Intervention de Pascal Couturier

Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 15h00
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Pascal Couturier, secrétaire général de la CFDT Cheminots :

La CFDT souhaite mettre en exergue quelques points saillants. Le premier élément est un paradoxe. Nous sommes dans des politiques publiques paradoxales, voire contradictoires.

D'un côté, nous avons l'obligation de transition écologique. L'urgence climatique se rappelle à nous et nous voyons des engagements, des stratégies et des objectifs de plus en plus forts, que ce soit au niveau de l'Union européenne ou de la France. Citons notamment la stratégie bas carbone et les objectifs fixés par le Conseil national de la transition écologique.

De l'autre côté, la France est à la traîne au niveau de l'Europe. En termes de report modal, nous figurons parmi les lanternes rouges.

Compte tenu de ce paradoxe, nous ne comprenons pas le choix de la discontinuité qui, à notre sens, aura un effet de souffle très fort non seulement sur l'opérateur public, mais aussi sur tout le secteur et détériorera le report modal en cours, alors qu'aujourd'hui, même dans les scénarios les plus optimistes, les objectifs de 2030 sont déjà difficilement atteignables.

La CFDT Cheminots a la conviction que cette discontinuité est le choix du pire. C'est le plus mauvais choix pour la transition écologique que je viens de détailler, le plus mauvais choix pour les salariés que nous représentons, le plus mauvais choix pour l'opérateur public, mais aussi pour le secteur et les territoires. Alors que l'on mise sur une stratégie de réindustrialisation de la France, il est paradoxal de courir le risque de ne plus irriguer correctement les territoires en matière de transport.

La réalité, c'est qu'aujourd'hui nous n'avons pas d'assurance que ce scénario de la discontinuité a plus de chance de voler qu'il n'en avait en 2018. Nous ne remettons pas en cause la parole des politiques ou la parole de la Commission européenne. Nous faisons juste un constat. En 2018, le scénario tel qu'il était posé pour le nouveau pacte ferroviaire était-il sécurisé au niveau de Bruxelles ? Vraisemblablement non. Aujourd'hui, quelle confiance pouvons-nous avoir en la parole de la Commission européenne, alors que nous nous retrouvons finalement dans une situation très similaire ? Cette question, à notre sens, mérite d'être posée.

On voit souvent le fret ferroviaire sous l'angle du coût, qui n'est pas le bon angle d'entrée. On oublie souvent l'angle de ce que le fret rapporte à la collectivité. Aujourd'hui, on entend surtout les griefs de la Commission européenne qui superposent différents montants financiers amenant à ces 5,4 milliards d'euros. Ce qu'on oublie, c'est que sur la même période, depuis 2008, Fret SNCF a dégagé 10 milliards d'euros d'externalités positives. Il y a effectivement un enjeu dès lors que Fret SNCF représente un outil bon pour la collectivité et pour le pays. Je parle aussi du rôle essentiel joué par l'entreprise, ainsi que les autres opérateurs au sens large, au moment de la crise sanitaire, notamment du premier confinement, en assurant un nombre important de transports et de trafics essentiels pour la nation.

Le dernier point concerne la responsabilité des choix faits, s'agissant notamment des cessions d'actifs. L'argent rapporté par ces opérations a contribué au désendettement du groupe, alors qu'on sait très bien qu'une dette ou des investissements sont nécessaires pour Fret SNCF. Quels sont les griefs à l'encontre de l'entreprise ? C'est finalement de s'être dit qu'elle se retrouvait le seul opérateur. Le désengagement de la puissance publique obligeait à s'autofinancer. Le paradoxe est que l'on reproche à Fret SNCF d'avoir continué à mener une politique de transport public, alors qu'il y avait un désengagement très important de l'État sur lequel nous pourrons aussi revenir.

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