J'ai entendu et lu des informations qui me permettent de répondre à votre dernière question. La gestion de la Commission européenne sur les plaintes et l'aide d'État relève d'une compétence de l'État. Or celui-ci n'est pas d'une transparence folle quand il s'occupe d'une affaire délicate, qui est à la fois technique, juridique et politique et qui met en jeu des rapports de force. Je crois me souvenir que le ministère de l'époque était en contact avec la Commission européenne pour lui présenter le projet de loi qui allait devenir la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire. Et je me souviens avoir entendu le ministre ou son entourage dire qu'ils avaient demandé à la Commission son avis, l'objectif étant de prévenir pour ne pas avoir à guérir. Mais je n'en sais pas plus quant aux discussions qui ont pu avoir lieu.
En ce qui concerne le plan de restructuration de 2005, mon analyse est la suivante : nous avons fait de notre mieux pour le mettre en œuvre et nous en avons appliqué les principales dispositions. Ce plan était assez sévère, puisqu'en échange du 1,5 milliard d'euros qui était autorisé, il fallait réduire l'activité, diminuer le nombre de wagons et de locomotives, et rendre des sillons. Il fallait également appliquer un taux d'intérêt qui était celui des marchés, faire des rapports et atteindre toute une série d'indicateurs. Lorsque la concurrence est arrivée, entre mars 2003 sur les lignes internationales et mars 2006 sur les domestiques, ce sont dix-neuf opérateurs qui ont déferlé. Ceux-ci ne venaient pas sur le marché du wagon isolé et ne s'intéressaient pas à ce qui était structurellement déficitaire. Ils se positionnaient sur les trains entiers d'Arcelor, de Nestlé, de Danone ou des grandes coopératives agricoles, sur lesquels nous arrivions à gagner de l'argent. En peu de temps, la situation économique de Fret SNCF s'est profondément détériorée. Je me souviens que sur les tableaux de bord, nous perdions, chaque mois, un à deux points de parts de marché, simplement parce que nos concurrents n'avaient ni les charges de structure, ni les charges sociales, ni les rigidités de la SNCF. On avait l'habitude de dire, au sein de l'entreprise, qu'il suffisait d'arriver en France avec un algéco et deux téléphones portables, puis de faire travailler des cheminots n'ayant pas le statut et des personnels au sol détachés – c'était avant la réforme des personnels détachés à l'échelle de l'Union européenne. Cette période était vraiment difficile. Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour maintenir les objectifs de ce plan, mais il s'est fracassé sur la concurrence.
Vous me demandez si nous aurions pu gérer autrement : je le redis, monsieur le rapporteur, nous aurions aimé le faire par la croissance – et nous avons essayé. Mais, une fois encore, quand l'activité est structurellement déficitaire, parce qu'elle est pénalisée par des conditions de concurrence, c'est impossible, à moins de ne pas être un investisseur avisé. J'admets volontiers que nous n'étions pas obsédés par cette notion d'investisseur avisé, mais nous avions quand même conscience qu'il ne fallait pas faire n'importe quoi.