Nous prendrons en effet le temps d'échanger et de répondre à vos questions, mais je souhaite vous apporter quelques éléments complémentaires dans un propos introductif.
Nous nous sommes livrés à cet exercice un peu inédit que représentait l'évaluation des exonérations de cotisations sociales. J'insiste sur le terme « cotisations » ; le rapport ne mentionne à aucun moment l'expression « charges sociales », que certains emploient à l'oral, comme vient de le faire mon collègue Marc Ferracci. Je préfère que nous veillions à mentionner les « exonérations de cotisations sociales ».
Pour votre parfaite information, dans le cadre de la loi organique adoptée à l'initiative de Thomas Mesnier et à partir de l'année prochaine, il sera obligatoire d'évaluer un tiers des exonérations de cotisations sociales dans la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) de l'année précédente. Cette nouveauté, introduite à l'initiative de Thomas Mesnier, est pertinente. Une méthodologie nous a été proposée récemment ainsi qu'un rapport de l'Igas et de l'IGF. À partir de l'année prochaine, un tiers de ces exonérations devra désormais être évalué chaque année, ce qui représente une évolution positive par rapport à ce qu'imposait l'annexe 5 du PLFSS jusqu'à maintenant.
La raison principale qui a présidé à cette mission réside dans le constat d'un effet d'emballement – le terme est consacré – des exonérations de cotisations sociales, notamment depuis une dizaine d'années, en raison non seulement d'un nouveau dispositif, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), et sa transformation en exonération, mais également de la progression de la masse salariale. En effet, les exonérations étant adossées à un critère lié au Smic, on a assisté à leur explosion, à savoir le doublement des exonérations générales qui, de 37 milliards d'euros en 2013 ont atteint 77 milliards cette année. Aucune autre dépense publique prévue dans le budget n'a doublé sur cette période. Parallèlement, il existe très peu d'évaluations de l'efficacité de ces exonérations, qui semblent fondées sur une forme de confiance. Nous nous étions donc assigné l'objectif de mettre un peu – pardonnez-moi l'expression – « le pied dans la porte » de sorte que le Parlement participe à ces évaluations régulièrement, en lien avec le travail que l'exécutif doit nous proposer. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons, d'une manière ou d'une autre, prolonger ce rapport en affinant nos travaux.
Nous avons souhaité cibler en première intention les exonérations sur les plus hauts salaires (compris entre 4 200 et 6 000 euros bruts), ce fameux bandeau famille sur lequel se dégageait une forme de consensus des économistes que nous avons voulu vérifier à travers des auditions visant à évaluer son effet sur l'emploi et sur la compétitivité. En effet, ces exonérations généraient des questionnements quant à leur efficacité sur l'emploi et la compétitivité. Nous confirmons que leur efficacité ne semble pas avérée. Elles représentent 1,5 milliard d'euros et l'estimation de leur impact constituait donc un enjeu non négligeable. C'est la raison pour laquelle nous en proposons la suppression.
Chacun de nous, dans son avant-propos, propose des pistes d'utilisation de cet argent. Ce sera aussi l'objet de notre échange. Pour la petite histoire, cette mission est née du constat posé l'année dernière dans cette salle au moment de l'examen dans le cadre du PLFSS d'amendements identiques, déposés par Marc Ferracci et moi-même, proposant déjà la suppression du bandeau famille. Pour autant, déjà à l'époque, dans nos exposés des motifs, nous ne préconisions pas la même utilisation des montants ainsi dégagés.
Le rapport questionne, bien qu'il n'apporte pas de réponse. Dans tous les cas, il fait écho à des interrogations que plusieurs économistes et acteurs ont mentionnées devant nous. En effet, entre 1,6 et 2,5 Smic, la question de la pertinence peut se poser. Nous n'apportons pas de réponse aussi tranchée que s'agissant des salaires supérieurs à 2,5 Smic sur le bandeau famille, mais le « bandeau maladie », qui représente la majeure partie de l'exonération entre 1,6 et 2,5 Smic, s'élève entre 20 et 25 milliards d'euros sur lesquels nous pensons qu'il faudrait prolonger les travaux d'évaluation et d'appréciation au regard des objectifs assignés.
Nous avons souhaité mentionner ces éléments en rappelant que ces exonérations sont compensées. Elles ne produisent donc pas d'impact sur le budget de la sécurité sociale. L'État décide des exonérations dans le cadre de sa politique de l'emploi et il compense soit par des financements directs, soit le plus souvent en affectant au financement de la sécurité sociale une partie des recettes fiscales – TVA ou autre.
J'attire collectivement notre attention sur un élément que nous avons souhaité mentionner, à savoir que l'exonération générale relative à la désocialisation des heures supplémentaires, décidée en 2019, n'est pas compensée. Elle représente 2,5 milliards d'euros. Cela signifie que la sécurité sociale pâtit d'un défaut de ressources à hauteur de 2,5 milliards d'euros, sur décision de l'État, qui représente presque un tiers du déficit de la sécurité sociale qui nous est présenté dans le PLFSS puisque l'État ne compense pas une exonération qu'il a lui-même décidée. Cette donnée est importante.
Je ne m'attarderai pas sur la question de la conditionnalité puisqu'elle a déjà fait l'objet d'un débat. Le rapport souligne les positions des organisations syndicales sur cet objectif de conditionnalité. Nous rappelons qu'il existe déjà un principe de conditionnalité, introduit par la loi du 3 décembre 2008, relativement à l'obligation de négociations annuelles sur les salaires. Il a été intéressant de constater – les chiffres figurent dans le rapport – que le non-respect de cette obligation a été très peu sanctionné. Entre 2009 et 2015, entre soixante-quinze et trois cent vingt-cinq entreprises ont été sanctionnées pour des montants dérisoires, à savoir entre 1 million et 10 millions d'euros. Au total, sur l'ensemble de cette période, les sanctions infligées aux entreprises qui n'ont pas respecté l'obligation de négociations annuelles représentent environ 25 millions d'euros.
La question de la faisabilité a été posée et à ce stade, il n'est pas apparu pertinent d'introduire cette logique de conditionnalité au sein des branches pour lesquelles les minima conventionnels sont inférieurs au Smic, notamment pour des entreprises vertueuses au sein d'une branche qui le serait moins. Pour autant, je considère que, dans ce domaine également, le débat n'est pas clos. En effet, d'autres éléments de conditionnalité peuvent être examinés : la qualité de l'emploi, l'égalité femme-homme, la responsabilité sociale des entreprises, la transition écologique, etc.
S'agissant de la mesure d'exonération liée à l'âge, un consensus s'est clairement dégagé en termes non seulement de faisabilité, mais également d'opportunité.