J'avais signalé la situation au président de la section artistique de mon club, me rendant chez lui avec mon oncle afin de ne pas être seule pour parler de ces choses horribles. Malheureusement, je n'ai pas été entendue : c'était comme si j'évoquais une simple douleur au genou. Il m'a dit d'aller déposer plainte, et que nous en reparlerions ensuite. En un mot, il me remerciait gentiment, alors que je venais de dire ce qui m'était arrivé à l'âge de 15 ans et de demander qu'on éloigne du club cet entraîneur dangereux. J'ai également signalé les faits au ministère, où l'on m'a dit qu'il existait un dossier, mais qu'il valait mieux fermer les yeux.
Quelques années plus tard, j'ai également appris qu'en effet, le père d'une élève, qui était professeur et connaissait très bien mon agresseur, savait aussi qu'il était dangereux et gardait sa fille avec lui pour ne pas la laisser dormir dans les dortoirs. Cette personne était donc complice de ce système.
Pour ma part, comme je le dis dans le livre, je ne parvenais pas à porter plainte – je suis allée jusqu'à la police, mais j'ai rebroussé chemin. Ainsi, tant qu'il n'y avait pas de procédure judiciaire, tout le monde se serrait les coudes pour éviter que les choses se sachent et pour que chacun puisse continuer à mener tranquillement sa petite vie, au sein de la fédération comme dans certains clubs.