Je souscris entièrement aux propos de Mme Chassaniol, ayant moi-même déposé un amendement de suppression de l'article 10 bis A.
Le fait que les sénateurs aient introduit cet article est une bonne chose, car il est nécessaire que nous débattions de la souveraineté numérique de notre pays. Je suis pourtant arrivée à la conclusion que sa suppression était souhaitable, pour plusieurs raisons.
La première est sans doute la plus essentielle. Vous avez pu constater que, depuis le début de l'examen du titre III, nous nous efforçons de coller le plus possible au Data Act. Il se trouve qu'au niveau européen se tiennent actuellement des discussions très serrées, auxquelles la France prend toute sa part, pour relever le niveau de protection des données sensibles et tendre vers une souveraineté européenne dans ce domaine. Il faut en effet considérer la souveraineté au niveau européen, et non spécifiquement français – j'y reviendrai.
Alors que les discussions sur le Data Act se sont achevées, celles sur l'EUCS, qui correspond à la doctrine de sécurité que nous voulons à l'échelle européenne, sont encore en cours. Pas à pas, grâce notamment à l'engagement exceptionnel de l'Anssi et aux arguments qu'elle avance, la France réussit à imposer le niveau de sécurité que nous attendons dans notre pays, tendant vers la qualification SecNumCloud.
Dans ce contexte, le vote de l'article 10 bis A emporterait des conséquences assez négatives pour notre pays.
Tout d'abord, il isolerait la France car il serait perçu comme un désaveu des discussions en cours avec nos partenaires européens. Ce n'est pas le but de la manœuvre !
Ensuite, il isolerait et même stigmatiserait – je pèse mes mots – les clouders français. Lorsque je leur ai demandé, lors des auditions, quelle était leur ambition commerciale, ils m'ont tous, sans exception, parlé du marché européen. Il est clair que les clouders français ne pourront pas survivre dans un marché spécifique, avec des normes spécifiques marquées par une notion de souveraineté numérique typiquement et exclusivement française : ils n'arriveront pas à atteindre le marché européen, parce qu'ils seront sanctionnés par les acteurs des pays voisins.
Je souligne enfin qu'il existe une politique nationale tendant vers les dispositions introduites par les sénateurs à l'article 10 bis A. Je pense à la qualification SecNumCloud, à certaines normes ISO et à la doctrine « Cloud au centre » voulue par la Première ministre.
Les sénateurs eux-mêmes reconnaissent que, si nous votions cet article, les acteurs français ne disposeraient pas aujourd'hui de la capacité technique ni des structures permettant d'accueillir les données des administrations centrales.
Lors de la discussion générale, Mme Chikirou et plusieurs d'entre vous nous ont appelés à cesser les mesures d'affichage, les effets de communication, à passer à l'action et à faire preuve d'efficacité. Nous accompagnons une filière, nous souhaitons tendre vers une souveraineté, mais si nous votons aujourd'hui cet article 10 bis A, nous nous tirons clairement une balle dans le pied.