Cette irresponsabilité, vous la pratiquez depuis plusieurs années. « Durant le covid, je travaillais avec des sacs-poubelles. J'achetais une charlotte jetable au supermarché. On n'avait pas de masques FFP2, alors je mettais quatre masques chirurgicaux, mais ça ne m'a pas empêchée d'attraper le covid. » Sarah, quand elle travaillait en Ehpad à Limoges, a pris, elle, ses responsabilités. Malgré le covid, malgré la peur, elle est allée au travail pour s'occuper de nos aînés. Séparée, elle a laissé son fils pendant deux mois pour ne pas le contaminer – un déchirement au cœur, mais c'était pour faire battre le cœur de la nation. Elle avait sans doute en tête les promesses du Président : l'investissement massif, la nation reconnaissante. Elle attendait le moment où elle serait remerciée et où l'on reconnaîtrait son sens des responsabilités ; mais visiblement, le sens des responsabilités, les soignants sont les seuls à l'avoir, car depuis le covid, c'est l'enfer, et cela va de pire en pire.
Sébastien, infirmier à Brest m'explique : « Depuis trente ans, je n'ai jamais vu autant de gens demander des disponibilités ; énormément de jeunes entre 25 et 35 ans prennent des disponibilités. J'ai des collègues qui partent ouvrir des food-trucks ou des restaurants. » Vous avez été tellement responsables que, selon le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), nous sommes passés de 7 500 postes vacants en 2020 à 60 000 en 2022, une multiplication par huit en deux ans. C'est la grande fuite des soignants. Faute de considération, faute de reconnaissance, faute de revalorisation alors qu'ils ne demandent qu'un peu de décence, ils partent.
Ceux qui restent subissent : ils aiment leur boulot, mais vous leur imposez le pire – et c'est le pire partout. En pédiatrie, c'est la catastrophe. À Paris, on nous a dit : « Même pendant le covid, on n'a pas ventilé dans les services d'urgences ; maintenant, on ventile des enfants dans les couloirs. » À Orléans, Grégory nous raconte : « Depuis l'année dernière, on a dû fermer quatre lits en réanimation pédiatrique à cause du manque de pédiatres. C'étaient nos seuls lits, donc notre service a fermé. Maintenant, s'il y a une urgence, les enfants devront aller se faire soigner à Tours ou à Paris, à une heure trente de route. » Dans le même temps, la mortalité infantile ne recule plus dans notre pays – vous rendez-vous compte ?