Il semblerait que la future loi d'orientation agricole classe les bassines en projets d'intérêt public majeurs. Les procédures administratives en seraient largement allégées. Cela ne va pas contribuer à atténuer les crispations chez nous puisque c'est le contraire de ce que nous demandons.
J'en viens aux tensions dans les manifestations et aux sujets qui les créent. Lorsque la dernière goutte d'eau aura été bue, il ne restera plus que la mort. Un enjeu aussi vital encourage certains d'entre nous à se dépasser et à aller au-delà du cadre militant que nous nous étions imposés. C'est tout à fait dans l'ordre des choses. Cela doit être mis en relation avec le caractère parfaitement insatisfaisant de ce qu'on nous propose face à l'urgence climatique. Nous n'allons donc pas vous aider à dresser une typologie des violences ou à identifier les raisons qui font que des gens, certainement par colère et à cause de l'incompréhension, peuvent sortir de leurs gonds et adopter des comportements qu'ils n'avaient pas jusqu'alors. Il est évident qu'il faut s'interroger sur les racines du mal. Il se soignera à grands coups de démocratie. Il n'y a pas d'alternative, comme aurait dit Margaret Thatcher.
Nous n'oublions pas le bilan de Sainte-Soline des deux côtés. Il y a eu plus de 200 blessés parmi nous. Ce chiffre néglige les troubles auditifs, qui n'ont pas été pris en compte, et les dommages de l'âme, qui sont difficile à mesurer. Monsieur Taverne, j'espère que vous ne considérez pas que quarante gendarmes blessés constituent un résultat satisfaisant en matière de maintien de l'ordre. L'objectif était soi-disant de limiter au maximum le nombre de blessés. Quand il y en a 250, ce n'est pas une bonne opération de maintien de l'ordre.
Nous sommes tout aussi inquiets pour nos camarades, que nous essayons d'accompagner dans les soins, que pour les 3 000 agents qui ont eu à jeter des bombes sur des gens qui auraient pu être leurs frères et sœurs ou leurs grands-parents. Or, ils ne bénéficient pas d'un accompagnement psychologique. Je pense que cela serait nécessaire lorsque l'on a fait montre d'une telle violence. Ils ne sont évidemment pas faits de bois. Je tiens à faire part du témoignage, qui m'inquiète fortement, d'un gendarme mobile de 23 ans – car nous avions en face de nous essentiellement des jeunes militaires. On lui a donné l'ordre de bloquer l'arrivée des véhicules de secours et il a entendu Gérald Darmanin nier cette évidence. Ce gendarme habite un petit village au fin fond des montagnes. Il en a parlé dans son village. Comment vit-il avec la honte de savoir qu'il a servi à ça et que le ministre ment ? Comment est-il accompagné ?
J'espère qu'une commission pour l'unité et la réconciliation sera mise en place après Sainte-Soline, comme au Rwanda. Désormais, je ne salue plus les membres des forces de l'ordre et les gradés avec qui nous avons en réalité travaillé depuis sept ans. Quelque chose a été profondément atteint au sein de la République. J'en appelle à la reconstruction et au dépassement de cet événement. Surtout, je le répète, notre objectif commun doit être que cela ne se reproduise jamais.