection des actifs les plus stratégiques. C'est le cas de nos coopérations dans l'industrie nucléaire civile et de nos exportations dans le domaine aéronautique et spatial.
Vous avez lu le rapport, le secteur nucléaire représente 60 % du montant des autorisations d'exportations de biens à double usage, le secteur aéronautique et spatial, environ 20 %. Dans le domaine aéronautique, l'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché – avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs système, etc. Au total, on parle de 3 700 autorisations délivrées en 2022 pour un montant total d'autorisations potentiel de l'ordre de 8 milliards d'euros, soit un montant assez proche de celui de 2021 – 9 milliards d'euros. Évidemment, autorisation ne vaut pas nécessairement exportation, puisque les autorisations sont valables pour deux ans et certaines exportations autorisées peuvent finalement ne pas se réaliser. Le montant des exportations de biens à double usage s'élève à 4 milliards d'euros, dont un peu plus de la moitié sont destinées aux États-Unis et au Royaume-Uni, à comparer évidemment aux quelque 900 milliards d'exportations de biens et de services de la France.
La guerre en Ukraine a été un choc pour l'économie française, qui s'est traduit par une perturbation de l'approvisionnement notamment en matières premières ainsi que par des tensions géopolitiques et commerciales, qui ont provoqué une hausse des prix de l'énergie et des matières premières et une désorganisation des chaînes de valeur, laquelle a eu un impact important sur l'ensemble des flux commerciaux. La réduction des relations commerciales avec la Russie affecte certaines entreprises exportatrices françaises, qui subissent logiquement une chute de leurs débouchés à l'export. En 2021, la Russie était la troisième destination de nos autorisations d'exportations de biens à double usage ; en 2022, leur montant a chuté de près de 90 %.
En réponse à ce défi, le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a élaboré, de manière très réactive, un dispositif d'accompagnement de nos entreprises directement concernées, notamment – je sais que vous y êtes sensibles – des petites et moyennes entreprises. Des points de contact pour les entreprises ont été créés dès le début de la crise, aussi bien dans l'administration centrale que dans les services déconcentrés. Dans le cadre du plan de résilience et des encadrements temporaires de la Commission européenne, des prêts à taux bonifiés, reconduits jusqu'au 31 décembre 2023, ont été proposés pour soutenir les entreprises fragilisées. Bonne nouvelle, si je puis dire, ce soutien en trésorerie a été très peu sollicité, ce qui témoigne de la bonne santé de nos entreprises exportatrices – deux prêts ont été accordés pour un total d'à peine 20 millions d'euros.
Nous nous attachons à soutenir nos entreprises à l'exportation mais aussi à développer nos missions de contrôle. Il s'agit d'un véritable défi, notamment avec l'arrivée de nouveaux acteurs. Ainsi, dans le domaine spatial, certaines start-up ne sont pas toujours sensibles aux contrôles. Il y a donc un travail d'éducation et d'accompagnement à mener auprès des nouveaux acteurs du spatial – je pense à New Space qui est soutenue par France 2030 ou aux acteurs du secteur des drones. L'expansion des échanges numériques et des solutions de stockage dans le cloud pose aussi des questions essentielles en matière d'exportation et de maîtrise des transferts de technologies à double usage.
Les exportations bénéficient également du soutien de l'État par le biais des garanties apportées pour limiter les risques financiers que prennent les entreprises, en particulier les PME, et pour améliorer l'accès de leurs clients à des financements compétitifs.
Dernier point : nous confirmons notre engagement en faveur de la transparence, c'est la condition du succès de nos entreprises. Cette transparence est une réalité en France, elle le devient au niveau européen.
Au niveau national, le Gouvernement s'était engagé en 2021 à renforcer l'information au Parlement, d'où ce deuxième rapport qui détaille les exportations de biens à double usage de la France, offrant ainsi une vision d'ensemble de l'action du Gouvernement dans le domaine du contrôle des exportations de matériels de guerre et de biens à double usage. Cette audition renouvelle le rendez-vous, désormais annuel, qui nous réunit. Je tiens à souligner la présence du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale qui préside, depuis juin 2023, la commission interministérielle chargée de l'instruction des demandes d'autorisation.
Le rapport établit, de façon juridiquement contraignante, la liste des biens soumis à autorisation préalable, issue des régimes multilatéraux de contrôle chargés de définir techniquement les biens sensibles au regard de leurs applications possibles dans l'armement conventionnel mais aussi dans les armes de destruction massive. Le rapport décrit par ailleurs l'organisation nationale du contrôle.
Je termine par les travaux menés avec nos partenaires européens afin de préparer un rapport de la Commission européenne au Parlement européen. D'une durée de près de deux ans, ils ont permis de converger sur une méthodologie de collecte des données nationales et un format, dans un double souci de transparence et de protection des informations sensibles. La recherche d'une meilleure connaissance du secteur des biens à double usage au sein de l'Union européenne doit évidemment préserver notre souveraineté et protéger les stratégies à l'export de nos entreprises, le secret commercial, le secret de la défense nationale et la politique extérieure. Ces travaux ont impliqué un haut niveau de coordination au niveau européen entre autorités de contrôle.