Je suis d'accord avec le rapporteur : cette audition est majeure pour notre commission d'enquête. Je souhaiterais revenir sur la question du rôle donné à l'Anses par la loi de 2014. J'ai rédigé une proposition de loi afin de revenir à la situation antérieure à 2014. Madame Grastilleur, vous n'avez fait que confirmer ce qu'avait déclaré M. Vallet lorsqu'il était venu devant la commission des affaires économiques, qui était à mon sens très éclairant. Personne ne remet en cause le travail scientifique réalisé par l'Anses. Ce qui est remis en cause ne dépend pas de l'Anses mais du législateur : c'est le rôle qu'on lui a donné. La crédibilité de l'Anses est remise en cause sur le terrain par ce sentiment qu'elle est un peu dans sa tour d'ivoire et fait des choix sans avoir conscience des conséquences. Ce n'est pas de votre faute cependant, car le législateur vous a donné cette compétence. Je reprends vos propos, Madame Grastilleur, vous n'avez « pas de latitude politique pour aménager la décision » : c'est là qu'est la difficulté. Aménager la décision, ça ne veut pas dire faire plaisir à des firmes pharmaceutiques, phytopharmaceutiques ou à un lobby agricole. Cela veut dire tenir compte de l'impératif de souveraineté alimentaire – préoccupation du reste partagée par l'ensemble des forces politiques. Il s'agit de protéger les citoyens, Monsieur Prud'homme.
Je n'ai pas une position caricaturale ; il convient de faire des choix à certains moments. Je comprends tout à fait que certaines molécules soient retirées du marché parce qu'elles ont un impact sur la santé humaine ou sur l'environnement. Monsieur le rapporteur souhaitait élargir au niveau européen. Gardez à l'esprit que lorsque l'Allemagne décide de garder des centrales à charbon, elle est parfaitement consciente de l'existence d'un impact sur la santé humaine. Lorsque la France décide de relancer son parc nucléaire, elle est parfaitement consciente des risques inhérents à l'industrie nucléaire. Il faut avoir cette capacité de choix politiques pour bien prendre en compte l'ensemble des dimensions autour de l'usage des produits phytosanitaires : les impacts sur l'environnement et sur la santé humaine, mais également sur l'activité agricole et économique et sur la souveraineté alimentaire. Si nous nous focalisons exclusivement sur les questions environnementales ou de santé humaine, nous pourrons demain mettre un terme à l'agriculture française.
Je relève en outre un problème de démocratie ; le peuple français est souverain, c'est dans la Constitution ; il exerce sa souveraineté par des représentants légitimement élus. On ne doit pas laisser à l'administration des choix qui sont éminemment politiques. Comprenez bien que je ne remets pas en cause votre travail, mais uniquement les choix du législateur. Je ne tiens pas à apparaître comme le représentant d'un lobby agricole ou même de celui de l'industrie phytopharmaceutique, mais nous devons nous donner les moyens de la souveraineté alimentaire. Nous pouvons faire des sacrifices, il faut pouvoir avoir le choix.