Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission pour me permettre de présenter la proposition de loi de notre collègue Roger Chudeau visant à interdire l'utilisation de l'écriture inclusive dans les éditions, productions et publications scolaires et universitaires ainsi que dans les actes civils, administratifs et commerciaux.
À titre liminaire, je rappellerai le cadre de notre discussion. Nous ne sommes pas sous la Coupole. Nous ne sommes pas un aréopage d'éminents linguistes ou de grammairiens. Nous sommes des députés : le débat est donc exclusivement politique. L'écriture inclusive découle en effet d'une volonté politique représentée par une partie de notre hémicycle qui souhaite, dans une entreprise de déconstruction de notre société, s'attaquer à la langue après s'être attaquée à d'autres institutions. Simone de Beauvoir n'aurait jamais imaginé écrire Le Deuxième Sexe en écriture inclusive. L'idéologie de déconstruction défendue par certains conduit à des situations paradoxales, pour ne pas dire absurdes, puisqu'elle considère que la langue serait le support d'une oppression patriarcale, alors qu'elle n'est qu'un vecteur de pensée. La langue française est suffisamment riche pour permettre l'expression des idées, et celui qui vous parle est un farouche partisan de la liberté d'expression et de pensée.
L'autre travers que nous devons éviter, c'est de considérer que cette proposition de loi serait dirigée contre les femmes et n'entrerait pas dans une volonté d'égalité entre hommes et femmes. Le féminisme a pu développer ses idées dans un français classique. Les combats légitimes qui ont été menés, comme la reconnaissance du droit de vote pour les femmes, n'ont pas eu besoin d'une écriture particulière pour rappeler l'égalité entre hommes et femmes.
J'assistais hier, dans la cour d'honneur des Invalides, à l'hommage national rendu à Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, qui avait rappelé que l'écriture inclusive plaçait le français en danger de mort.
La proposition de loi est sérieuse. Une minorité ne peut s'arroger le bien commun qu'est la langue. Or le mouvement qui défend l'écriture inclusive est ultra-minoritaire. Les professeurs de français sont majoritairement inquiets de l'utilisation de l'écriture inclusive. En effet, certains élèves éprouvent déjà des difficultés d'apprentissage liées à des problèmes de dyslexie, et en ajouter une autre les laissera sur le bord de la route. Ce n'est donc plus une écriture inclusive, mais une écriture exclusive.
L'intérêt des auditions, quand on les mène sérieusement, est de constater que l'approche d'un problème peut évoluer. J'ai ainsi déposé un amendement modifiant la présentation de l'écriture inclusive concernant la double flexion et les termes épicènes. Ils ont été rendus célèbres par le général de Gaulle et son « Françaises, Français », que Desproges a repris à son compte avec « Belges, Belges ». Cela permet de souligner le caractère parfois ridicule de ceux qui voient du patriarcat partout, en particulier dans la langue française, et qui suivent l'approche délirante d'une féminisation à outrance. Il arrive ainsi d'entendre, dans l'hémicycle, « chers et chères collègues » – je ne vois pas l'intérêt de cette double flexion –, voire « collègues, collègues », qui montre que lorsque l'idéologie vous tient, le bon sens s'en va. Il m'a donc semblé nécessaire de ne pas interdire les termes épicènes et la double flexion, parce qu'ils contribuent à la richesse et à l'évolution de la langue française.
Je reviens sur le mauvais procès qui est fait à ce texte concernant le combat féministe et la volonté légitime de placer les femmes sur un plan d'égalité dans les fonctions, les métiers et les titres. Laissons à l'Académie française le soin de féminiser les termes. Les immortels sont à notre disposition pour nous aider à avancer dans la féminisation. C'est l'Académie qui indiquera s'il faut parler d'une « professeure » ou d'une « professeuse ». La féminisation d'une profession ou d'un titre ne participe en aucune manière de l'écriture inclusive.
Les deux points essentiels de cette approche idéologique de la langue concernent le point médian et certains néologismes. Je pense au pronom « iel » qui tente de faire son apparition dans les manuels scolaires, mais que l'Académie française n'est pas disposée à reconnaître puisqu'il est d'usage dans notre langue que le neutre soit masculin dans la mesure du possible, sans que cela constitue une volonté d'invisibilité des femmes.
Les débats seront nourris. Plusieurs amendements sont destinés à rejeter ce texte, dont l'un émanant du groupe Renaissance qui s'étonne de la définition de l'écriture inclusive. Dans mon amendement de réécriture, j'ai repris la définition de la circulaire du Premier ministre, M. Édouard Philippe, de novembre 2017, laquelle devrait emporter votre approbation. Ce qui m'inquiète, c'est la position doctrinale, pour ne pas dire doctrinaire, prise par votre groupe de voter systématiquement contre les textes que nous pourrions présenter. Je fais appel à vos intelligences et à votre souci d'ouverture. Ce n'est pas vous faire offense puisque, sauf erreur de ma part, votre groupe envisageait une proposition de loi de la même nature. L'occasion nous est donnée de transformer l'essai.