Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Réunion du mercredi 14 septembre 2022 à 9h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière, rapporteur :

Rémy Rioux, vous avez été nommé directeur général de l'AFD en 2016 et reconduit en 2019. Notre commission doit vous entendre sur votre bilan et sur les perspectives que vous envisagez pour l'Agence au cours de votre éventuel nouveau mandat.

Le développement, notamment dans sa dimension économique, constitue indéniablement le fil rouge de votre parcours. Ancien élève de l'École normale supérieure (ENS) et de l'École nationale d'administration (ENA), vous avez rapidement occupé, au Trésor, les fonctions de chef du bureau de la coopération monétaire et du développement avec les pays d'Afrique, des Caraïbes, du Pacifique et de la zone franc. Après avoir été directeur de cabinet de Pierre Moscovici, lorsqu'il était ministre de l'économie et des finances, vous avez été secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères et du développement international. Après avoir été chargé d'une mission de préfiguration relative au rapprochement de l'AFD et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), vous avez été nommé directeur général de l'AFD et renouvelé à ce poste trois ans plus tard. Depuis 2017, vous présidez l' International Development Finance Club (IDFC), qui est un réseau de vingt-sept banques de développement s'efforçant de coordonner leurs actions, notamment pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations Unies en 2015 et les objectifs de l'accord de Paris sur le climat.

Votre mandat de directeur général de l'AFD est arrivé à expiration en juin dernier. Du point de vue juridique, vous assurez depuis lors l'intérim de cette fonction. Le 29 juillet dernier, le Président de la République a fait part de son intention de vous reconduire dans vos fonctions.

Au cours de vos mandats, l'AFD a profondément changé de visage. Le groupe AFD, en 2021, c'est 12,15 milliards d'euros d'engagements et des projets dans plus de 115 pays. Il s'agit donc d'une institution très puissante, disposant de moyens significatifs. Aux yeux de nombreuses personnes et institutions, ONG et États, l'AFD incarne concrètement la France. Nous avons d'ailleurs adopté, il y a à peine plus d'un an, à l'unanimité en séance publique, une loi renouvelant profondément le cadre de l'aide publique au développement (APD), à la mise en œuvre de laquelle le futur directeur général de l'AFD devra s'attacher prioritairement.

Je vous ai adressé, le 29 juillet dernier, un questionnaire comportant dix-huit questions. Vos réponses ont été transmises à nos collègues et sont consultables sur le site internet de l'Assemblée nationale. Elles portent sur les priorités géographiques et sectorielles de notre APD, notamment la transition écologique, la sécurité alimentaire, la santé, l'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que l'éducation. Vous serez aussi attendu sur certaines réticences suscitées par la stratégie de l'AFD, s'agissant par exemple du projet d'aménagement de son siège ou de la réforme du statut du personnel.

Trois points ont spécialement retenu mon attention et celle de nombreux collègues, comme ils avaient également retenu l'attention de celles et ceux qui ont travaillé sur ces questions lors de la précédente législature.

Premièrement, l'importance des dons dans la gamme des outils de notre APD. La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales promeut une logique de dons plutôt que de prêts, tout en confirmant la priorité géographique, détaillée par le comité interministériel pour la coopération internationale et le développement, accordée aux dix-huit pays les moins avancés (PMA), qui, tous sauf un, Haïti, se situent en Afrique. Je vous cite : « Les dons sont évidemment une composante essentielle dans la palette des instruments de l'AFD. L'Agence en a besoin pour intervenir dans les pays les plus pauvres et en crise et sur les questions les plus difficiles, comme la biodiversité, les secteurs sociaux ou encore l'adaptation au changement climatique ». Vous indiquez que le montant des dons gérés par l'AFD a augmenté de 76 % de décembre 2017 à décembre 2021, pour atteindre 11,2 milliards d'euros en exécution.

Deuxièmement, la priorité fixée pour les trois prochaines années de parachever l'intégration du groupe AFD et de ses deux filiales, Expertise France et PROPARCO, afin de créer une institution complète, parfois dite groupe AFD. Quel est le contenu de ce parachèvement ? Jusqu'où l'intégration doit-elle aller ? Où se situe la ligne de crête entre l'intégration, source de synergies, et le respect des spécificités des métiers exercés par les deux filiales ?

Troisièmement, vous évoquez à plusieurs reprises dans vos réponses l'importance des partenariats, dont vous faites également une priorité pour les années à venir. Vous souhaitez maximiser la capacité de mobilisation de l'AFD pour contribuer à bâtir des partenariats solides et dynamiques, notamment avec la société civile, les collectivités locales, l'entreprenariat et les autres banques publiques de développement. Cette logique partenariale est aussi un axe important de la loi du 4 août 2021. Quels types de partenariats l'AFD a-t-elle d'ores et déjà conclus avec ses homologues dans les principaux pays ainsi qu'avec l'Union européenne ? Dans quelle direction et de quelle façon peut-on encore progresser en matière de coopération entre grands acteurs du développement ?

J'ajoute à ces trois points deux questions qui me tiennent à cœur, et qui figurent dans le questionnaire.

La priorité donnée au continent africain par l'AFD est-elle visible concrètement dans les actions, les chiffres et les bilans de l'AFD ? Quels sont les éventuels freins empêchant bon nombre de pays africains, notamment francophones, de se développer, en dépit des richesses, notamment humaines, dont ils sont dotés ?

Par ailleurs, l'AFD a également un rôle, souvent oublié, d'accompagnateur des outre-mer et d'appui aux collectivités territoriales. Cela représente un tiers de son activité. Pouvez-vous nous éclairer sur ce volet moins connu que les autres de l'action de l'AFD ? Quels sont les types de projets que vous soutenez dans ces territoires ? Avec quels résultats ?

En conclusion, je rappellerai l'importance cruciale de notre APD, confrontée à des défis qui semblent parfois insurmontables. La pandémie de Covid-19 nous a cruellement rappelé que nous devons penser les risques et les menaces à l'échelle globale, sous peine de ne pas être à la hauteur des enjeux. Ce qui vaut pour la santé vaut pour le réchauffement climatique, l'effondrement de la biodiversité et le creusement des inégalités.

Le combat pour une APD toujours plus forte et toujours plus efficace est un combat pour un monde plus vivable pour les générations futures. Nous devons garder ce paradigme à l'esprit. L'APD est l'unique instrument de redistribution. Ses instruments permettent de redistribuer un peu moins de 0,4 % du PIB mondial. L'AFD fait partie des institutions qui mènent quotidiennement ces combats.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion