Je suis très honoré de présenter ma candidature devant vous ce matin. Je demeure, ainsi que l'AFD tout entière, à la disposition des parlementaires. En six ans, j'ai été auditionné plus de cinquante fois par le Parlement.
Je suis accompagné de Mme Marie-Hélène Loison, directrice générale adjointe de l'AFD, chargée des opérations. Avec elle, ce sont tous les salariés de l'AFD qui sont avec nous. Je les salue ; ils méritent votre confiance. Je suis également accompagné de Philippe Baumel, ancien député, qui travaille à mes côtés pour renforcer sans cesse les liens entre l'Agence et le Parlement.
Je dresserai un bilan succinct de mon travail à la tête de l'Agence, avant de présenter les trois engagements que j'aurai à cœur de réaliser au cours des trois prochaines années, si vous me renouvelez votre confiance.
En 2016, je me suis engagé devant votre commission à faire en sorte que l'AFD devienne plus grande. Elle l'est devenue. Elle a été dotée, grâce à vous, de 4 milliards d'euros de fonds propres supplémentaires. Depuis six ans, elle a géré 11 milliards d'euros de crédits budgétaires français, auxquels se sont ajoutés des crédits européens, pour parvenir à un total d'environ 15 milliards. Elle a pu ainsi doubler son activité, passant de 7 à 14 milliards d'euros par an, et s'est stabilisée à 12 milliards d'euros depuis 2020.
Chaque année, nous accompagnons 1 100 projets de développement dans près de 130 pays. Notre portefeuille de dons, qui est essentiel pour travailler sur les secteurs sociaux dans les pays les plus fragiles, a doublé. Nous avons en exécution 12 milliards d'euros de projets en subventions, dont les deux tiers dans les PMA.
La stratégie de l'AFD, qui est celle de la France, a toujours été de concentrer au maximum notre action en Afrique. L'Afrique bénéficie de la moitié des financements de l'AFD, soit environ 6 milliards d'euros par an, dont 60 % en Afrique francophone. L'Afrique bénéficie des trois quarts des subventions que vous votez chaque année en loi de finances initiale.
Cette forte croissance, qu'il a certes fallu gérer, nous permet d'être présents sur les grands sujets énumérés par M. le rapporteur et d'avoir de l'impact. L'AFD a été la première institution à s'aligner sur l'accord de Paris, en 2017. Elle tient les engagements pris par la France lors de la COP21 en matière de finance climat, à hauteur de 6 milliards par an. La France est l'un des sept pays qui tiennent les engagements pris en 2015. Outre le climat, nous avons placé l'Agence à la pointe du débat et de l'action pour la protection de la biodiversité et des océans.
Nous sommes également revenus dans les secteurs sociaux : l'éducation, dans le cadre du partenariat mondial pour l'éducation ; la réponse à la crise du Covid-19 dans le cadre de l'initiative « Covid-19 — santé en commun » ; la sécurité alimentaire, dans le cadre de l'initiative Food & Agriculture Resilience Mission (FARM). Quant à l'égalité entre les femmes et les hommes, elle a été notre grande priorité dans le cadre de la diplomatie féministe de la France. Comme vous l'avez prévu dans la loi, la moitié de nos financements contribue directement à réduire les inégalités de genre.
Nous avons beaucoup progressé en matière de transparence, qui est jugée bonne à l'échelle internationale. Notre politique d'évaluation a été renforcée dans l'attente de la mise en place de la commission indépendante d'évaluation créée par la loi du 4 août 2021. Nous sommes capables de rendre des comptes précis jusqu'à la mesure des impacts pour les populations. Depuis 2016, dans le monde, grâce à la France, 200 millions de personnes ont bénéficié d'un accès aux soins amélioré, 80 millions d'enfants ont été scolarisés, 30 millions de foyers ont accédé à l'électricité, 10 millions à l'eau, 82 millions d'hectares ont été restaurés ou protégés et 6 millions d'exploitations agricoles familiales ont été soutenues.
En 2016, je me suis également engagé à rendre l'AFD plus agile et plus innovante. Des procédures adaptées ont été définies pour les territoires en crise, au premier rang desquels le Sahel. Le fonds d'innovation pour le développement (FID), présidé par Esther Duflo, est opérationnel. Le fonds Metis est à l'étude. Il vise à mobiliser des mécènes pour accroître la proportion de création culturelle dans les actions de développement. Une attention croissante est portée à l'entrepreneuriat et au digital. Nos délais d'instruction et de versements se sont très nettement améliorés, de plus d'un trimestre s'agissant de la signature de nos conventions de financement.
Enfin, l'AFD est devenue bien plus partenariale. En 2017, nous avons été à l'initiative de l'Alliance Sahel, forte à présent de vingt-six membres, dont les États-Unis d'Amérique, qui l'ont rejointe récemment. Nous sommes à l'origine des « Initiatives équipes Europe » de la Commission européenne. Je préside le club IDFC, qui rassemble plusieurs banques publiques de développement, et qui est à l'origine d'un mouvement intitulé « Finance en commun », sorte d'internationale des 550 banques publiques de développement du monde, à l'échelle pour traiter les enjeux globaux.
L'AFD s'est tournée vers tous les acteurs français : la société civile – 300 millions d'euros supplémentaires en six ans –, les collectivités locales – passant de cinq à soixante-quatorze projets accompagnés –, la CDC, les établissements publics de l'État, les entreprises, bientôt les philanthropes, et Paris 2024, dont nous sommes partenaire officiel, pour faire du sport un accélérateur de développement.
J'ai veillé à faire en sorte que cette transformation profonde de l'Agence soit réalisée avec sérieux, en préservant ses équilibres financiers et de gestion. Nos risques sont maîtrisés et nos comptes tenus. Nous avons même dégagé l'an dernier le résultat net le plus élevé de l'histoire de l'AFD, soit 300 millions d'euros, malgré la crise.
Notre cadre social a été renouvelé en profondeur. Des gains d'efficacité ont été obtenus, pour un rapport qualité/prix très nettement favorable par rapport aux canaux multilatéraux. L'AFD réalise scrupuleusement, à plus de 90 %, les objectifs de son contrat d'objectifs et de moyens (COM) avec l'État, sur lequel votre commission est appelée à se prononcer. La parité totale, dans notre gouvernance, a été atteinte en six ans, directions d'agence sur le terrain comprises. Nous accueillons toujours plus de diversité, comme en atteste notre certification AFNOR.
Ce bilan n'est qu'une étape, une base que j'espère solide pour aller plus loin, ce qui m'amène aux perspectives de l'Agence.
Pour les trois prochaines années, la ligne est très claire, vous l'avez fixée dans la loi de programmation du 4 août 2021, adoptée à l'unanimité, et dans son rapport annexé. Il n'est donc nul besoin d'inventer l'esprit et le récit visant à rendre la politique de développement bien plus partenariale.
Par ailleurs, les priorités que vous avez fixées ont induit, en mai dernier, une nouvelle organisation gouvernementale cohérente renforcée, incarnée par une secrétaire d'État spécifiquement chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, Mme Chrysoula Zacharopoulou, et par les trois ministres de tutelle de l'AFD, Mme Catherine Colonna, M. Bruno Le Maire et M. Jean-François Carenco, auprès de M. Gérald Darmanin.
Dans ce cadre politique de l'équipe France, j'indiquerai trois orientations vers lesquelles je souhaite faire évoluer l'Agence.
La première consiste à la rendre plus capable encore de s'adapter aux grandes évolutions géopolitiques en cours, afin de voir en 3D – diplomatie, défense, développement – les situations auxquelles notre pays doit faire face. Nous avons appris à le faire, difficilement, dans le Sahel, où la crise a des racines sociales et économiques profondes, qu'exacerbe encore le changement climatique. Je propose de mobiliser cette capacité unique qu'a l'AFD d'agir du côté des autres pour avoir plus de partenaires, donc plus d'influence, dans l'Indopacifique, en Amérique latine, autour de la Russie et dans les Balkans, peut-être sous la forme d'un mandat de l'AFD pour la communauté politique européenne (CPE), sans oublier la question chinoise, structurante et de plus en plus difficile.
Pour l'Afrique, je souhaite plus que jamais lutter contre la pauvreté, qui augmente dramatiquement avec la crise, en insistant sur l'investissement dans le secteur privé et la création d'emplois. Le défi est gigantesque : en 2050, dans le monde, un jeune de moins de 25 ans sur trois sera africain. Chaque année, 30 millions de jeunes, soit l'équivalent de la population du Cameroun, de la Côte d'Ivoire ou de Madagascar, arrivent sur le marché du travail en Afrique. Seuls 10 % d'entre eux y trouvent un emploi dans l'économie formelle. Il faut donc changer d'échelle dans l'appui à l'entrepreneuriat et le soutien aux nouvelles industries. À défaut, l'instabilité politique se renforcera et les mouvements migratoires s'amplifieront, à l'intérieur de l'Afrique d'abord, puis au-delà.
Je dirai avec joie un mot des outre-mer. Il s'agit d'une mission essentielle de l'AFD. C'est notre lien avec la France. Nous savons ce qu'est un centre hospitalier universitaire (CHU) ou une université, parce que nous les finançons outre-mer. Nous sommes donc capables d'échanger avec nos partenaires sur leur trajectoire et leur modèle de développement.
Au cours des trois prochaines années, je souhaite donner une grande priorité à nos outre-mer, compte tenu des difficultés auxquelles nos territoires font face, ainsi que de leurs richesses et de leur positionnement absolument unique. Nous avons défini, au sein de l'Agence, une stratégie dite des trois océans, rassemblant nos territoires ultramarins et leurs voisins. Elle doit être approfondie. Comme pour les États étrangers, davantage de moyens en subventions pourraient nous être confiés, pour plus de développement durable et de coopération régionale. Le ministère des outre-mer, que je remercie très vivement à ce titre, a commencé à le faire depuis plusieurs années.
Sur ces questions géopolitiques, il faudra sans doute, à l'avenir, mieux comprendre et étudier l'articulation, de plus en plus complexe, entre fractures géopolitiques et questions globales. La situation est très grave. D'après le dernier rapport des Nations Unies sur le développement humain, paru jeudi dernier, l'indice de développement humain (IDH), après trente-deux ans de progrès ininterrompus, a baissé l'an dernier dans neuf pays sur dix, pour revenir à son niveau de 2016. La crise climatique, qui est partout, accroît les vulnérabilités, jusqu'au politique lui-même désormais, je le crains.
La deuxième orientation que j'aimerais donner à l'Agence, c'est d'en faire la première agence 100 % ODD d'ici à 2025. Il n'y a absolument rien de théorique dans cette formulation. Il s'agit toujours de construire des infrastructures, d'apporter de l'eau, de gérer des déchets, de scolariser les jeunes filles, de renforcer les systèmes de santé de base et de promouvoir l'agroécologie, en mobilisant toutes les compétences techniques que vous pouvez observer lors de vos déplacements sur le terrain. Mais il nous est désormais demandé de le faire en veillant à ne jamais nuire, à maximiser la qualité des projets et à contribuer, par le dialogue, à la définition de bonnes politiques publiques, par-delà les seuls projets, fondées sur des trajectoires de long terme ambitieuses, à horizon 2030 ou 2050, pour rapporter en France les innovations que le formidable réseau de l'AFD repère et finance partout dans le monde, et qui peuvent nous aider dans notre propre transformation.
L'AFD veut servir d'aiguillon, de référence, à la pointe du débat international sur le financement du développement durable et sur l'avenir de l'APD. Nous travaillons notamment à faire de l'AFD la première institution à se financer exclusivement par des obligations vertes et durables en 2025. À l'heure actuelle, nous sommes à 48 %.
Pour se rapprocher de l'un des trois objectifs que vous avez fixés à l'article 1er de la loi du 4 août 2021, la promotion des droits humains, je propose de prendre en considération plus systématiquement les institutions, leur gouvernance, leur capacité à agir pour le développement, et de poser la question des droits de manière renouvelée, à partir de projets concrets. Donner une place forte aux femmes permet d'obtenir de meilleurs résultats.
Croyant en la force de la diplomatie parlementaire, je mobiliserai l'AFD pour vous appuyer plus fortement à l'avenir dans votre action internationale, en vous associant plus largement à la définition des stratégies. Le Parlement pourrait ainsi réaliser des évaluations des projets et des programmes de l'AFD. Je pense en particulier à une nouvelle stratégie pour l'Amérique latine ou encore à la conclusion prochaine d'un partenariat avec l'Assemblée parlementaire de la francophonie.
La troisième orientation que j'envisage, c'est de déployer pleinement la force du groupe que forment l'AFD et ses filiales – PROPARCO, chargée du secteur privé, et Expertise France –, forts de 3 500 collaborateurs. Il faut apprécier l'action du groupe en fonction non plus seulement du volume de ses financements mais aussi de la panoplie de ses instruments financiers et non financiers, qui est sans égale dans le monde. Notre campus à Marseille, qui deviendra, en 2023, l'université du groupe AFD, permettra de former salariés, clients, partenaires et fonctionnaires au sein d'une filière des métiers de développement, faisant de l'AFD une plateforme opérationnelle de mobilisation.
Enfin, je souhaite que le groupe communique de façon beaucoup plus active sur les actions de développement de la France, en direction du grand public, dans notre pays comme à l'étranger. La diffusion organisée de messages anti-français et l'inquiétude de nos concitoyens face aux dérèglements internationaux appellent des réponses plus fortes, fondées sur des actions concrètes.
Tels sont les trois axes que je souhaite vous proposer. Je crois avoir l'expérience et les amitiés pour servir utilement la politique de développement et je souhaite achever la transformation de l'AFD pour donner à la France un outil puissant, agile et efficace.