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Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du lundi 26 septembre 2022 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno Le Maire, ministre :

Monsieur Lefèvre, oui nous travaillons à l'extension du budget vert, et tout ce qui permettra de l'étendre, de le développer ou de lui donner plus d'ampleur recevra un accueil favorable. Nous l'avons déjà étendu, pour 2023, à France 2030 et ses 30 milliards d'euros de crédits, aux transferts à l'Union européenne et aux dotations de soutien à l'investissement local. Certaines communes, y compris de très grandes, comme Paris, se sont déjà inscrites dans cette perspective du budget vert. C'est une dynamique qu'il faut encourager et développer.

Monsieur Tanguy, vous avez un rapport compliqué à la vérité. Vous parlez de soumission matin, midi et soir ; or, en la matière, vous en connaissez un rayon ! Soumission à Vladimir Poutine, à la Russie, à la violence de l'armée russe, refus des sanctions contre la Russie : en matière de soumission, vous parlez en expert.

Pour ce qui est de la justice fiscale, je rappelle que le seul État qui s'oppose à la mise en place d'un impôt minimum de 15 % pour éviter l'évasion et l'optimisation fiscales est la Hongrie de M. Orban, que Mme Le Pen soutient matin, midi et soir.

Quant au fioul, vous avez sans doute oublié que vous avez voté 230 millions de crédits de soutien aux ménages qui se chauffent avec ce combustible.

Avoir un rapport aussi compliqué à la vérité, c'est dommage pour un membre de la commission des finances !

Monsieur Guiraud, le plus difficile est devant nous, je l'ai dit au mois de juin ; je ne crois donc pas avoir trompé les Français sur la réalité de la situation économique ni sur la réponse que nous avons apportée. Nous sommes le seul pays de la zone euro qui a indexé sur l'inflation le salaire minimum, l'intégralité des prestations sociales et l'intégralité des retraites : protection. Le seul pays qui a mis en place un bouclier sur le gaz et sur l'énergie : protection. Le seul qui a instauré une remise sur le carburant : protection, encore, de nos compatriotes, notamment des plus modestes. Avec la remise supplémentaire de 20 centimes d'euro que nous avons obtenue de Total, le prix à la pompe affiche 50 centimes en moins ; nos compatriotes préfèrent que cette réduction aille dans leur poche plutôt que dans celle du Trésor public. Nous avons également obtenu des banques un plafonnement à 2 % des frais bancaires. Pour les plus modestes, nous avons obtenu que le niveau maximal de frais bancaires mensuels passe de 3 euros à 1 euro. Nous avons obtenu également un plafonnement de la part des assureurs et des remises de 750 euros par container pour les transporteurs maritimes.

Oui, nous nous sommes battus depuis des mois pour que la facture soit la moins lourde possible pour les classes moyennes et pour les ménages les plus modestes.

Pour ce qui est, enfin, des retraites, vous évoquez 2017, mais permettez-moi de vous rappeler que nous sommes en 2022, et que le Président de la République a gagné l'élection présidentielle. Lorsqu'il était candidat, il a présenté son projet, dans lequel se trouvait une réforme des retraites qui comportait une mesure d'âge à 65 ans et une accélération du nombre de trimestres à cotiser. Ayant gagné cette élection, le Président de la République est donc fondé à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été choisi par nos compatriotes.

Madame Louwagie, nous ne sommes pas les seuls à défendre cette prévision de croissance pour 2023, que le Haut Conseil lui-même dit ambitieuse, mais crédible. Depuis à peu près cinq ans qu'on me répète que toutes nos prévisions de croissance sont trop ambitieuses, je constate que la croissance française se tient, qu'elle est solide. Je crois dans les forces de la France et dans la capacité de l'économie française à dégager des marges de croissance, parce que nos entreprises continuent à investir, parce que nous voulons les protéger contre le risque énergétique, parce que nous avons préservé la demande et parce qu'un taux d'épargne qui reste élevé doit permettre, le cas échéant, de soutenir la demande.

Pour ce qui est, enfin, du gain que nous faisons sur les énergies renouvelables, si le bouclier énergétique représente bien 16 milliards d'euros, le gain lié aux ENR, les énergies renouvelables, est de 19 milliards d'euros pour 2023. À tous ceux qui diront que nous ne taxons pas assez, je ferai observer que 19 milliards d'euros, ce ne sont pas des clopinettes : c'est beaucoup d'argent pour financer notre modèle de protection, notre bouclier énergétique, qui résulte précisément du prélèvement sur les énergéticiens.

Madame Pires Beaune, vous n'avez pas eu la cruauté de rappeler le score d'Emmanuel Macron au premier tour de l'élection présidentielle, je l'aurai moi-même : il a obtenu 28 % – Anne Hidalgo, 1,7 % – et il a remporté le second tour de cette élection. Il me semble donc que l'un est mieux fondé que l'autre, en droit comme politiquement, à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été élu.

Quant aux entreprises bénéficiaires de la CVAE, il s'agit à 75 % de PME et à 25 % d'entreprises du secteur de l'industrie, c'est-à-dire beaucoup plus que les 11 % que représente l'industrie dans la richesse nationale. Il me semble donc qu'il s'agit d'une bonne mesure, puisqu'elle bénéficiera principalement aux entreprises industrielles.

Pour ce qui est, enfin, de la suppression des 10 milliards d'euros d'impôt de production, je constate que, pour la première fois depuis vingt ans, le solde net d'emplois industriels sur cinq ans est positif. Ce n'est pas un miracle – il ne s'agit que de 17 000 emplois, une fois prises en compte les destructions d'emplois liées à la crise du covid –, mais nous sommes dans la bonne direction. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous mettons fin à l'hémorragie de l'emploi industriel – plus d'un million d'emplois industriels détruits – et recréons enfin des emplois dans ce secteur. L'année dernière, on a ouvert plus de sites industriels qu'on n'en a fermés ; des investissements majeurs ont été faits, tel celui de Global Foundries à Crolles, près de Grenoble, avec STMicroelectronics, qui permet à notre pays d'être leader dans le domaine des semi-conducteurs. Quand on tient le bon bout, il ne faut pas le lâcher.

Je suis prêt à ce que nous rendions des comptes sur ces choix. S'il y avait eu des destructions d'emplois industriels par dizaines de milliers au cours des années passées, j'aurais bien été obligé de constater que ce n'était pas la bonne politique, mais dès lors que le solde est positif, je considère que nous sommes dans la bonne direction.

Par ailleurs, et je pense que vous partagez cette ambition, la reconquête industrielle n'est pas seulement un sujet économique. Certes, elle crée des emplois qualifiés et bien rémunérés, et permet de répondre aux attentes de nombreux jeunes, mais elle est aussi un enjeu politique, car l'industrie est une part de la culture économique française. De fait, l'hémorragie industrielle se traduit aussi par des désastres politiques. Reconquérir l'emploi industriel est donc pour moi une priorité vitale. Par respect pour la culture industrielle qui a toujours fait la force de notre nation, je ne ménagerai pas mes efforts : outre la baisse des impôts de production, nous ferons tout ce qui est nécessaire pour réussir cette reconquête, que ce soit en matière de formation, de qualification, de CFA, d'installation des usines ou d'accompagnement de ces dernières face à la transition énergétique et à l'augmentation des prix.

Madame Sas, je vous confirme que les recettes fiscales représentent 19 milliards d'euros et qu'elles s'appliquent principalement aux énergies renouvelables. C'est une question de justice. Durant des années, nous avons garanti aux énergéticiens – Total, Engie, EDF – un certain prix en échange de leurs investissements dans le solaire ou dans les éoliennes, parce qu'ils étaient coûteux et risqués. Des milliards d'euros ont ainsi financé le manque à gagner de ces énergéticiens, il est donc normal que, lorsque le prix de l'électricité explose bien au-dessus de ce prix garanti, ceux-ci nous reversent la différence. Elle représente près de 20 milliards d'euros de recettes, ce qui est considérable. Cette mesure est donc efficace et juste, car les énergéticiens n'ont fait aucun investissement de plus l'année où ils ont touché ces milliards de bénéfices ; ils ont bénéficié d'une rente et nous la récupérons.

Il y a là un vrai débat politique, tout à fait noble et intéressant, entre ceux qui veulent taxer toutes les entreprises qui font des bénéfices, sous couvert d'une « taxe sur les superprofits », et ceux qui veulent récupérer une rente. J'ai vu la proposition qui vise à taxer toutes les entreprises réalisant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires et des bénéfices : cela s'appelle une taxe universelle sur toutes les entreprises et ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons récupérer les rentes. Nous sommes contre les rentes, les bénéfices indus et les profits que des entreprises peuvent faire alors qu'elles n'ont pas investi et ne font que bénéficier d'une explosion conjoncturelle des prix de l'électricité. Nous les taxons donc à hauteur de près de 20 milliards d'euros

Nous ne taxons pas la production d'énergie fossile tout simplement parce que la France ne produit plus ni gaz ni pétrole : il n'y a donc rien à taxer. On peut, en revanche, taxer le raffinage – il y a là une vraie question, sur la base de la proposition européenne, et nous aurons l'occasion d'en parler. Quant à la production de pétrole de Total, elle est taxée dans les pays de résidence : c'est le principe de l'établissement stable en matière fiscale, qu'il est bon de respecter.

Quant à la rénovation globale, ses coûts vertigineux en font un débat compliqué. Faut-il concentrer les aides sur un nombre plus restreint de personnes pour favoriser des rénovations globales, ou maintenir un dispositif très large qui donne lieu à plus de gestes individuels, ce qui soutient aussi les activités du bâtiment et l'emploi ? Nous sommes prêts à avoir ce débat car il est utile pour notre pays.

Monsieur Sansu, vous évoquez un désarmement fiscal, mais avec un taux de prélèvements obligatoires qui reste le deuxième de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on ne peut pas véritablement dire que ce soit le cas et je ne pense pas que ce soit la perception de nos contribuables.

Quant à la part de rémunération du capital et du travail, c'est une fierté française que nous soyons le pays développé qui a le mieux maintenu la part de rémunération du travail par rapport au capital, et nous avons tout intérêt à rester dans cette direction.

À propos de la réforme du marché européen de l'énergie, je vous confirme notre détermination, qui est celle du Président de la République, de la Première ministre et de toute la majorité, à porter ce débat. Voilà un an que nous demandons le découplage des prix du gaz et de l'électricité, car ce couplage est une aberration économique et environnementale. Je me suis entretenu au téléphone à plusieurs reprises à ce sujet avec mon homologue allemand, Robert Habeck, et nous continuerons à nous battre en ce sens. Cela me paraît absolument indispensable.

Enfin, monsieur de Courson, les amendements proposant des économies recevront, bien entendu, un accueil favorable de notre part.

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