Intervention de Jean-Noël Barrot

Réunion du mardi 19 septembre 2023 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique

Jean-Noël Barrot, ministre délégué :

L'Arcom est une autorité indépendante ; je ne peux m'engager à la place de son président, mais je vais vous expliquer notre démarche.

Nous avons d'abord engagé la rédaction du projet de loi. Sans attendre son dépôt, nous avons sollicité de l'Arcom qu'elle établisse l'architecture générale du référentiel, en lien avec la Cnil. Les sites pornographiques pourront, en respectant les règles élémentaires de protection de la vie privée, utiliser au moins un système de double anonymat. Le principe en est clair : l'institution qui fournit la preuve anonyme de majorité ignore à quoi elle sera utilisée ; le site internet n'est accessible qu'avec cette preuve, mais il ne connaît pas l'identité de l'utilisateur. Cette solution est de nature à dissiper la méfiance.

Troisièmement, pour vérifier la faisabilité technique, nous avons dans le même temps suggéré à La Poste de développer une telle application, qui sera utile dans bien d'autres circonstances – la vérification de l'âge sur internet ne se résume pas à l'accès aux sites pornographiques. La Poste a développé un système et m'a demandé de la mettre en relation avec des sites pornographiques. Des expérimentations ont été menées pour affiner le fonctionnement du double anonymat. Ainsi, si vous adoptez le projet de loi, l'Arcom pourra publier son référentiel sans attendre les délais prévus – le président nous fournira des éléments relatifs au référentiel avant la séance, peut-être précisera-t-il dans quel délai il sera accessible –, et les solutions de double anonymat seront prêtes à l'emploi.

Quatrièmement, pour que les articles que vous voterez – je l'espère – soient applicables, nous devrons solliciter une dérogation à la directive sur le commerce électronique – directive du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur. En effet, son article 3 prévoit que la France ne peut imposer à un site basé à Malte des règles qui n'y sont pas en vigueur, à l'exception de mesures adaptées et proportionnées, visant notamment à préserver l'ordre public ou à protéger la santé publique. Dès que le texte sera adopté, nous le notifierons à la Commission, ainsi que notre intention d'en appliquer les mesures en vertu de la dérogation prévue à l'article 3 de la directive. Les éditeurs de sites pornographiques ont objecté à la loi du 30 juillet 2020 et au décret d'application du 7 octobre 2021 que les dispositifs prévus découlaient d'une lubie de la France, qu'ils étaient disproportionnés et qu'aucun autre pays ne les adopterait. Nous avons pris langue avec d'autres pays européens qui réfléchissent à adopter des législations similaires : si les sites attaquent le texte devant la Commission ou les juridictions européennes, nous pourrons parer leurs arguments.

Vous le voyez, nulle improvisation : depuis trois ans, nous attendons de bloquer les sites qui ne vérifient pas l'âge ; nous mettons tout en œuvre pour faire cesser des pratiques qui ne peuvent plus durer.

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