C'est une procédure européenne dans le cadre d'aides illicites au secteur ferroviaire et à l'opérateur historique roumain.
S'agissant de l'émergence d'une solution de discontinuité ou de discussion qu'il y aurait pu avoir avec l'entreprise, j'ai été secrétaire du comité de groupe SNCF de 2018 à 2022, donc juste après la réforme ferroviaire. Nous avons eu énormément de discussions sur la mise en place de cette réforme et spécifiquement sur la création de la SAS Fret SNCF qui est intervenue le 1er janvier 2020. Ces discussions ont été pour beaucoup informelles, non écrites, mais je pense que la commission doit être informée. Dès la promulgation de la réforme, le 27 juin 2018, les dirigeants de l'entreprise nous ont dit qu'il y avait un risque très fort sur la SAS Fret SNCF. C'est le point faible de cette réforme du ferroviaire, notamment vis-à-vis de la Commission européenne. À l'époque, certains dirigeants nous disent que si jamais l'épée de Damoclès s'abat sur nous, on liquidera la société nouvellement créée. De toute façon, elle a en plus été créée sous la forme simplifiée. On a une entreprise de 1 milliard d'euros et de 5 000 salariés et on crée une société anonyme simplifiée, une SAS ! C'est quand même un peu particulier dans le paysage, même si ce n'est pas interdit. Cette forme juridique existe et d'autres entreprises peuvent l'utiliser. En tout cas, la SAS n'est pas dotée d'un conseil d'administration. Il y a très peu de discussions. Il est très simple de la supprimer. Nous pouvons nous interroger et nous nous interrogions déjà à l'époque. D'ailleurs, nous pouvons vous fournir nos écrits de la période 2018, même jusque très récemment, sur la mise en place de la SAS Fret SNCF et les conséquences que cela pourrait avoir sur cette société. Déjà, à l'époque, on disait qu'elle était un peu mort-née, en raison des nombreux risques qui pesaient sur elle. Il y avait des préoccupations quant à sa viabilité. La procédure de discontinuité est, pour nous, une procédure de liquidation. Qu'on l'appelle comme on voudra, mais c'est une liquidation de la société.
Peut-être faut-il dire aussi quelques mots de la construction financière et organisationnelle de la SNCF. Quand, le 1er janvier 2020, la SAS Fret naît, cette société existe déjà puisque la SNCF utilise l'intégration fiscale. Fret SNCF SAS est créée le 1er janvier 2017 et seulement activée le 1er janvier 2020. La réforme du ferroviaire intervient en juin 2018. Un an et demi avant, on a déjà créé la structure. On la nourrit, via le transfert de ses actifs, dans la nuit du 31 décembre 2019 au 1er janvier 2020. Cela a été reconnu dans les différentes auditions : on savait qu'il y avait un risque et qu'il y avait des plaintes depuis 2016. Ce n'est pas quelque chose qui a été vécu comme un choc dans l'entreprise ou au Gouvernement, même si cela a été dit comme cela au départ, puisque la chose était largement établie et connue.
Via le comité d'établissement de Fret SNCF, et comme la procédure européenne le permet, nous avons demandé à être associés au débat et à être entendus par Bruxelles. Nous avons fait un déclaratif, nous avons mandaté un avocat, nous avons rempli tous les documents nécessaires parce que nous considérons que nous sommes intéressés dans ce dossier, comme la loi européenne le prévoit. À ce jour, les réponses de la Commission européenne n'ont pas été données. La procédure est mise en place et le deal est en train d'être passé entre le gouvernement et la Commission européenne. Il ne semble donc pas nécessaire d'entendre les parties intéressées ou prenantes. Cet aspect mériterait d'être exploré : nous représentons 5 000 salariés et nous ne pouvons même pas être entendus par la Commission européenne alors que la loi européenne le permet.
Un droit d'alerte économique a également été exercé, comme la loi française le prévoit, sur les conséquences économiques. Ce droit prend un temps relativement long et l'entreprise et le Gouvernement ne souhaitent pas attendre les conclusions de la commission d'enquête, qui seront certainement rendues publiques en fin d'année, mais également les conclusions du droit d'alerte économique déposé en CSE avant la mise en œuvre de la discontinuité. Peut-être les conclusions montreront-elles que la discontinuité n'est pas la bonne solution, mais le Gouvernement aura demandé, avec la SNCF, de la faire et on ne pourra plus revenir en arrière. C'est un peu ubuesque puisqu'on a le temps. En Allemagne, la procédure a commencé il y a deux ans. Nos échanges avec les Allemands montrent que ces derniers négocient sans se précipiter.
Nous nous demandons finalement si cette procédure de la Commission européenne n'est pas une aubaine. Il était temps, somme toute, d'en finir avec un opérateur public, de passer à autre chose, de changer le cadre social et de vraiment privatiser.