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Intervention de Lucile Richard

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 16h05
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Lucile Richard, collectif Bassines non merci ! :

Notre première initiative fut de participer aux enquêtes publiques et même d'en faire la promotion auprès de nos concitoyens. En mars 2017, l'enquête publique avait recueilli 449 contributions, dont 70 % d'avis défavorables. Les commissaires enquêteurs ont pourtant émis un avis favorable. À partir de ce véritable déni de démocratie, la résistance s'est organisée, chaque composante jouant sa partition. Les associations de protection de la nature et de l'environnement ont collectivement déposé de nombreux recours devant la justice administrative. À ce jour, c'est de la troisième version de l'arrêté préfectoral que se trouve saisie la cour administrative d'appel de Bordeaux. Tous les épisodes juridiques précédents avaient abouti à une modification des arrêtés antérieurs, donnant raison aux requérants.

Les premières victoires juridiques n'ont pourtant pas arrêté ces projets, bien au contraire. Les premières mobilisations massives ont alors rassemblé des milliers d'habitants venus dire leur attachement à leur territoire et leur opposition à l'accaparement de l'eau. Nous avons organisé de nombreuses conférences, projections-débats, interventions, colloques, publié des tribunes et diverses communications pour permettre aux citoyens de s'informer, de monter en compétences, de dénoncer et de contrecarrer les mensonges diffusés couramment dans les médias, comme celui d'un remplissage des bassines par l'eau de pluie, par exemple. Grâce à cette mobilisation polymorphe et plurielle, nous avons réussi, pendant quatre ans, à maintenir un rapport de force tel que les travaux étaient à chaque fois repoussés, jusqu'à ce mois de septembre 2021 où les premières grilles du chantier de la bassine de Mauzé-sur-le-Mignon ont été installées, aboutissant à la première construction du projet deux-sévrien.

Vous devez comprendre que le démarrage des travaux, alors que les arrêtés faisaient encore l'objet de plusieurs recours, a été vécu comme un véritable bafouement des règles les plus élémentaires en matière de protection de la nature et de l'eau. Vous devez entendre à quel point cette situation porte les germes des colères et des soulèvements à venir, qui animent aujourd'hui une grande partie de ceux qui s'investissent pour la préservation de toutes les formes de vivant et des générations futures. C'est à la suite du démarrage des travaux que nos modes d'action ont changé et que nous nous sommes autorisés à investir le champ de la désobéissance civile.

De nombreux précédents expliquent un véritable sentiment de défiance à l'égard des projets d'aménagement de l'État. Que dire du lac de Caussade, grande retenue d'eau à vocation agricole construite illégalement, aujourd'hui utilisé alors que l'ouvrage devrait être démoli et la zone humide réhabilitée ? Que dire du chantier de Sivens, piloté comme les bassines par la Compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, qui n'aura dû son arrêt qu'à la mort de Rémi Fraisse ? Que dire des six bassines de l'association syndicale autorisée d'irrigation des Roches, en Charente-Maritime, jugées illégales à l'issue d'un parcours judiciaire de dix ans mais tout de même construites sur autorisation préfectorale ?

En novembre 2021, à Mauzé-sur-le-Mignon, notre liberté de manifester s'est vue pour la première fois menacée. Nous avons été confrontés à la mise en place de périmètres d'interdiction de manifester élargis et inédits dans leurs dimensions, excluant tout accès à la bassine en chantier. Malgré le ressentiment suscité par ces arrêtés liberticides, notre collectif et les organisations co-organisatrices ont décidé de rester dans la zone libre et d'aller montrer ce qu'était une bassine dans la commune riveraine de Cram-Chaban. En dépit des engagements de la préfecture de nous laisser cheminer, notre cortège a été bloqué au premier obstacle, le passage d'un pont sous la voie ferrée. Le rapport de confiance était rompu. Spontanément, l'ensemble du cortège a pris le chemin de la rivière Mignon, à sec, et franchi l'obstacle sous un feu nourri de bombes lacrymogènes, le premier de l'histoire de notre lutte, jetées pêle-mêle sur les enfants et les anciens de ce rassemblement qui se voulait pacifique.

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