La production mondiale de plastique a presque doublé en vingt ans : de 234 millions de tonnes, elle est passée à 460 millions. Selon le rapport de l'OCDE – Organisation de coopération et de développement économiques – du 3 juin dernier, au rythme actuel, le plastique pourrait représenter 20 % de la consommation totale de pétrole dans le monde et la quantité de déchets plastiques produits – dont la moitié finira en décharge ou dans la nature – triplera d'ici à 2060. C'est comme si le monde produisait chaque année un poids de plastique équivalant à 45 500 tours Eiffel et une quantité de déchets plastiques équivalant à 35 000 tours Eiffel. Notre monde est devenu une immense décharge, qui nous survivra sans doute : les plastiques représentent au moins 85 % du total des déchets marins, et il devrait y avoir plus de déchets que de poissons dans la mer en 2050.
Alors, dans le monde le plus incertain que nous ayons connu, se pose à nous, parlementaires, la question des limites que nous entendons fixer de nous-mêmes à cette surproduction, pour ne pas qu'elles s'imposent à nous à l'avenir. Nous, écologistes, avons accueilli avec la plus grande bienveillance l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi du groupe MODEM et de mon collègue Jimmy Pahun, que je salue. C'était un texte ambitieux. Il devait permettre de faire un grand pas en avant, sur la base de la loi « climat et résilience », en posant des limites à la surproduction et à l'accumulation de plastiques qui polluent les océans et menacent notre santé, notamment en interdisant tous les emballages constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques – c'est-à-dire les polystyrènes – à compter du 1er janvier 2025.
Depuis 2015, plus de 6,9 milliards de tonnes de déchets plastiques ont été produites. Seuls 9 % d'entre eux ont été recyclés, quand 12 % ont été incinérés et 79 % accumulés dans des décharges ou dans la nature. Le polystyrène pollue la base de la chaîne alimentaire, perturbe les écosystèmes et endommage les puits de carbone que sont les océans. Cette pollution est surtout de plus en plus insidieuse, puisqu'elle se répand jusque dans nos corps. Les dangers qu'elle fait courir à la biodiversité et à la santé humaine sont tellement évidents qu'ils devraient nous pousser à agir sans délai et de manière efficace.
Nous l'affirmons : être prospères aujourd'hui, c'est nous donner les moyens de garantir la poursuite de l'aventure humaine dans vingt ou trente ans. Voilà quelle était l'ambition du texte. Enfin, un véhicule législatif permettrait de faire passer l'ambition environnementale et sanitaire avant les intérêts des industriels. Enfin, nous allions pouvoir véritablement réduire la pollution plastique et abandonner le polystyrène, comme l'ont fait l'Espagne, le Royaume-Uni ou le Portugal.
Mais – car il y a un « mais » – le groupe Renaissance en a décidé autrement, en amenuisant la portée de l'article 1er tel qu'il était initialement rédigé jusqu'à le remplacer par une mesure déjà adoptée, sous une autre forme, dans le cadre de la loi AGEC du 10 février 2020. On aurait pu penser que c'était une simple erreur, que face à la prise de conscience générale de l'importance des enjeux environnementaux et sanitaires, la majorité présidentielle – celle du champion de la Terre – ne pouvait pas proposer le même article qu'il y a deux ans sur un enjeu aussi crucial que celui de la sortie des plastiques. On aurait pu penser que maintenant que le cap et l'horizon nous étaient – finalement et heureusement – communs, tout le monde était bien conscient que la course contre la montre était engagée et que notre capacité à vivre et à survivre dans les années à venir dépendait de la vitesse à laquelle nous agirions.