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Intervention de Sylvie Retailleau

Réunion du mercredi 21 septembre 2022 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche :

Je suis honorée d'être avec vous cet après-midi pour ma première audition à l'Assemblée nationale en tant que ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Depuis ma nomination, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs d'entre vous et j'ai aussi répondu à quelques questions d'actualité au Gouvernement. Je me réjouis par avance des échanges que nous allons avoir dans le cadre de cette audition.

Je ne rappellerai pas le contexte économique et géopolitique particulier dans lequel nous nous trouvons. Je me contenterai de dire que je crois profondément que, chacun à sa manière, à des échelles et selon des modalités différentes, l'enseignement supérieur et la recherche peuvent être des réponses aux grands défis d'aujourd'hui et de demain, face auxquels nous devons nous mobiliser collectivement.

Le ministère dont j'ai la responsabilité a une double vocation : repousser les frontières de la connaissance dans l'ensemble des domaines scientifiques et en garantir la transmission.

Mes priorités s'articulent autour de deux axes principaux.

Le premier consiste à placer notre système d'enseignement supérieur au cœur de la formation de citoyens éclairés, désireux et capables de prendre une part active au monde de demain et de se former tout au long de leur vie. Pour cela, nous devons renforcer l'égalité d'accès à l'enseignement supérieur. C'est je crois une volonté partagée, une mesure renforçant le pacte républicain et un levier pour préparer l'avenir de nos jeunes, ainsi que celui de notre pays.

Le premier cycle est une de mes priorités. Il nous faut former non seulement aux métiers d'aujourd'hui mais aussi à ceux de demain, que nous ne connaissons pas encore. Pour cela, nous devons continuer à professionnaliser les études, comme nous avons commencé à le faire avec la réforme des bachelors universitaires de technologie (BUT), dont l'objectif est d'atteindre 50 % d'insertion professionnelle au niveau bac + 3. Cet objectif, fixé par l'arrêté des licences professionnelles, doit s'accompagner du développement de la formation tout au long de la vie au sein de nos établissements : c'est capital pour l'avenir de nos étudiants, de nos professions et de nos industries.

La Première ministre l'a indiqué lors de sa déclaration de politique générale : nous devons, dans le supérieur, permettre aux étudiants et étudiantes de choisir le métier qu'ils veulent exercer, en les informant au mieux des besoins du marché du travail afin de leur garantir une bonne insertion. Grâce à la formation tout au long de la vie, ils doivent également se sentir libres de changer de métier et de saisir les occasions qui se présentent à eux. C'est pourquoi je souhaite, en parallèle du droit à la poursuite des études, renforcer le droit à la reprise d'études.

Ce travail s'accompagnera d'une réflexion pédagogique. Comment former les étudiants du XXIe siècle et leur permettre d'être des citoyens éclairés, désireux et capables de prendre une part active au monde de demain ? En évoluant vers un modèle qui cultive la diversité plutôt que la conformité, qui soit un modèle d'apprentissage et pas uniquement d'enseignement de contenus, qui apprenne à apprendre en assurant un socle de base solide et des méthodes de travail efficaces.

Cette action en direction du premier cycle doit être pensée en relation avec le lycée et avec le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse. Parcoursup est la charnière de cette relation. Dire que Parcoursup fonctionne ne signifie pas que la plateforme ne peut pas être améliorée. Nous entendons les retours et le stress des élèves et de leurs familles et nous allons lui apporter des modifications dès cette année, et probablement encore durant les deux ans à venir – nous y travaillons avec le ministre Pap Ndiaye.

S'agissant du second cycle, j'ai souhaité que la concertation sur la facilitation de l'accès en première année de master, lancée en novembre 2021, reprenne dès le mois de juillet, avec l'ensemble des acteurs concernés. Elle porte sur le principe d'une plateforme nationale d'admission en première année de diplôme national de master, qui serait un guichet unique de dépôt des dossiers de candidature, de consultation des propositions d'admission, d'allocation des places et de réponse des candidats. Avec le dépôt unique des dossiers, les candidats ne seront plus confrontés à une multitude de modalités de recrutement variant selon les établissements. Il y aura un calendrier national unique. Le calendrier commun de réponse aux candidats et d'inscription administrative a été testé pour la procédure d'admission 2022 et a d'ores et déjà permis de fluidifier le processus de recrutement : le taux de saisine des rectorats, seul indicateur dont je dispose, a diminué de 33 % cette année.

La plateforme permettra d'optimiser l'attribution des places en master avant les congés d'été. Les candidatures ne seront pas hiérarchisées, de façon que les étudiants soient au centre de la procédure, ne s'autocensurent pas et gardent la main tout au long du processus. L'examen des candidatures ne sera pas effectué par la plateforme : il continuera à relever exclusivement des commissions pédagogiques de chaque établissement, qui sont constituées d'enseignants-chercheurs des formations concernées. Le rôle de la plateforme consistera seulement à redistribuer les places laissées vacantes par les candidats ayant accepté d'autres propositions. Cette plateforme au service des étudiants permettra ainsi, dès 2023, de construire une solution nationale et durable pour faciliter l'accès au diplôme national de master.

Afin de soutenir l'adaptation des formations aux compétences requises par les métiers de demain, un appel à manifestation d'intérêt « Compétences et métiers d'avenir » a été lancé. L'État y consacre 2 milliards d'euros dans le cadre du plan d'investissement France 2030.

J'en viens à la vie étudiante. Je souhaite que la France prenne toujours mieux soin de ses étudiantes et de ses étudiants. En raison du niveau exceptionnel de l'inflation, des mesures d'urgence ont été prises, avant l'été, en faveur de leur pouvoir d'achat : gel des droits d'inscription universitaire et des loyers en résidence étudiante ; revalorisation de 3,5 % des aides personnelles au logement (APL) et de 4 % des bourses sur critères sociaux ; extension du pass'sport aux boursiers ; aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros pour les bénéficiaires de bourses sur critères sociaux, de l'aide annuelle du CROUS ou des APL, soit plus de 1,5 million d'étudiants, la moitié d'entre eux – avec un complément de 50 euros pour ceux qui sont parents ; maintien du repas à 1 euro durant toute l'année universitaire 2022-2023, ce qui représente une économie d'environ 100 euros par mois pour un étudiant qui mange midi et soir au CROUS – jusqu'à Noël, tout étudiant en situation de précarité, même non boursier, peut bénéficier de cette disposition en s'adressant directement à ce dernier, le temps que son dossier soit examiné.

Ce sont là des mesures d'urgence qui n'éludent en rien la nécessité de revoir en profondeur notre système de bourses sur critères sociaux. J'ai donc annoncé le lancement en parallèle de deux chantiers : une concertation nationale sur la réforme des bourses et des échanges territoriaux sur la vie étudiante et la formation.

La concertation nationale sur la réforme des bourses sera menée avec l'ensemble des institutions et organisations impliquées au niveau national dans la vie étudiante. Nous devons examiner les différentes options et nous fixer un calendrier réaliste tout en ayant la volonté d'apporter des premières réponses dès la rentrée universitaire 2023, quitte à ce que ce ne soient pas les solutions définitives.

Je suis consciente de l'hétérogénéité des territoires et des lieux d'études, et c'est pourquoi l'échelle territoriale me semble la plus indiquée pour la définition des politiques de vie étudiante. Si les bourses doivent demeurer soumises à une politique nationale, l'ensemble des autres objets de la vie étudiante, comme le logement, la restauration, la santé, la culture, le sport ou l'engagement associatif, sont appelés à être examinés à cette échelle territoriale. L'objectif est de construire des schémas directeurs territoriaux de la vie étudiante, articulés à une vision globale des études dans le supérieur.

Ces deux chantiers commenceront formellement au mois d'octobre et se poursuivront durant toute l'année universitaire 2022-2023.

Le deuxième axe que je souhaite vous présenter consiste à repositionner le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche comme le lieu d'élaboration de la politique de recherche et du pilotage de l'ensemble de ses acteurs.

Pour y parvenir, je souhaite renforcer l'autonomie des établissements, en faisant confiance aux équipes sur le terrain. Pour cela, il faudra conclure des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens avec chacun d'entre eux. Il faudra aussi simplifier la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR). Plusieurs décrets vont paraître prochainement à cette fin. Pour certaines mesures, nous devrons prendre le temps de la consultation ; tel est le cas de la procédure de repyramidage entre maîtres de conférences et professeurs, qui pourrait aboutir vers la fin de l'année civile. J'ai également demandé à mes services de mettre fin dès le 1er janvier 2023 aux différences de rémunération entre les doctorants, en traitant non seulement le flux, mais aussi le stock.

Je souhaite aller plus loin en renforçant et en articulant mieux la position de nos opérateurs de recherche, organismes de recherche et établissements d'enseignement supérieur. L'objectif est de créer des conditions favorables à une recherche centrée sur les grands enjeux de société, mais toujours guidée par la curiosité.

Il est en outre crucial de penser le triptyque formation-recherche-innovation à l'échelle européenne. C'est pourquoi il convient de continuer d'accompagner les universités dans leurs stratégies d'alliances européennes, en articulant mieux les politiques de recherche et d'innovation, en prolongeant toutes les formes de collaboration et en étudiant les différents statuts possibles. Il faut laisser les établissements à la manœuvre. Aujourd'hui plus que jamais, nous avons la responsabilité de promouvoir des valeurs européennes communes.

Deux thématiques transversales irrigueront les deux grands axes que je viens de présenter : d'une part, le lien entre science et société, fondamental pour lutter contre les fausses informations et former des citoyens éclairés ; d'autre part, la transition écologique et énergétique.

On ne peut pas parler du monde de demain sans mentionner cette dernière. Elle nourrira l'ensemble des chantiers que j'entends mener, pour ce qui concerne tant la recherche et l'innovation que la formation et les usages. C'est une attente de la société et de la jeunesse – une priorité. Je souhaite que le ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche soit un acteur majeur et exemplaire de la transition écologique et énergétique, pleinement investi dans la planification écologique menée par la Première ministre.

S'agissant du volet formation, nous devons donner les clefs de la compréhension des enjeux de la transition écologique à chaque étudiant durant ses premières années d'études. Une réflexion est en cours sur le bloc commun de connaissances et de compétences socles, en vue de déployer ces enseignements dès la rentrée 2023.

Dès mon arrivée, j'ai pris connaissance des nombreux rapports produits par l'Assemblée nationale et le Sénat sur ces beaux sujets qui concernent mon ministère. Je n'ignore pas que d'autres travaux sont en cours. Je sais pouvoir compter sur vous pour continuer dans cette voie. Réciproquement, vous pourrez compter sur moi pour toujours examiner avec attention les conclusions de vos travaux.

Plus globalement, vous pouvez compter sur moi pour mener avec vous un dialogue constant, sérieux et nourri en vue de faire évoluer notre politique d'enseignement supérieur et de recherche. Je suis convaincue, même si je sais que nous ne serons pas toujours d'accord, que nous devons viser cet objectif commun. Ce qui est au centre de ce ministère, c'est notre jeunesse et son avenir. C'est une motivation forte pour travailler ensemble !

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