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Intervention de Christophe Alliot

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 13h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Christophe Alliot, co-fondateur de Le Basic :

Le Bureau d'analyse sociétale d'intérêt collectif (Le Basic) est une coopérative de recherche et d'étude. Nous travaillons autant pour les acteurs de la société civile que pour les collectivités locales et les institutions françaises, européennes et internationales. Quatre questionnements ressortent des études que nous avons menées depuis trois ans.

Le premier questionnement porte sur l'orientation des montants publics engagés dans la réduction des pesticides. Parmi les financements publics qui vont à l'agriculture et au système alimentaire, seuls 10 % concernent les pesticides et seuls 1 % ont un impact avéré.

En travaillant sur les données comptables des exploitations agricoles, nous nous sommes rendu compte que la quasi-totalité de l'augmentation de l'usage des pesticides provenait d'une minorité d'agriculteurs – à peine 20 % – dont le modèle agricole est plus mécanisé et plus tourné vers la production de grands volumes. L'approche de l'État semble être centrée sur les pratiques, alors que les données révèlent un problème de modèle, et que ce n'est pas l'ensemble de l'agriculture qui est responsable de l'impasse que vous connaissez.

Nous pourrions remettre en cause la politique européenne mais elle n'est pas seule responsable. Ainsi, les agriculteurs qui sont les plus gros utilisateurs de pesticides – et qui en ont doublé l'usage au lieu de le réduire – ont par ailleurs bénéficié de beaucoup d'exonérations fiscales et sociales ; nos financements publics permettent ainsi à ces modèles de continuer à prospérer.

Notre deuxième questionnement concerne le périmètre. Une très forte pression économique s'exerce sur l'agriculture, qui ne peut s'en sortir qu'en s'agrandissant, en se spécialisant et, pour partie, en s'orientant vers des pratiques plus intensives. Pour autant, le système alimentaire est très rentable. Cela rejoint les questionnements actuels sur l'origine de l'inflation constatée : dans quelle mesure est-elle causée par l'inflation des marges ? Nous nous focalisons sur des changements de modèles agricoles, mais si nous ne touchons pas à l'industrie ni à la distribution, est-il possible de convaincre les agriculteurs d'opter pour un autre modèle ?

J'en viens à la nécessité d'un questionnement économique élargi. Nous avons mené une étude qui a été reprise dans un article scientifique ; elle porte sur les coûts cachés, les coûts reportés sur les pouvoirs publics du fait de l'usage des pesticides. Il s'agit bien de dépenses réelles, tangibles, dans la comptabilité publique de l'État. Selon nos estimations, ces coûts cachés s'élèvent à 370 millions d'euros par an. Il y a donc des économies à réaliser pour l'État s'il adopte une politique plus volontariste. Mais en face, nous avons des acteurs très concentrés, qui ont intérêt à convaincre les agriculteurs de continuer à utiliser des pesticides.

Qu'en est-il de la numérisation ? Il y a beaucoup de promesses quant aux réductions d'usage des pesticides qui pourraient être réalisées grâce à ces technologies, mais nous n'avons pas été capables d'étayer la réalité de ces promesses. L'essentiel de l'argent investi dans la numérisation vise une optimisation des pratiques. Beaucoup de chercheurs estiment que sans changement de modèle, nous avons peu de chances de réduire les pesticides.

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