Je suis un citoyen libre. Mes commentaires sur l'Assemblée nationale n'engagent que moi. Il m'arrive de regarder ce qui s'y passe, et mon opinion est celle de beaucoup d'observateurs. Je déplore ce que je vois. Il doit en aller de même pour les parlementaires, à moins qu'ils ne considèrent que de la chienlit naît l'accès au pouvoir. Pour ma part, je pense que ce n'est pas la meilleure façon de préserver la démocratie.
Vous avez parlé de « manifestations interdites et pourtant autorisées ». Cette expression traduit un problème de droit et de mémoire. En droit, la formule ne veut rien dire. À aucun moment la manifestation en question n'a été autorisée. Dans une telle situation, le ministre de l'intérieur est confronté à une question simple : peut-il empêcher la manifestation ? Quand 30 000 personnes se rassemblent, vous pouvez faire appel à l'armée, encercler Paris, couper le périphérique et réunir des moyens exceptionnels pour les empêcher. Ou bien vous pouvez vous efforcer de trouver une réponse proportionnée, qui prenne en compte l'émotion de la jeunesse, et en l'occurrence la sortie du confinement y participait. Vous ne semblez pas avoir entendu mes paroles à ce propos. L'intelligence politique, ce n'est pas s'appuyer sur un dogme, mais prendre en compte les éléments factuels d'une situation et donner le bon ordre. J'aurais pu ordonner à toutes les forces de sécurité intérieure de venir à Paris et de charger. Des responsables politiques l'ont fait à certains moments, ce qui a entraîné la mort de nombreuses personnes.
En tant que ministre de l'intérieur, vous n'êtes pas un commentateur. Vous devez éviter une escalade pouvant conduire à la mort de certaines personnes. Je considère que, le jour en question, nous n'étions pas en mesure d'empêcher la manifestation dans des conditions garantissant la sécurité de ceux qui voulaient y participer et des personnes se trouvant dans le Palais de Justice. Voilà ce qui était en jeu. Pour le reste, libre à vous de polémiquer !
Vous avez commis aussi une erreur historique, qui consiste à penser que les désordres ont commencé en juin 2020. De même, vous faites erreur en disant que le comité Traoré avait organisé la manifestation : il est à l'origine de plusieurs rassemblements qui ont eu lieu ensuite, mais pas de celui-là.
Pour ce qui est de savoir si j'avais, à l'époque, condamné le slogan « Tout le monde déteste la police », ma réponse est simple : je l'ai fait très régulièrement. Il m'est même arrivé de saisir la justice quand la police était mise en cause, notamment par Jean-Luc Mélenchon : l'une de ses déclarations m'ayant paru inacceptable, j'avais effectué un signalement au titre de l'article 40 du code de procédure pénale.
On peut se faire plaisir, mais aussi regarder la réalité en face et penser que, quand on est aux responsabilités, une décision doit prendre en compte le contexte. C'est exactement ce que font, chaque jour, les 250 000 gendarmes et policiers. Au lieu de se contenter d'appliquer une doctrine bête et méchante, ils font preuve d'intelligence. Chacun devrait en faire autant.