Merci de m'accueillir au sein de votre commission pour vous présenter cette proposition de loi.
Nous avons décidé, au Rassemblement National, de mettre les étudiants en lumière, aujourd'hui, dans le cadre de notre niche parlementaire, grâce à la proposition de loi de ma collègue Laure Lavalette. Ce texte, qui est issu du programme défendu par Marine Le Pen lors de l'élection présidentielle de 2022, concerne le complément de revenu pour les étudiants travailleurs.
Très souvent oubliés par les politiques publiques et livrés à leur sort, les étudiants subissent de plein fouet les conséquences de l'inflation qui sévit depuis plusieurs mois. Cette hausse des prix généralisée suit la crise du covid-19 qui a, elle aussi, frappé durement les jeunes.
La situation du pays est aujourd'hui catastrophique, sur le plan du pouvoir d'achat comme sur celui de la dette. Nos marges de manœuvre sont extrêmement serrées – voire quasi nulles – à cause des six années de folie dépensière, de démagogie financière et d'œillères politiques de la Macronie. Des œillères qui masquent les crises, mais aussi les solutions, simples et peu coûteuses, qui pourraient leur être apportées.
Notre objectif a été de trouver comment l'État pourrait soutenir les plus méritants et les plus nécessiteux des étudiants, sans pour cela grever les finances publiques. Il a fallu tout d'abord faire un état des lieux des conditions de vie de ces étudiants et de leur niveau de précarité. Depuis la rentrée 2023, la moitié des étudiants disent limiter leurs achats alimentaires – quand ils n'y renoncent pas –, contre un quart dans l'ensemble de la population française, ce qui est déjà trop. Près d'un étudiant sur deux signale avoir déjà sauté un repas pour des raisons financières. Pour deux tiers d'entre eux, il ne reste plus que 50 euros pour vivre une fois les charges fixes mensuelles réglées, selon l'association Linkee. Pis : la même enquête révèle que près de six étudiants sur dix ont renoncé à des soins médicaux au cours des douze derniers mois. La crise sanitaire a mis en lumière l'aggravation de la précarité et la dégradation de la santé mentale de nombre d'étudiants. Les témoignages et les images d'étudiants qui patientent devant des associations d'aide alimentaire ou qui vivent dans des tentes, dans des campings, sont récemment devenus viraux, sur internet et les réseaux sociaux. C'est « le poids des mots et le choc des photos », pour reprendre l'ancien slogan d'un célèbre hebdomadaire ; si la minorité présidentielle, enivrée d'autosatisfaction, peut faire mentir les chiffres, elle ne peut le faire avec les images. Prenez conscience des réalités et ouvrez les yeux : c'est toute une génération, celle qui demain fera la France, qui est en souffrance.
L'ensemble des mouvements politiques qui se succèdent au pouvoir depuis des décennies, des diverses composantes de la NUPES aux Républicains en passant par la Macronie, sont responsables de cette situation.
Lors de nos auditions, l'Observatoire national de la vie étudiante (OVE) nous a confié être surpris par cette situation. Selon ses analyses – subjectives –, fondées sur le ressenti des étudiants au regard de leurs conditions de vie, les résultats étaient plutôt stables jusqu'à la crise du covid-19. Une stabilité qui, évidemment, ne signifie pas satisfaction quant à ces conditions.
Face à ce tableau peu glorieux, le Gouvernement manque d'ambition, agit peu et mal. Les réponses apportées sont insuffisantes et inadaptées, à l'image de la réforme des bourses destinées aux étudiants, très en deçà des enjeux, et du retard pris en matière de livraison de nouveaux logements. Pourtant, le logement est le premier poste de dépenses des étudiants ; en augmenter le nombre soulagerait beaucoup d'entre eux. Ainsi, alors que le candidat Macron proposait, en 2017, la construction de 60 000 logements, à peine la moitié ont été construits à ce jour.
Autre réponse largement perfectible : le repas à 1 euro pour les étudiants les plus modestes et à 3,30 euros pour les autres. Cette solution présente un défaut majeur : la création d'une nouvelle fracture territoriale dans notre pays. En effet, nombre de jeunes étudient dans des zones reculées, peu urbanisées, dépourvues de restaurant universitaire. Ils ne peuvent donc pas bénéficier de ces repas équilibrés, financièrement accessibles. Ils sont contraints de se nourrir par leurs propres moyens, en recourant notamment à la restauration rapide, bien souvent la seule option accessible. Ils mettent alors leur santé au second plan en prenant des repas déséquilibrés et trop gras.
C'est l'ensemble de ces éléments, conjoncturels et structurels, qui poussent une part importante des étudiants à travailler pour financer leurs études. Ils appartiennent fréquemment à la classe moyenne, cette classe oubliée, délaissée et pourtant si courageuse. Ces étudiants, qui en matière de bourses relèvent des échelons 0 ou 0 bis – ce qui permet aux ministres de dormir sur leurs deux oreilles –, ne perçoivent pas assez pour vivre dignement. Ces étudiants ont des parents courageux, qui font tourner la France, qui gagnent assez pour être ponctionnés par l'État mais trop pour être aidés ; des parents qui aimeraient pouvoir financer totalement les études de leurs enfants – dont ils sont fiers –, mais qui ne peuvent, quand la chance leur sourit, ne leur apporter qu'un appui limité et ponctuel.
Les chiffres montrent que les étudiants des foyers les plus modestes et ceux des milieux les plus aisés travaillent moins durant leurs études. Plus de la moitié des étudiants exercent une activité professionnelle parallèlement à leurs études. En moyenne, ils travaillent une dizaine d'heures par semaine et gagnent 500 euros par mois.
Nous avons eu la confirmation, aux cours de nos auditions, qu'aucune politique publique de soutien n'est prévue pour ces étudiants méritants. Ces jeunes sont donc livrés à eux-mêmes et sont contraints de retrousser leurs manches et d'assurer, de front, courageusement, un travail et des études. Ce sont pour eux les premières désillusions quant à la valeur donnée au travail, par les dirigeants politiques notamment.
On pourrait concevoir un premier remède pour soulager ces maux : nous l'appellerons la solution « de facilité », solution « slogan » ou encore solution « démago ». Il s'agirait de créer un revenu universel, donc pour tous les étudiants. Le concept est simple : que vous soyez le riche héritier d'un empire du luxe, leader du CAC40, l'enfant d'une caissière de supermarché ou celui d'un chauffeur de bus, vous touchez un revenu, versé par l'État. Cette option présente plusieurs écueils : le premier est qu'elle n'apporterait aucune justice sociale ; le deuxième est son financement, dans un pays endetté à hauteur de 3 000 milliards d'euros ; le troisième est qu'elle pendrait définitivement au bout d'une corde la valeur travail. C'est donc une fausse bonne idée, qui n'aboutirait qu'à attirer la jeunesse de France dans un dangereux filet qui, in fine, la ferait couler.
Une deuxième solution est également envisageable : nous l'appellerons solution « Macron », solution « œillères » ou « fumée ». Elle consisterait à ne rien faire, à présenter des chiffres acceptables et à s'en satisfaire. Mais elle n'apporterait aucun remède et n'améliorerait pas les conditions de vie des étudiants, qui pourraient certes contempler des ministres heureux, mais n'en seraient pas mieux nourris.
Une troisième possibilité existe : nous l'appelons solution de « bon sens », solution de « reconnaissance » ou, encore, solution « pragmatique ». Il s'agit d'un complément de revenu étudiant, dont l'idée est simple : remettre la valeur du travail au centre du jeu en récompensant le courage des étudiants qui travaillent. Ce complément doit permettre à l'ensemble des étudiants français âgés de 18 à 25 ans révolus, titulaires d'un contrat de travail, de percevoir une prime égale à 20 % de leur salaire, et même à 30 % s'ils sont boursiers. Un plafonnement de 300 euros pour les boursiers et de 200 euros pour les autres est prévu, pour éviter les effets d'aubaine. Ce dispositif permettrait aux étudiants concernés d'obtenir en moyenne 100 à 150 euros de complément de revenu. Cette solution est bien moins coûteuse que celle du revenu universel, tout en étant plus équilibrée et en répondant à des principes de justice sociale. En effet, les étudiants qui travaillent sont issus des classes modestes et – surtout – moyennes ; ce sont eux qui ont le plus besoin du soutien de l'État. A contrario, un étudiant qui n'a pas besoin de revenus supplémentaires ne travaille pas et ne travaillera jamais pendant ses études.
Le ministère de l'enseignement supérieur a indiqué que le travail nuisait aux études, au-delà d'une douzaine d'heures par semaine. Cette proposition de complément de revenu corrige cet effet et permet d'éviter que des étudiants qui, chaque semaine, consacrent déjà 10, 12 heures ou plus à leur emploi ne travaillent davantage encore pour augmenter un peu leur revenu. Si l'État verse ce complément aux étudiants qui en ont besoin, alors ces étudiants pourront s'abstenir de travailler plus pour se consacrer à leurs études. Grâce à cette mesure, la méritocratie et la valeur du travail sont remises au cœur de la politique.
S'agissant de son financement, il est largement assuré pour la taxe sur les surprofits réalisés, notamment par le secteur de l'énergie. À elle seule, cette taxe permettrait d'ailleurs de financer une dizaine de fois notre dispositif. Le seul prérequis est d'accepter de récupérer les profits indus réalisés au détriment des Français pour les redistribuer là où ils sont nécessaires.
Justice sociale, travail et soutien aux étudiants – c'est-à-dire à notre avenir – caractérisent cette proposition de loi. Elle corrige, au moins en partie, le recul de la méritocratie et de la valeur accordée au travail ; elle atténue les effets dévastateurs des crises à répétition et de l'inflation sur la vie de nos étudiants.