Ce budget est, comme l'ensemble de votre politique, en décalage, et ne prend absolument pas la mesure des besoins sanitaires et sociaux. Dans nos territoires, particulièrement en Guyane, ce décalage est abyssal.
Le PLFSS pour 2024 a pour ambition de renforcer l'attractivité des métiers dans les établissements de santé. En Guyane, au-delà de l'attractivité, c'est la fidélisation des personnels qu'il faut favoriser. Cela passe par des projets de recherche propres à nos pathologies, par l'installation d'équipements structurants performants, par la formation et le recrutement local. Sur ces points, votre gouvernement ne donne aucune réponse, ne formule aucune proposition pour nos territoires, ni dans le PLF ni dans le PLFSS. Aucune mesure ne prévoit la construction d'un hôpital neuf, capable d'accueillir le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Guyane. Vous préférez construire sur des parkings et installer des mobil-homes partout.
En outre, ce budget prévoit de prendre plus rapidement que prévu le virage de la prévention à tous les niveaux du système de santé. Cette ambition devrait être la même partout et pour tous. Or force est de constater que, dans nos pays, les moyens mis en place sont à géométrie variable. L'exemple du dépistage du cancer colorectal est révélateur. Les habitants de la Guyane, plus particulièrement des localités dépourvues de voies terrestres, ne disposent ni de laboratoires ni d'hôpitaux et sont donc condamnés à être diagnostiqués trop tard. Au surplus, votre choix unilatéral de transférer les analyses vers un laboratoire hexagonal, soit à plus de dix heures d'acheminement, ne permet pas de déceler la présence de cellules cancéreuses, rendant de fait ces prélèvements non analysables. Ainsi, pour la période 2021-2022, seulement 8 % du public cible a pu se faire dépister en Guyane, contre 35 % pour l'ensemble de la France. Si l'on ajoute l'absence d'offre de transport vers les communes isolées guyanaises, ce taux ne dépassera pas 3 % pour la période 2022-2023.
Favoriser la prévention, comme annoncé dans le PLFSS, impose des mesures adaptées à nos territoires, sans lesquelles la vie de tous ceux qui résident à plus de 7 000 kilomètres de Paris serait mise en danger – cela en connaissance de cause. Le volet préventif met en danger nos populations de manière assumée ; le volet curatif les met en danger de manière délibérée. En effet, un arrêté préfectoral, pris en 2015, a mis un terme à la collecte de sang sur le territoire guyanais, sans que les nombreuses alertes et interpellations politiques, médicales et associatives n'y changent rien.
Enfin, ce budget vise à « encourager la sobriété dans l'utilisation du système de santé ». Pour la Guyane, cela signifie simplement appauvrir un système de santé déjà indigent, ce qui est, madame la Première ministre, scandaleux et irresponsable. Du fait de l'enclavement, des personnes meurent en Guyane pour l'unique raison qu'il est impossible de les évacuer vers un hôpital du littoral. Compte tenu de l'obsolescence et du nombre insuffisant de plateaux techniques de l'hôpital de Cayenne, l'évacuation doit souvent être effectuée vers la Martinique ou vers Paris. Les délais de ces évacuations, difficiles à réaliser, réduisent drastiquement les chances de survie des patients, d'autant que tous les prétextes sont bons pour que la sécurité sociale refuse les évacuations sanitaires – à tel point que des associations de malades atteints de pathologies lourdes se constituent et ne cessent de nous interpeller sur cette question.
Situation absurde, indécente, intenable : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier l'état de délabrement avancé du système de santé en Guyane. Et pourtant, que prévoient le PLF et le PLFSS en matière d'investissements structurels ?