Même avis. Le problème que vous soulevez est réel. D'ailleurs, la Commission européenne a ouvert, au mois de juillet, une enquête visant à déterminer si l'un des acteurs dominants de ce marché – Microsoft – avait enfreint les règles de la concurrence de l'Union européenne en liant son application de visioconférence avec sa suite de logiciels Microsoft 365. Votre amendement n'a pas exactement le même objet, mais il s'y apparente puisqu'il concerne l'articulation entre les couches matérielles et logicielles du cloud.
De son côté, l'Autorité de la concurrence française a remis un rapport, dans lequel elle soulève cette question. Elle est en train d'examiner l'opportunité d'engager ou non des enquêtes approfondies, assorties, le cas échéant, de sanctions, s'il était avéré que ces pratiques de ventes liées sont déloyales.
Est-il opportun de réguler a priori en imposant des normes d'interopérabilité ou faut-il laisser les autorités de la concurrence intervenir a posteriori, comme cela se faisait avant l'adoption du règlement sur les marchés numériques (DMA) ? L'Union européenne a commencé à interdire a priori certaines pratiques déloyales. On ne l'a pas suffisamment souligné mais, ce faisant, elle a pris une décision historique. Dans l'économie numérique, les abus de position dominante se forment plus rapidement que dans l'économie traditionnelle ; le temps laissé aux autorités de la concurrence pour diligenter les enquêtes et éventuellement prononcer des sanctions est trop long et permet d'étouffer définitivement la concurrence. Sur le segment de l'économie numérique que vous visez, la question d'imposer des normes d'interopérabilité se pose donc, en effet.
Cependant, s'il est souhaitable sur le principe, le dispositif d'interopérabilité que vous proposez risque d'affecter l'écosystème français. Celui-ci est très fortement soutenu par le Gouvernement au travers, en particulier, du volet cloud du plan France 2030 qui apporte un soutien direct aux acteurs, tant au niveau logiciel que matériel, et de la politique de certification conduite par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), garantissant des offres d'hébergement présentant un niveau de sécurité et d'immunité aux législations extraterritoriales suffisant. Or votre amendement suscite l'inquiétude d'une partie de la filière française de l'infonuagique – du cloud. Nous devons donc nous assurer que l'interopérabilité, théoriquement souhaitable, ne conduise pas à pénaliser des acteurs émergents ou déjà établis et en forte croissance dans notre pays.