Cette proposition de loi vise prétendument à interdire l'écriture inclusive. Mais en la lisant avec attention, on constate qu'il s'agit en fait de revenir en arrière et de gommer les femmes de la langue française.
Pour la plupart des gens, l'écriture inclusive se confond avec l'usage du point médian ou du tiret médian suivi d'un e, comme dans « habitant.e ». On voit bien ici la divergence entre la forme écrite et la forme orale et la difficulté à lire ce mode d'écriture – mode d'écriture qui pose des problèmes d'apprentissage de la lecture et de compréhension, en particulier pour les personnes atteintes de troubles dys. C'est pour cette raison qu'une circulaire du Premier ministre Édouard Philippe en proscrit l'usage dans les textes officiels et actes administratifs depuis novembre 2017, et qu'une circulaire du ministre de l'Éducation nationale en fait de même dans les pratiques d'enseignement depuis 2021.
Si ce sujet reste problématique dans le champ universitaire, comme l'a montré l'énoncé d'un examen soumis à des étudiants de Lyon 2, si caricatural qu'il en était illisible, la liberté académique reconnue par le Conseil constitutionnel empêche d'aller plus loin. Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi ne concerne pas uniquement ce sujet, mais l'usage de termes épicènes et de la double flexion.
Concernant la double flexion, vous avez oublié d'appliquer vos propres préconisations, puisque la proposition de loi commence par « Mesdames, messieurs ». Par ailleurs, comment appliquerez-vous l'interdiction d'utiliser des épicènes ? Faut-il interdire l'usage de mots comme athlète, diplomate, parent ou parlementaire, car ils seraient suspects d'écriture inclusive ? En fait, vous ne cherchez pas à interdire l'usage d'une graphie qui pose des problèmes de lisibilité : vous voulez combattre une idéologie que vous nommez wokisme et qui chercherait à « rendre visibles toutes les minorités, notamment les femmes ». Permettez-moi de vous rappeler qu'un humain sur deux est une femme : nous ne constituons pas une minorité.
Ce que vous combattez, dites-vous, est une forme d'américanisation. Pourtant, vous l'encouragez quand vous défendez l'uniforme à l'école, étranger à la culture française. À vous croire, la féminisation des noms, des métiers et des fonctions serait à l'origine de ce processus que vous dénoncez et qui fait pourtant consensus, comme le rappelle le rapport de l'Académie française de 2019.
Vous prétendez vous appuyer sur la grammaire pour défendre votre vision du monde. Nous n'allons pas avoir un débat de linguistes, je n'ai pas cette prétention. Mais tous les linguistes ne partagent pas les propos que vous nous assénez sous forme de vérité. La dimension sexiste de la langue existe bel et bien. La langue est le reflet d'une société et elle évolue avec elle, ne vous en déplaise. La dénonciation de la dimension sexiste de notre langue est aussi ancienne que le féminisme. Un texte de 1792, la « Requête des dames, à l'Assemblée nationale », demandait que le genre masculin ne soit plus regardé, même dans la grammaire, comme le genre le plus noble. C'est dingue, le wokisme était déjà à l'œuvre en France au lendemain de la Révolution !
Si l'écriture inclusive, au sens d'un mode d'expression permettant d'assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes, vous dérange, c'est parce que l'égalité entre les femmes et les hommes, le féminisme et la féminisation de notre langue vous dérangent.
Le Front national a beau avoir changé de nom et mis une femme à sa tête, il ne change pas. Il reste un parti machiste et misogyne. Il suffit d'écouter vos interventions dans l'hémicycle sur la place des femmes, qui devraient rester à la maison, pour s'en persuader. Cette proposition de loi n'est pas rédigée pour résoudre les problèmes posés par l'écriture inclusive, ce que nous avons déjà fait, ne vous en déplaise, mais pour réaffirmer des valeurs que nous ne partageons pas. Le groupe Renaissance n'est pas dupe, pas plus qu'il ne l'est de votre amendement de réécriture. Nous proposerons un amendement de suppression de l'article unique de cette proposition de loi.