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Intervention de Marc Ferracci

Réunion du mercredi 27 septembre 2023 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Ferracci, rapporteur :

Je vous remercie pour l'ensemble de vos interventions. Nous tenterons de synthétiser les différents points qui ont été soulevés.

S'agissant de l'intervention de M. Panifous et en écho également à celle de Mme Mélin, ces problématiques posent la question des trappes à bas salaires et de l'hypothèse selon laquelle les exonérations pourraient ralentir, voire bloquer, les augmentations de salaire. Nous avons étudié cette question dans le cadre du rapport. Nous avons examiné de nombreuses études économiques qui cherchaient à évaluer l'existence ou non de trappes à bas salaires. Je précise que par trappes à bas salaires, nous entendons l'idée selon laquelle, au-delà de certains niveaux de salaire, il n'existe plus aucune incitation pour l'employeur et pour le salarié à augmenter le salaire parce que la ponction sur le salaire brut est trop importante ou parce que la perte de certains éléments de rémunération – prime d'activité, notamment – rend l'augmentation salariale moins intéressante. Les études montrent qu'à proximité des seuils, on ne constate pas de point de masse, c'est-à-dire le blocage d'un grand nombre de salaires légèrement inférieurs aux seuils. En l'état actuel des connaissances, les études ne mettent pas en évidence de trappe à bas salaires. Cela signifie-t-il que, notamment entre 1 et 1,6 Smic, il n'existe aucun ralentissement de l'augmentation salariale engendré par l'existence des exonérations ? C'est une question que nous laissons ouverte, mais cela n'équivaut pas stricto sensu à une trappe à bas salaires.

La possibilité d'un ralentissement des augmentations de salaires, notamment entre 1 et 1,6 Smic, est une réalité parce que deux points de sortie coexistent : le point de sortie des exonérations générales à 1,6 Smic, qui ensuite débouche sur le bandeau maladie entre 1,6 et 2,5 Smic, et le point de sortie de la prime d'activité. Dans le cadre de la négociation salariale entre un employeur et son salarié, à proximité de 1,6 Smic, l'employeur peut considérer qu'il n'a aucun intérêt à faire progresser le salaire au-delà 1,6 Smic parce que les exonérations chuteraient en raison de cet effet de seuil. Parallèlement, le salarié pourrait estimer que l'augmentation au-delà de 1,6 Smic lui faisant perdre une partie de sa prime d'activité, il serait préférable de trouver un arrangement différent. Nous avons explicitement mentionné dans le rapport cette possibilité sur laquelle nous ne disposons pas de données, notamment de données croisées entre les entreprises et les bénéficiaires de la prime d'activité, pour répondre à l'existence de tels mécanismes. Nous recommandons donc de poursuivre le travail et la réflexion sur cette question de trappes à bas salaires et en particulier entre 1 et 1,6 Smic.

Je souhaite revenir sur l'interprétation des résultats des études économiques qui montrent le peu d'impact sur l'emploi des exonérations sur les hauts salaires. Comment fonctionne ce mécanisme ? Fondamentalement, les effets sur l'emploi dépendent de la manière dont les entreprises répercutent ou pas les exonérations sur les salaires des employés, notamment sur les bas niveaux de salaire. Les employeurs répercutent assez peu les exonérations sur les salaires. Cela signifie qu'ils se préservent des possibilités d'embaucher ou d'investir. C'est la raison pour laquelle les effets sur l'emploi et l'activité sont importants s'agissant des exonérations sur les bas salaires. Entre 2,5 et 3,5 Smic, les salariés ont un pouvoir de négociation plus important parce qu'ils sont plus qualifiés, parce qu'ils sont face à un marché du travail qui est plus tendu, parce que le taux de chômage à ces niveaux de qualification est très faible et via des renégociations salariales qui ont lieu à intervalle régulier, tous les ans, ils vont capter le bénéfice des exonérations sous forme d'augmentations de salaire brut. Dès lors, concrètement, les exonérations bénéficient moins à l'entreprise qu'aux salariés les plus qualifiés. Nous pourrions réfléchir quant à la pertinence de subventionner le salaire des salariés les plus qualifiés avec des exonérations. Néanmoins, il nous semble que l'objectif poursuivi par les exonérations consiste à soutenir et à maintenir l'emploi et pas forcément à soutenir les salaires les plus élevés.

S'agissant de la remarque de Mme Caroline Janvier quant à l'opportunité pour notre commission de se prononcer, Jérôme Guedj a rappelé que nous avions déposé l'année dernière des amendements basés sur des arguments différents et des propositions différentes quant à l'utilisation des sommes dégagées par la suppression du bandeau famille. Nos divergences demeurent, mais il va de soi que nous devrons discuter de cette question au sein de notre commission. Nous verrons bien si un consensus se dégage.

S'agissant de la conditionnalité, sans vouloir modérer les ardeurs de M. Peytavie notamment, je souhaite tout de même rappeler que les conclusions de notre rapport ne retiennent, certes, qu'un sujet de conditionnalité, à savoir la négociation et en particulier les négociations de branche. Nous nous sommes demandé si les branches négocient des minima au-dessus du Smic. Cependant, il existe évidemment d'autres pistes de conditionnalité qui peuvent être explorées. J'attire simplement l'attention sur le fait que plus on raffine les critères de conditionnalité en introduisant des objectifs sociaux ou/et environnementaux, plus la mise en œuvre d'un dispositif de conditionnement devient complexe. Il convient de se montrer prudent parce qu'une des remarques critiques portées sur la conditionnalité pointe justement cette complexité. Quoi qu'il en soit, s'agissant des minima de branche, notre conclusion est très claire à savoir que nous considérons que ce n'est ni opportun ni souhaitable.

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