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Intervention de Sylvie Retailleau

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sylvie Retailleau, ministre :

Avant d'évoquer le coût de l'énergie, qui est un sujet clé en ce début d'année universitaire, je tiens à faire un point de méthode. Nombre d'entre vous ont à juste titre illustré leurs propos par des chiffres. Pour être entendus de nos concitoyens et pour conserver leur confiance, nous devons nous entendre sur les chiffres et sur les constats. À partir de ce socle commun, les diverses opinions peuvent ensuite s'exprimer pour enrichir les débats et les textes.

C'est sur la base d'un constat partagé que nous pourrons ensemble réussir à améliorer le système et assurer l'avenir des étudiants. Il nous faut également définir des indicateurs communs. Je reviendrai prochainement vers vous pour que nous nous mettions d'accord sur les chiffres et leur interprétation. Notre travail n'en sera ensuite que plus efficace et plus compréhensible.

En ce qui concerne la hausse des coûts de l'énergie, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche ne sont pas les seuls à y être confrontés puisqu'elle est la conséquence d'une crise exceptionnelle, conjoncturelle et mondiale.

Pour 2022, nous faisons passer le message à tous les établissements : pour payer le chauffage, ne sacrifiez ni les postes, ni vos projets d'investissement importants. Nous assumons le fait que le budget rectificatif des universités soit, si nécessaire, déficitaire. Actuellement nous faisons un état des lieux et nous accompagnons les établissements. Nous étudions au cas par cas leur budget pour déterminer ceux qui ont besoin d'être aidés pour ne pas avoir à sacrifier l'essentiel ou à revenir à l'enseignement à distance – après le covid, les cours en présentiel sont indispensables pour nos jeunes. Mais avant les aides, il faut aussi vérifier s'il n'y a rien de disponible dans leur fonds de roulement et leur trésorerie.

S'agissant de 2023, il est trop tôt pour donner des détails, les coûts énergétiques évoluent beaucoup. En revanche, madame Taillé-Polian, je vous confirme que la hausse du point d'indice sera compensée en 2023 pour tous les postes concernés dans les établissements d'enseignement supérieur.

L'énergie est donc une préoccupation majeure et nous y travaillons avec les établissements, qui sont aussi responsables, pour ne laisser personne en difficulté.

Ce travail va de pair avec la définition d'un plan de sobriété, qui constitue une réponse plus pérenne à la transition écologique. Nous sommes en train de discuter avec les établissements, car les retours de terrain sont très importants en la matière, et nous leur transmettrons début octobre un cadrage général. Le plan de sobriété comprendra des mesures à court terme, parmi lesquelles des restrictions afin d'atteindre l'objectif d'une diminution de 10 % de la consommation d'énergie sur les deux prochaines années : il faudra voir comment baisser le chauffage, installer des thermostats, éteindre la lumière, ce qui est toujours difficile dans les lieux publics… À plus long terme, il faut réfléchir à des solutions, sans doute technologiques, pour les grands équipements de recherche, qui sont de gros consommateurs d'énergie.

J'en viens à la réforme des bourses, rendue nécessaire par plusieurs raisons. Je vous en citerai deux. D'abord, 44 % des étudiants – ce chiffre est antérieur au covid – qui quittent le nid familial, appelés décohabitants, vivent sous le seuil de pauvreté. Nous devons bien identifier les étudiants qui ont besoin de bourses et mieux connaître leur profil. Ensuite, il existe des effets de seuil : une variation du salaire de 10 ou 20 euros peut se traduire, du fait d'un changement de tranche, par une diminution de 100 euros de la bourse. Il y a d'autres problèmes, et il faudra établir un constat partagé au début de la concertation.

Du point de vue de la méthode, avant d'étudier et de chiffrer les propositions, il faudra définir les principes qui doivent nous guider. Ma priorité est clairement d'aider les étudiants précaires et de leur permettre de faire des études dans de bonnes conditions. J'ai désigné un délégué ministériel en la personne de Jean-Michel Jolion pour mener la concertation. Le rapport final est attendu pour juin 2023 et la réforme demandera sans doute du temps – on évoque une entrée en vigueur en 2024 ou 2025, mais je ne peux prendre aucun engagement avant les résultats de la concertation, excepté celui de faire au plus vite. En attendant, un point d'étape sera fait en janvier afin d'apporter une première réponse, peut-être paramétrique, aux étudiants à la rentrée 2023.

Madame Brugnera, la santé mentale et la santé en général seront au cœur du dialogue territorial sur la vie étudiante. Tous les acteurs – associations de praticiens, communautés professionnelles territoriales de santé, centres hospitaliers, universités – seront autour de la table pour trouver des solutions territoriales.

Quant aux solutions nationales, le dispositif Santé Psy Étudiant a été reconduit, avec quelques améliorations depuis les difficultés constatées pendant le covid. Les étudiants peuvent ainsi consulter l'un des 1 200 psychologues partenaires pour huit séances sans avance de frais. Plus de 32 000 étudiants ont été suivis dans le cadre de ce dispositif qui est monté en charge progressivement.

À la suite du covid, qui a mis en exergue la question de la santé mentale, il a été décidé de créer 40 équivalents temps plein de psychologue dans les établissements, qui ont été pérennisés. Nous généralisons aussi la formation aux premiers secours en santé mentale – près de 2 500 professionnels dans une trentaine d'établissements en ont déjà bénéficié.

Dans le cadre des programmes et équipements prioritaires de recherche du plan France 2030, 80 millions d'euros sur cinq ans ont été alloués au programme PROPSY – Projet-programme en psychiatrie de précision. Nous avons demandé à la porteuse de projet qu'une attention particulière soit accordée aux étudiants. Les centres experts travailleront ainsi avec les universités.

Nous avons également engagé une réforme des services de santé universitaires (SSU) qui devrait aboutir en octobre. Mon objectif est de renforcer les effectifs des SSU et d'accroître l'attractivité des postes, qui sont parfois difficiles à pourvoir, ainsi que de financer les projets les plus porteurs.

Monsieur Chudeau, merci d'avoir évoqué le premier cycle, qui est au cœur des préoccupations du ministère de l'enseignement supérieur depuis des années. Vous avez parlé d'échec, vous regrettez que rien n'ait évolué. Ce n'est pas tout à fait exact. Nous devrons nous entendre sur les chiffres, parce que les miens montrent des évolutions.

Ainsi, avant le covid, le taux de passage en deuxième année était passé de 40 à 45 % en deux ans, grâce à la loi ORE et au dispositif « oui, si » – lorsqu'un établissement donne son accord pour accueillir un étudiant en première année sous réserve qu'il bénéficie d'un accompagnement personnalisé. Je salue le travail de ceux qui ont obtenu ces résultats. Seconde évolution, entre 2018 et 2020, le nombre de boursiers ayant intégré l'université est passé de 20 à 25 %, ce qui est loin d'être négligeable. Ces évolutions sont en partie le fruit de changements de pédagogie et d'un accompagnement renforcé.

Je ne généraliserai pas parce que les formations universitaires sont très diverses – facultés, instituts universitaires de technologie… – mais s'il y a des structures qui ont évolué pour absorber la hausse du nombre d'étudiants et leur offrir des cours de qualité, ce sont bien les universités. Je tiens à rendre hommage aux personnels, qui ont beaucoup donné pour y parvenir. Parler de l'inefficacité de l'enseignement supérieur, non ce n'est pas possible. En revanche, je reconnais qu'il y a des progrès à faire. En matière de pédagogie notamment, le premier cycle doit s'adapter au XXIe siècle, au nombre grandissant d'étudiants et à leurs profils très différents.

Vous regrettez que les étudiants ne puissent pas accéder aux métiers de leur choix. Justement, il faut créer des passerelles et développer l'accompagnement pour les aider à obtenir ce qu'ils souhaitent. Il faut changer de philosophie, oublier les parcours linéaires bien balisés – bac, bac + 3 puis bac + 5 – et favoriser la formation tout au long de la vie. Dire à nos jeunes que le seul espoir, c'est d'atteindre un niveau bac + 5 en cinq ans, c'est leur mentir. On peut y passer une année de plus, mais qui sera utile pour se former et acquérir des méthodes. Il faut réfléchir à cette année « +1 ».

Il faut aussi prévoir des passerelles. Nous allons formaliser, dans les maquettes de formation, des moments privilégiés pour les emprunter. Il me semble que la deuxième année est un bon moment pour envisager une réorientation. Nous devons aussi travailler à l'innovation pédagogique, en fournissant à nos enseignants-chercheurs des fonctions supports et en les encourageant à prendre des congés pédagogiques, qui sont un bon moyen de faire évoluer leur enseignement. C'est un travail de fond.

J'en viens à la LPR. Nous tenons à l'appliquer telle qu'elle a été votée, en particulier s'agissant des 644 millions qu'elle consacre aux ressources humaines, essentiellement pour la revalorisation des carrières. Les primes des enseignants-chercheurs passeront de 1 200 à 6 400 euros en 2027. Nous procéderons à 6 500 repyramidages, dont 4 500 pour les personnels administratifs et techniques. Nombre de nos collègues de catégorie B ou C exercent un métier qui est monté en compétence au cours des dernières années sans que leur poste ait été revalorisé : ce sera reconnu. La LPR va permettre la revalorisation des carrières de tous les personnels de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Les doctorants en font partie. Dans son enquête sur le doctorat, la FAGE fait état d'une baisse du nombre de doctorants. Mes services penchent plutôt pour une stabilité, mais nous en reparlerons lorsque nous aurons examiné de plus près les chiffres de la FAGE. La LPR, en tout cas, prévoit de créer 2 000 contrats doctoraux supplémentaires d'ici 2027 ; 700 l'ont déjà été en deux ans. Il y aura aussi une revalorisation salariale de 20 % : la rémunération minimale des nouveaux contrats doctoraux atteindra 2 300 euros brut en 2027. Nous avons besoin de nos doctorants, ces dispositions de la LPR sont importantes.

Nous voulons que la LPR soit appliquée, donc, et qu'elle le soit dans le calendrier prévu. Certains m'ont demandé si nous comptions en accélérer l'application. Je me suis engagée à revenir devant votre commission et devant celle du Sénat au printemps prochain pour faire un premier bilan de la LPR. Pour l'instant, les décrets ont été publiés mais avant de parler d'une accélération, il convient d'abord de voir comment la loi s'applique. Pour l'heure, nous essayons déjà de simplifier les procédures que nos collègues des ressources humaines auront à gérer pour ce qui touche au repyramidage ou au régime indemnitaire des personnels par exemple. Nous verrons au printemps prochain s'il paraît envisageable d'accélérer la mise en œuvre de la LPR, du point de vue du calendrier comme des contraintes financières.

Il faut aussi faire en sorte que les enseignants-chercheurs puissent se consacrer à leur cœur de métier, à savoir la recherche et l'enseignement. Il faudra que les universités y veillent lorsqu'elles définiront leurs contrats d'objectifs et de moyens. Il faut aussi renforcer les fonctions supports dans les universités et aider les enseignants-chercheurs à monter des projets au niveau européen, car c'est crucial.

Monsieur Davi, vous avez évoqué la question du manque de places en master et de la sélection. Je n'ai pas du tout les mêmes chiffres que vous. D'après les données du ministère, on compte 186 000 places en master pour 164 000 étudiants sortant de licence : il ne manque donc pas de places. Ce qui nous manque, c'est une cartographie nationale. Il faut qu'un étudiant marseillais, s'il souhaite faire du droit mais qu'il n'y a plus de place à Marseille, puisse se voir proposer une place à Brest. Nous ne sommes pas capables de faire cela, à l'heure actuelle. Il arrive d'ailleurs qu'il y ait des places libres dans certains amphithéâtres à la rentrée, parce que des étudiants n'ont pas informé l'université qu'ils renonçaient à la leur. Il faut essayer de combiner l'existence de ces places libres et les souhaits d'orientation des étudiants, par l'intermédiaire de la plateforme que j'ai déjà évoquée. Je vous ferai un premier état des lieux l'année prochaine. J'ajoute qu'il existe une aide à la mobilité de 1 000 euros pour les étudiants contraints de changer de ville pour poursuivre leurs études en master.

J'aimerais revenir à présent sur le caractère prétendument sélectif de Parcoursup. Pour moi, une filière sélective est une filière qui, bien qu'elle dispose de quarante places, peut décider de n'en attribuer que trente, si elle estime que les autres candidats n'ont pas un niveau suffisant. C'est, typiquement, le cas des classes préparatoires aux grandes écoles. Une filière non sélective, quant à elle, acceptera quarante candidats, quel que soit leur niveau. Ce qui est vrai, c'est que Parcoursup a changé la manière d'accorder ces places : on est sorti du « premier arrivé premier servi » et du tirage au sort. Mais Parcoursup reste un système non sélectif.

Vous voulez supprimer Parcoursup, mais pour la remplacer par quoi ? C'est une plateforme qui existe depuis cinq ans ; elle ne cesse de s'améliorer. La plupart du temps, ce sont des enseignants qui étudient les dossiers dans les commissions d'admission. Les critères retenus sont de plus en plus transparents : 10 000 rapports de jurys ont été publiés cette année. Il faut toujours aller plus loin dans la transparence, par exemple en informant les jeunes sur le taux d'insertion et de réussite des différentes filières – nous allons mettre ces données à disposition sur Parcoursup. Nous veillons, avec le ministère de l'Éducation nationale, à fournir toujours plus d'informations aux élèves et aux étudiants et à renforcer le lien entre l'enseignement supérieur et le secondaire, trois ans avant le bac et un an après (-3 /+1), grâce notamment aux enseignants référents dans les lycées. Tout ce travail d'information se fait de façon continue, nous identifions les problèmes et les résolvons pas à pas. Je crois que ce serait une erreur majeure d'abandonner Parcoursup, qui ne cesse de progresser, pour repartir à zéro.

Madame Périgault, vous parlez de 117 000 jeunes restés sur le carreau cette année. Une fois encore, c'est la bataille des chiffres : pour moi, à la fin de la phase principale cette année, il restait 44 000 étudiants, dont 15 000 ont saisi les commissions d'accès à l'enseignement supérieur (CAES). Je n'ai pas encore les résultats à la sortie de la CAES pour cette année, mais l'an dernier, les chiffres étaient à peu près les mêmes et à la fin, seuls 240 étudiants n'avaient pas trouvé de place. Je vous donnerai les chiffres dès que je les aurai, mais il est vraiment important que nous nous mettions d'accord sur le constat pour pouvoir agir.

S'agissant du logement, nous sommes en train de faire un état des lieux du plan 60 000 logements étudiants. Nous analysons les raisons pour lesquelles seulement 30 000 ont été construits – covid, problèmes du secteur du bâtiment… – et allons travailler avec les collectivités, lors des dialogues territoriaux, pour poursuivre et amplifier le mouvement.

Monsieur Berta, vous m'avez interrogée au sujet de la démographie universitaire. On compte 25 000 étudiants de plus à cette rentrée, sur un total de près de 3 millions d'étudiants. En premier cycle, ce sont les sections de technicien supérieur qui ont connu la plus forte augmentation. Les données montrent que c'est dans les filières professionnelles qu'il faut ouvrir des places supplémentaires – bac professionnel, bac technologique, BTS, BUT 3, L3 professionnelle… – tout en favorisant les passerelles, je l'ai dit.

Vous avez évoqué l'AVIESAN. Elle fera partie d'une réflexion plus globale que nous devons mener sur le rôle des alliances et sur leur capacité à réunir des établissements et des organismes de recherche autour de grands programmes thématiques.

Sur l'apprentissage des langues, enfin, je reviendrai vers vous, car je n'ai pas tous les éléments relatifs à la certification.

Madame Rouaux, il est vrai que le niveau de pratique sportive des jeunes est assez alarmant et nous cherchons des leviers d'action, notamment dans le cadre des dialogues territoriaux. Il faut que les étudiants aient accès aux infrastructures sportives. Parmi les dispositifs existants, il y a le pass'sport et la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), que nous sommes en train d'évaluer. Il apparaît que plus de 20 % de son montant est consacré au sport. À Caen, où je me suis rendue la semaine dernière, la CVEC a permis la construction d'un équipement sportif. Il faut aussi mieux informer les étudiants sur leurs droits : dans plusieurs établissements, la CVEC donne droit à une ou deux séances de sport par semaine. Il faut voir avec les établissements comment développer les infrastructures et l'accès aux séances de sport. Mais même quand cet accès est assuré, seulement 30 à 40 % des étudiants ont une pratique sportive : c'est un vrai enjeu de santé publique.

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