Intervention de Olivier Andrault

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 14h00
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Olivier Andrault, chargé de mission Alimentation et nutrition de UFC-Que Choisir :

J'interviendrai pour ma part sur la problématique des limites maximales de résidus. Nous savons que l'impact des pesticides sur la biodiversité est catastrophique, pour la biodiversité animale comme végétale. Cependant, dans l'ensemble, nous constatons un bon niveau de conformité sur la présence de résidus de pesticides dans les aliments, lesquels sont souvent mesurés à des doses inférieures à celles qui sont autorisées par la réglementation européenne dans le cadre des limites maximales de résidus (LMR). C'est le discours tenu par la direction générale de l'alimentation (DGAL) et par les autorités européennes. Il est vrai que la plupart des produits alimentaires sont conformes à ces LMR.

Nous avons cependant souhaité creuser un peu plus cette question, en fonction de la nature de ces substances. Nous avons analysé les 14 000 contrôles sanitaires officiels réalisés en 2022 par les autorités françaises sur les aliments vendus, notamment sur les fruits et légumes. Nous nous sommes aperçus que 51 % des contrôles révèlent la présence d'au moins une des cent-cinquante substances suspectées d'être cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques (CMR) ou perturbatrices endocriniennes. 30 % des contrôles révèlent la présence d'au moins deux de ces pesticides à risque.

Cela signifie que pour des molécules à risque comme les CMR et les perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés, la notion de LMR n'est pas protectrice. Ces substances peuvent en effet agir à des doses extrêmement faibles. La solution serait donc d'agir directement sur les procédures d'autorisation des molécules de pesticides.

J'en viens à la problématique de l'eau du robinet. Les pollutions d'origine agricole dans les cours d'eau ou les nappes phréatiques génèrent un surcoût pour la dépollution estimé entre 750 millions d'euros et 1,3 milliard d'euros par an. C'est le consommateur d'eau qui paie pour cette dépollution via sa facture d'eau, afin que son eau soit conforme aux critères européens et français. C'est le principe pollué-payeur.

Malgré ces coûteux traitements, il y a des dépassements récurrents des normes de qualité. Notre dernière enquête sur la qualité de l'eau du robinet révèle que 450 000 consommateurs boivent une eau non-conforme en raison de la présence de pesticides à des niveaux supérieurs aux limites spécifiques applicables à l'eau. 148 000 consommateurs sont concernés par ces dépassements s'agissant des nitrates.

Nous avons également analysé le type de molécules trouvé dans les analyses jugées conformes. La présence de pesticides suspectés d'être des perturbateurs endocriniens est avérée dans 28 % des analyses jugées conformes. En Ile-de-France, où le nombre de molécules retrouvées est le plus élevé, les perturbateurs endocriniens sont présents dans 80 % des analyses jugées conformes. Il s'agit donc d'une conformité en trompe-l'œil. On retrouve notamment le métabolite du chlorothalonil – un fongicide interdit mais largement utilisé par le passé – en raison de sa rémanence. Toutes ces données montrent que des investissements conséquents seront nécessaires pour nous mettre en conformité avec la réglementation européenne.

Au regard de ces constats, nous recommandons une remise à plat des procédures d'autorisation des produits phytosanitaires. Comme vous le savez, ces procédures reposent très majoritairement sur des études transmises par les fabricants eux-mêmes. Même si elles ne sont pas réalisées par les fabricants, elles sont transmises par des laboratoires dits indépendants aux fabricants avant d'être communiquées aux autorités régulatrices.

Nous demandons des méthodologies officielles pour mieux identifier les composés CMR PE. Nous demandons que des contre-analyses indépendantes puissent être réalisées, notamment sous la responsabilité des agences sanitaires. En application du principe de précaution, nous demandons aussi l'interdiction immédiate des molécules les plus à risque, compte tenu de l'accumulation des preuves.

Enfin, pour terminer sur un message positif, nous avons réalisé il y a quelque temps une enquête sur l'impact de mesures assez anciennes mais très utiles ; il s'agit des mesures de protection des captages prioritaires instaurées par les lois Grenelle I et Grenelle II. Il en ressort que la mise en place d'un plan d'actions pour réduire l'usage des pesticides fonctionne. Sur les deux tiers des captages que nous avons étudiés avec nos associations locales, nous observons une baisse ou une stabilisation de pollution. Ces résultats ont pu être obtenu grâce à plusieurs paramètres essentiels : un pilotage par les communes desservies – et non par les chambres –, un caractère obligatoire, des suivis réguliers et d'autres mesures génériques.

Nous demandons donc que ces bonnes pratiques soient source d'inspiration et que des négociations soient engagées avec la profession agricole. Pour les collectivités territoriales, le coût d'une aide financière à la transition écologique sur les aires de captage est, selon nos estimations, entre deux et trois fois inférieur à celui de la dépollution. L'eau est quand même le premier aliment consommé. Les réponses apportées à la problématique de l'eau par les instances décisionnaires sont généralement des solutions palliatives et non préventives. Au lieu de financer la dépollution, il nous semble plus pertinent d'aider les agriculteurs à faire évoluer leurs pratiques de captage. La priorité actuellement accordée aux solutions palliatives nous semble symptomatique d'une gouvernance insuffisamment démocratique dans ces instances.

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