Mon collègue Jérôme Guedj et moi-même sommes très heureux de vous présenter le résultat de nos réflexions. Je tiens préalablement à remercier très chaleureusement les administrateurs de la commission des affaires sociales qui nous ont appuyés dans l'élaboration de ce rapport et qui nous ont permis d'aboutir à un travail qui me semble satisfaisant dans les délais contraints que nous nous étions fixés.
Ce rapport part d'un constat, d'emblée documenté, à savoir que les exonérations de charges sociales pèsent lourd dans notre pays. Dans ce rapport, nous n'avons pas souhaité nous intéresser à l'intégralité des dispositifs d'exonérations de charges sociales, faute de temps et de données. Ces dispositifs sont extrêmement nombreux. Ils ont d'ailleurs été documentés par un récent rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) et je crois qu'ils sont au nombre de 147 ou 150. Nous avons préféré centrer notre rapport sur les allégements généraux de charges sociales, qui représentent une masse qui n'a cessé de croître au cours des dernières années dans notre pays pour s'élever aujourd'hui à près de 3 % du PIB, soit l'équivalent de 80 milliards d'euros en tenant compte des dispositifs d'assiette. Notre exigence consiste à évaluer l'impact de cette dépense au regard des objectifs que fixe le législateur.
Le premier de ces objectifs, depuis l'introduction des allégements généraux au début des années 1990, réside dans la création d'emplois. Notre première préoccupation a donc consisté à interroger l'impact et l'efficacité de ces mesures d'allégement sur la création d'emplois.
Nous avons décliné trois questions qui intéressent aujourd'hui le débat public, en nous inspirant des problématiques qui ont émergé au cours de ces derniers mois.
Le premier axe de notre réflexion a consisté à évaluer l'efficacité de l'ensemble des allégements généraux, notamment en regard des niveaux de salaire auxquels ils s'appliquent. Nous sommes parvenus à la conclusion que les exonérations sur les bas salaires, notamment sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic, étaient efficaces sur le maintien et la création d'emplois et qu'il était nécessaire de les conserver. En revanche, les exonérations sur les plus hauts salaires, en particulier sur les salaires compris entre 2,5 et 3,5 Smic – à savoir les exonérations de cotisations famille à hauteur de 1,8 point, le « bandeau famille » –, ont très peu d'effet sur l'emploi et sur la compétitivité des entreprises. La première de nos recommandations consisterait donc à revenir sur ces exonérations, ce qui permettrait de dégager 1,5 milliard d'euros et d'utiliser cette somme de façon plus conforme à l'intérêt général. Jérôme Guedj développera ce sujet, mais nos points de vue diffèrent quant aux conséquences politiques d'une éventuelle suppression du bandeau famille. Pour ma part, je considère que ces sommes devraient être recyclées dans des baisses de fiscalité ou de charges plus efficaces pour les entreprises afin de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires sur les entreprises.
Nous nous sommes ensuite interrogés quant à l'opportunité de conditionner les exonérations à certaines actions des entreprises ou des branches professionnelles. La conditionnalité est susceptible de concerner de nombreux thèmes et sujets, notamment des actions environnementales, des actions destinées à l'inclusion, etc. Pour notre part, nous nous sommes centrés sur la question d'une éventuelle conditionnalité à la négociation salariale et en particulier à la négociation salariale de branche. Cette proposition figure dans le débat public et dans le contexte de la future conférence sociale – que nous n'avions pas anticipée, mais qui offre une perspective à cette réflexion –, nous avons souhaité interroger l'opportunité et la faisabilité de cette mesure d'exonération. Je laisserai également Jérôme Guedj compléter mon propos et entrer dans le détail de notre réflexion. Force est néanmoins de constater qu'à ce stade, il ne serait probablement pas opportun d'envisager une telle conditionnalité, notamment pour des raisons de principe. En effet, ajouter l'objectif de dynamisation des salaires à celui du maintien et de la création de l'emploi pourrait faire courir le risque de n'atteindre aucun des objectifs. En outre, des questions de nature juridico-opérationnelle, soulevées notamment par les administrations que nous avons auditionnées, nous conduisent à penser que la mise en œuvre de ce dispositif, en particulier au niveau des branches, génèrerait une complexité difficile à assumer. Dès lors, bien que la réflexion à ce sujet puisse et doive sans doute se poursuivre, à ce stade, notre recommandation consiste à renoncer à ce type de mesure.
Enfin, au regard du débat public et dans le prolongement des échanges que nous avons développés au sein de cette commission et dans l'hémicycle pendant la réforme des retraites, nous nous sommes interrogés quant à l'opportunité d'augmenter les exonérations de charges et de les adosser à des critères d'âge de sorte à créer des emplois pour les seniors ou à les maintenir dans l'emploi. Sur la base de l'examen de la littérature économique, nous ne recommandons pas cette solution. Il existe certainement des leviers plus pertinents pour favoriser le maintien des seniors dans l'emploi, car des exonérations de ce type généreraient probablement de très forts effets d'aubaine. La justification des exonérations consiste à compenser un éventuel écart entre la productivité et le coût du travail. C'est la raison pour laquelle les exonérations ciblent les bas salaires, c'est-à-dire les salariés les moins productifs, pour lesquels le coût du travail peut être plus élevé que la productivité. Toutefois, nous n'avons identifié aucun élément attestant que la productivité des salariés seniors, au-delà de 50 ou 55 ans, est plus faible que celle de salariés plus jeunes. Il n'existe donc pas de justification économique à cibler les exonérations sur ces catégories d'âge.
Mon propos est resté très général et je pense que nos échanges permettront de les approfondir.