La reprise de la dette du réseau lui convenait. Cette décision, qui a été prise par l'État actionnaire, soulage SNCF Réseau et lui permet d'investir davantage dans la régénération. Je n'ai pas entendu de critique d'ordre juridique à ce sujet. De toute façon, le réseau n'est pas dans le champ d'application de la concurrence.
Le principal reproche fait par la Commission européenne est lié à la durée du soutien apporté à une division, puis à une filiale, qui était structurellement en perte. Si cette situation avait concerné deux ou trois exercices, elle aurait probablement été acceptable. En l'occurrence, l'aide a été pratiquement constante de 2007 à 2019, ce qui a faussé le marché. Elle a permis de maintenir artificiellement une structure qui, sinon, aurait dû augmenter ses prix pour faire face à ses coûts et cesser son activité si les clients ne l'avaient pas suivie et étaient partis à la concurrence.
Lors de la constitution de la nouvelle SNCF, l'État s'est retrouvé avec cette dette de 5,3 milliards d'euros et a décidé de la loger dans la structure de tête. Il pensait certainement que ce montage suffirait. La Commission européenne ne s'est jamais prononcée explicitement sur ce choix. L'épidémie de covid, qui a commencé peu de temps après, a peut-être mis en suspens l'examen des dossiers. Malheureusement, quand il a repris, l'appréciation qui en a été faite est tombée du mauvais côté !
Je n'ai pas été informé de l'alerte de l'ARAFER. Je ne peux donc pas vous répondre, monsieur le président.
Au cours de ma longue carrière à la SNCF, je n'étais pas dans le fret, mais je participais à des instances de direction. J'ai siégé au comité exécutif à partir de 2006. Je connaissais les difficultés que rencontraient mes collègues. Pour développer l'activité, ils auraient eu besoin d'un accès suffisant à des sillons de qualité et d'un soutien aux wagons isolés. Les surcoûts organiques, comme le « T2 », étaient également évoqués. Malheureusement, alors que les problèmes avaient été identifiés, aucune politique publique n'a été mise en place pour y remédier.
Le plan de relance, après le choc de la crise du covid, a été une première en France. Au même moment, le secteur s'est fédéré, ce qui n'était pas le cas auparavant. Tous les opérateurs de fret ont créé une association, 4F, dont la SNCF est partie prenante mais qu'elle n'a jamais cherché à diriger. Elle leur a permis d'exprimer certaines vérités et de demander à la fois des subventions d'exploitation et un programme volontariste pour les infrastructures. Le plan de relance y a répondu, en apportant une aide au secteur de 170 millions d'euros, qui explique le redressement des résultats de tous les acteurs, et en consacrant une partie des 4 milliards d'euros destinés aux infrastructures à des projets comme la réfection du triage de Miramas.
Nous constatons des actes concrets, qui vont enfin dans le bon sens. Le secteur est aidé pour l'exploitation et des investissements sont réalisés dans les infrastructures pour qu'il dispose des équipements dont il a besoin. Nous avons assisté à un point d'inflexion important. Le coup de barre a été donné. Il faut maintenant poursuivre les efforts et les amplifier.
S'agissant des enjeux sociaux, les agents subissent malheureusement la situation. Les dirigeants du fret que vous avez auditionnés l'ont peut-être expliqué, mais ces personnes sont particulièrement impliquées. Les « freteux » constituent une famille un peu à part à la SNCF. Faire circuler des trains de marchandises est très particulier. L'activité est étroitement liée à l'économie, puisque les entreprises attendent leurs produits. Les conducteurs sont seuls à bord et responsables de leur train ; ils partent pour de longs parcours, principalement la nuit, avec régulièrement des « découchers ». Ils sont attachés au secteur, à leur entreprise et à leur métier. Ils n'ont rien demandé, mais d'un coup, alors qu'ils sont à Perpignan ou à Woippy, on leur annonce que leur activité va cesser, et dans des délais assez brefs. C'est un choc !
La lettre que m'a adressée le ministre insiste sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour éviter le report modal. Si le nouvel entrant souhaitant reprendre le trafic ne dispose pas des locomotives et des conducteurs, nous pourrions être amenés à lui proposer des prestations de traction. Pour le matériel, nous n'aurons pas de difficulté. Pour les agents, en revanche, nous respecterons le principe de volontariat. Ils ont un contrat de travail SNCF et nous ne forcerons personne. Je ne préjuge pas des décisions qu'ils prendront, mais s'ils préfèrent rester au sein du groupe, il est de mon devoir de trouver des solutions.
Le TER constitue la cible la plus évidente car, même si la charge de travail n'est pas la même que dans le fret, les agents pourraient rester conducteurs dans le service public et travailler à proximité de leur domicile. Frédéric Delorme et Jérôme Leborgne l'ont peut-être évoqué, nous pourrions également établir des listes d'attente pour les personnes souhaitant revenir au fret.