Pour ce qui est de votre deuxième question, je vais beaucoup vous décevoir. Lorsque j'ai quitté la SNCF, j'ai dit à tout le monde – mes collègues, les personnels, les organisations syndicales, les administrateurs – que je ne suivrais aucun des dossiers de la SNCF et que j'observerais une obligation de réserve absolue. Elle est levée ici, parce qu'il s'agit d'une enquête parlementaire, mais en dehors de cette commission et de mon témoignage lors du procès de Brétigny, je n'ai pas dit trois mots sur la SNCF. Je me tiens donc à cette obligation de réserve : je ne lis pas d'articles et ne suis pas du tout l'actualité de la SNCF.
Je reviens, en revanche, sur Geodis. Au moment où nous faisons l'OPA sur cette entreprise, nos collègues allemands ont, dans l'orbite de la Deutsche Bahn, un grand logisticien nommé Schenker – l'entité s'appelle d'ailleurs DB Schenker aujourd'hui. Tout le monde pense alors que la complémentarité entre les différents modes de transport est le choix gagnant et qu'il faut aller en ce sens. Si vous vendez de l'entreposage à un client, vous allez pouvoir lui vendre du transport combiné, peut-être un train entier, et vous allez devenir son partenaire logistique. Mais cela n'a pas marché comme cela, parce que les grands groupes comme Arcelor-Mittal ou Danone ne veulent pas avoir un seul partenaire. Ils séparent leurs achats pour éviter d'être entre les mains d'un seul fournisseur. Ils font ce que les Anglo-Saxons appellent du cherry picking : ils picorent et choisissent ce qui les intéresse. Ainsi, ils ne vont pas forcément acheter du train entier à la SNCF, mais au contraire du wagon isolé, parce que l'entreprise est la seule à en faire. Je me souviens, par exemple, que nous nous sommes bagarrés pour conserver le trafic ferroviaire de l'aciérie de Saint-Chély d'Apcher. Cela coûtait les yeux de la tête, parce qu'aller à Saint-Chély d'Apcher pour faire du wagon isolé était économiquement complètement déraisonnable, mais nous voulions maintenir le wagon isolé et conserver la ligne. Nous l'avons donc fait, alors que, évidemment, aucun de nos concurrents n'était candidat pour le faire. Cette opération avec Geodis a donné certains résultats, en matière d'autoroutes ferroviaires ou de transport combiné notamment. Mais je partage en partie votre avis : le rêve de la complémentarité des modes ne s'est pas réalisé. Pourquoi ? Parce qu'à partir du moment où il n'y a pas d'harmonisation des conditions de concurrence entre les modes, c'est un peu la loi de la jungle. Il faut harmoniser les conditions de la concurrence pour que ce soit le service client, la fiabilité ou la ponctualité qui fassent la différence. Mais les conditions n'étaient pas réunies pour que l'on puisse tirer parti de cette opération.