Notre agence couvre deux bassins, le bassin corse et le bassin Rhône-Méditerranée. Le bassin corse est relativement peu important en termes de pollution agricole, le sujet qui nous occupe aujourd'hui. Notre territoire est très diversifié : il comprend à la fois de grandes agglomérations, des secteurs ruraux, une industrie fortement présente sur certains secteurs et une agriculture très diversifiée, puisque nous avons à la fois une forte agriculture de montagne dans les secteurs jurassien et alpin, et des types d'agriculture plus intensifs, avec une forte activité viticole et arboricole. L'agriculture du bassin est globalement fortement utilisatrice de produits phytosanitaires.
Les résidus de phytosanitaires retrouvés dans les milieux aquatiques sont majoritairement d'origine agricole. La pollution par des résidus ou des produits pesticides est généralisée dans les cours d'eau et les eaux souterraines du bassin. Pour vous donner une idée, seuls 14,5 % des points de mesure sont exempts de tout produit phytosanitaire, dans les zones montagneuses. Cela veut dire que l'on a une imprégnation générale de l'ensemble des milieux aquatiques, qu'il s'agisse des eaux souterraines ou des eaux superficielles. Cela ne signifie pas que la pollution est grave partout. La situation apparaît un peu moins mauvaise s'agissant des eaux souterraines.
Au-delà des pollutions par les milieux aquatiques, superficiels ou souterrains, les pesticides peuvent aussi se retrouver en Méditerranée. En toile de fond de nos actions, il convient ainsi de mentionner la protection de la Méditerranée.
La politique d'intervention de l'agence s'est fondée sur le constat que nous n'avions pas des moyens financiers à la hauteur, par exemple, de la politique agricole commune, et que nous devions donc cibler nos interventions financières. Notre conseil d'administration et les comités de bassin ont ainsi choisi de cibler les territoires à fort enjeu. Il s'agit notamment des captages prioritaires utilisés pour l'eau potable, qui présentent des niveaux de pollution importants. C'est aussi la préservation des ressources stratégiques pour l'alimentation en eau potable – il s'agit ici des ressources qui, dans le futur, seront susceptibles d'être utilisées pour l'eau potable et qu'il convient de protéger. Nous surveillons plus largement les zones à enjeux phytosanitaires, c'est-à-dire là où existe une pression phytosanitaire forte. Je précise que nos actions sont décroissantes en termes de financements et de dispositifs mobilisables selon qu'on parle des captages prioritaires ou des secteurs plus larges que j'évoquais.
Nous sommes la deuxième agence en termes de poids financier, derrière l'agence Seine-Normandie. Nous consacrons environ 40 millions d'euros chaque année à la lutte contre les pollutions agricoles. C'est un montant significatif, presque un dixième des dépenses de l'agence, et ce sont principalement des aides situées en dehors des dispositifs du plan Écophyto. Nous finançons notamment des aides à la conversion à l'agriculture biologique, le soutien aux filières bas niveau d'intrants – avec des expérimentations, des appels à projets pour essayer de soutenir ces filières – et les paiements pour services environnementaux qui ont été mis en place à titre expérimental.
La pollution par les pesticides pose deux difficultés. La première, c'est son caractère diffus. On a beaucoup agi sur les pollutions ponctuelles, avec de belles réussites. Il est plus difficile d'intervenir sur les pollutions diffuses en raison du nombre des interlocuteurs à mobiliser. La deuxième difficulté, c'est que nous sommes dans un domaine compliqué, s'agissant des connaissances et de la compréhension qu'on peut avoir des enjeux.
Ainsi, même si nos réseaux de mesure sont assez denses pour rechercher les pesticides, ils restent relativement lâches. Par ailleurs, les pesticides sont très rémanents : vingt ans après l'interdiction de l'atrazine, on la retrouve dans les captages. C'est un problème pour notre capacité à mobiliser les agriculteurs, puisqu'on trouve des substances qu'ils n'utilisent plus. Enfin, nous accusons toujours un retard dans l'identification des produits ou des métabolites qui peuvent poser problème ; nous avons toujours un peu l'impression de courir derrière quelque chose. Il y a également la question des métabolites ; on ne sait pas toujours s'il faut, ou non, les prendre en compte pour évaluer la potabilité de l'eau, les appréciations peuvent ainsi varier.
Ainsi, toutes ces difficultés liées à la complexité du sujet rendent difficile la mobilisation des acteurs.