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Intervention de Frédéric Delorme

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 10h30
Commission d'enquête sur la libéralisation du fret ferroviaire et ses conséquences pour l'avenir

Frédéric Delorme, président de Rail Logistics Europe :

Deux phénomènes distinguent le plan actuel des plans précédents. Il y a d'abord la demande du public d'agir urgemment pour le climat – l'urgence en matière d'énergie suivra très rapidement. De plus, si nous cultivons la conscience du risque de pollution, de morts prématurées, d'accidents de la route, nous offrons une valeur très élevée pour la société, qui se retrouve dans le débat public.

Il faut également souligner que ce plan est le premier qui, en plus d'investissements bien ciblés sur le fret ferroviaire, offre un soutien non seulement au secteur, mais aussi aux chargeurs, favorisant ainsi l'investissement et le report modal. Nous utiliserons ces subventions non pas uniquement pour combler un déficit, mais également pour moderniser notre outil.

Les politiques publiques ont montré qu'il était possible de renverser la situation. Elles ont atteint 10,4 % de parts de marché en 2021, contre 9 % auparavant. Nous espérons avoir mis en place un mécanisme nous permettant de relever le défi du report modal de la route vers le rail, qui est la seule solution dans les deux prochaines décennies pour apporter rapidement des solutions aux problèmes posés dans le domaine des transports de marchandises.

Pour ce qui est des études d'impact, nous avons d'abord analysé l'impact social, ensuite l'impact sur les clients, puis les conséquences économiques. Nous avons effectivement modélisé la viabilité économique de l'entreprise, sachant que les deux nouvelles sociétés créées – tous paramètres pris en compte, à savoir le chiffre d'affaires, la performance, la productivité, mais aussi les subventions – auront une trajectoire économique équivalente à partir de 2026-2027 à celle de Fret SNCF avant la scission. Ces sociétés sont donc viables.

Concernant les enjeux du métier, nous tenons à garder un cadre social employeur attractif, sachant qu'il existe une forte concurrence entre les opérateurs ferroviaires concernant les conducteurs. Un certain nombre d'innovations seront développées dans les dix prochaines années, comme l'essai de frein digital ou le possible attelage automatique. C'est à nous de faire évoluer les métiers en les accompagnant. Nous investissons beaucoup dans la formation pour rendre cette filière attractive. Nous avons l'intention d'offrir du « mieux-disant » afin d'attirer des talents.

Nous avons produit une note, que nous tenons à votre disposition, démontrant que la gestion capacitaire est insécable et indispensable. Si on lui retire des flux, le report modal est inévitable. En effet, le système repose sur des coûts fixes, avec des moyens partagés entre tous les clients. Si vous enlevez un flux, les autres clients paient pour les moyens maintenus. Au fur et à mesure, vous devenez moins compétitifs et le marché s'effondre.

Concernant la confiance dans la gestion capacitaire, nous avons rencontré chacun de nos grands comptes. Qu'il s'agisse des entreprises de la chimie ou du nucléaire, ou encore des armées, ils sont rassurés sur le fait que nous conservons la gestion capacitaire, outil indispensable pour la souveraineté nationale et pour l'intérêt général.

Enfin, nous pouvons capter de nouveaux clients, comme ceux qui ont fermé leur ITE – installation terminale embranchée –, grâce aux certificats d'économies d'énergie. Mais ceux-ci ne s'appliquent pas aux commissionnaires de transport et à de nouveaux trafics. Des progrès pourraient être faits en la matière.

Par ailleurs, nous sommes favorables à la taxation du transport routier, selon le principe pollueur-payeur. Cela relève du débat politique. En revanche, le rail et la route peuvent être complémentaires. Il ne s'agit pas que du combiné, mais également des voies de débord, avec le transfert des palettes des camions vers le train. Or il nous manque des voies de débord pour notre nouvelle offre Rail Route Connect. Il faudrait donc investir dans ces voies de débord, et éventuellement offrir un avantage fiscal aux routiers qui utilisent le rail, en défiscalisant la route vertueuse qui contribue à offrir une chaîne verte de bout en bout.

Le réseau est l'enjeu majeur. Si les investissements de 4 milliards d'euros ne sont pas rythmés dans le temps et si les livraisons n'ont lieu que dans dix ans, nous ne parviendrons pas au doublement du trafic. Il manque aujourd'hui une programmation et des cofinancements. Il faut être volontariste et établir un calendrier. Des investissements sont réalisés sur les triages et des conventions sont signées : il faut maintenant livrer. Nous devons respecter un certain rythme pour être au niveau dans les trois à cinq prochaines années afin de reconquérir nos parts de marché.

En ce qui concerne la garantie du non-report modal, le processus vient de démarrer. Les trafics cédés sont à la portée de tout opérateur ferroviaire. La question est de savoir s'ils ont les moyens et l'envie de les récupérer. Pour l'instant, nous disposons de premiers échos mais nous n'aurons les résultats qu'à la fin de l'année. Nos clients, qui ont été prévenus de la nécessité de transférer leurs trafics, sont en cours de discussion avec les opérateurs. Les dispositifs de transition souple mis en place à la demande de la Commission, pendant deux ou trois ans, par la mise à disposition de moyens voire de la sous-traitance temporaire, devraient faciliter la reprise de ces 6 milliards de tonnes-kilomètre qu'aucun opérateur ne pourrait reprendre instantanément.

J'ai une conviction forte, matérialisée au sein de mon groupe. Nous avons une filiale alternative, Captrain, sur le modèle des autres opérateurs. Pour autant, elle n'a pas été fusionnée avec Fret SNCF ou la « newco » fret. En effet, Fret SNCF a un positionnement spécifique sur le marché. Elle est la seule à couvrir tout le territoire français et à offrir toutes tailles de lots, et de la fréquence. Grâce à cette taille critique et à cet effet réseau systémique sur la gestion capacitaire, nous permettons à des chargeurs qui n'auraient pas eu accès au ferroviaire d'y accéder quand même. La moitié de la gestion capacitaire est en concurrence frontale avec la route et non avec le rail. C'est ce que nous nous sommes efforcés de démontrer à la Commission européenne et ce qui a permis de préserver l'intégralité de la gestion capacitaire. Il s'agit d'un outil fondamental de souveraineté nationale et de performance, que seule cette société peut offrir.

Cela étant, tous les concurrents, dont DB Cargo, sont en train de regarder sur quel flux se positionner. Avant la fin de l'année, nous saurons quels sont les repreneurs et à quelles conditions ils souhaitent être accompagnés dans une transition souple. Notre intérêt est que nos clients ne soient pas abandonnés sans solution.

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