Le déficit de la sécurité sociale sera plus important que prévu en 2023 et 2024 : cette année, il est estimé à 8,8 milliards d'euros, contre 8,2 milliards prévus en avril dernier ; l'an prochain, il devrait atteindre 11,2 milliards au lieu des 9,6 milliards prévus. Et cela ne va pas s'arranger. Face à ces mauvais résultats, vous nous annoncez 3,5 milliards d'économies, réalisées notamment sur les actes de biologie, les soins dentaires, par la modification du ticket modérateur, ou le prix des médicaments. Malheureusement, cela ne suffira pas.
Difficile d'équilibrer un budget quand les besoins ne cessent d'augmenter et qu'en face, les crédits annoncés ne sont pas à la hauteur des enjeux de notre époque : population vieillissante, nombre d'assurés sociaux atteints de maladies chroniques en augmentation… Autant de questions qui restent sans réponse.
En matière d'accès aux soins, la situation est ubuesque. Alors que de nombreux Français vivent dans des déserts médicaux et que certains d'entre eux sont découragés par des délais d'attente beaucoup trop longs, des professionnels de santé sont obligés de refuser des patients.
Dans une étude publiée en mai dernier, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) relève que près de 80 % des médecins généralistes libéraux jugent insuffisante l'offre de médecine générale dans leur zone d'exercice et que 65 % d'entre eux ont déclaré avoir refusé de nouveaux patients en 2022. Ils étaient 53 % en 2019… Alors qu'attendez-vous, monsieur le ministre, pour supprimer le numerus apertus ? De grâce, ouvrez les portes de nos universités aux étudiants en médecine et donnez-leur les moyens d'étudier en France !
Autre enjeu majeur : le vieillissement de la population française. Le nombre des Français âgés de 75 à 84 ans aura augmenté de 50 % entre 2020 et 2030. Vous annoncez poursuivre le « virage domiciliaire » – en clair : la possibilité pour les personnes âgées de se faire soigner chez elles – en prévoyant des moyens supplémentaires pour la création de nouvelles places de services de soins infirmiers à domicile. Est-ce à la hauteur de l'enjeu ? Je m'interroge.
Un mot sur les grands oubliés du projet de loi : les soins palliatifs. Un texte sur la fin de vie englobant – c'est du moins ce que l'on nous annonce – soins palliatifs et euthanasie devrait arriver au Parlement au début de l'année 2024. Or, s'il y a bien un sujet qui fait consensus en France, c'est la nécessité, l'impératif, l'exigence du développement des soins palliatifs. Selon les chiffres officiels, 150 000 à 200 000 personnes auraient besoin de tels soins en France. Ces chiffres vont mécaniquement augmenter à la faveur du vieillissement de notre population.
Or, vingt-cinq ans après la loi du 9 juin 1999 censée garantir à « toute personne malade dont l'état le requiert le droit d'accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement », vingt et un départements sont toujours dépourvus d'unités de soins palliatifs. Manifestement, ce n'est pas une priorité pour vous.
Autres oubliées du projet de loi : les familles. L'article 10 diminue de 0,5 % la quote-part de la taxe sur les salaires actuellement affectée à la Cnaf, réduisant ainsi les recettes de la branche famille de 92 milliards d'euros dès 2024. On relève, par ailleurs, la pérennisation du transfert, décidé en 2023, du coût des indemnités journalières liées au congé maternité postnatal à la branche famille, pour un montant de 2 milliards d'euros. Bref : plus de dépenses et moins de recettes.
Rien, par ailleurs, sur le « congé parental court mieux rémunéré » qu'annonçait la ministre Aurore Bergé à grand renfort de communication. Cette réforme est pourtant attendue par beaucoup de familles.
Je ne peux conclure mon propos sans dire un mot de la fraude sociale. En 2022, le coût des arrêts maladie a bondi de 8,2 %, hors covid ; il serait l'une des causes principales du dérapage des soins de ville en 2023. Selon la Cour des comptes, le coût des malversations portant sur les prestations sociales serait « de l'ordre de 6 à 8 milliards d'euros » annuels alors que les contrôles mobilisent « moins de 3 400 agents » dans l'ensemble des caisses !
Pour renforcer ces contrôles, vous vous engagez à créer 1 500 postes dédiés au contrôle fiscal d'ici à 2027 et à charger 1 000 agents de la lutte contre la fraude au sein des caisses de sécurité sociale. Ces annonces vont dans le bon sens. Malheureusement, le 49.3 annoncé nous empêchera de renforcer ce dispositif par nos amendements. Sans commentaire !