Au sein du collectif, des militants, des personnalités politiques, des paysans et des scientifiques luttent contre l'implantation de prétendues solutions de stockage d'eau qui restaurereraient le bon état des cours d'eau. Pour rappel, les bassines sont des dispositifs de sécurisation de l'irrigation des seules parcelles agricoles qui y sont raccordées. Pour les construire, des hectares de terres agricoles sont éradiqués : la terre végétale est évacuée, la roche est creusée puis damée, la surface nue est bâchée et des kilomètres de canalisations sont construits. Plus rien ne poussera sur ces terres avant des décennies voire des siècles. Quelques forages remplissent ces mégabassines pendant plusieurs mois en hiver, risquant de priver des zones humides de leur crue annuelle et d'empêcher la recharge maximale des nappes. Compte tenu de la forme des bassines, l'eau se trouve exposée à la lumière et à la chaleur, ce qui entraîne une évaporation partielle ainsi qu'une perte de qualité, avec le développement possible d'algues – et donc une eutrophisation –, voire de cyanobactéries ou de légionelles.
Ces bassines sont installées dans des zones de répartition des eaux, c'est-à-dire dans des régions où l'on sait depuis une trentaine d'années que la consommation d'eau, notamment à des fins de surirrigation agricole, est supérieure à la capacité du milieu. Au-delà du problème des bassines, c'est l'incohérence de ce schéma de gestion de l'eau que nous mettons en question par toutes nos actions, ainsi que l'iniquité de son partage tant entre les populations humaines qu'entre les êtres vivants, humains et les non humains. Dans la mesure où elles encouragent la surconsommation d'eau, les bassines ne font pas partie de la solution aux conflits d'usage que l'on voit déjà arriver, mais bel et bien du problème.
Que dire de ces bassines dans la perspective du réchauffement climatique, dans un monde où la température aura augmenté de quatre degrés par rapport à l'ère préindustrielle, un monde auquel le Président de la République nous demande de nous adapter ? Les modèles du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat s'accordent à prédire des sécheresses pluriannuelles intenses pouvant durer plus de neuf années consécutives. Les bassines seront-elles toujours aussi rentables ?
Dès les premières constructions, il y a plus de quinze ans, en Vendée et en Charente-Maritime, de tels projets ont suscité l'ire des habitants les plus sensibles à leur environnement. Depuis sept ans, ce mouvement s'est amplifié suite à l'annonce d'un nouveau projet de bassines, principalement dans les Deux-Sèvres. Le retour d'expérience des premières bassines permettait de constater les promesses non tenues : là où les bassines avaient pris place, la culture du maïs régnait comme jamais. À rebours d'une politique de sobriété dans les usages agricoles de l'eau, ces bassines entretiennent l'illusion d'une ressource facilement accessible et quasi inépuisable.