Je vais essayer de compléter les interventions des autres associations en m'appuyant sur l'expérience que nous avons eue pendant le contentieux de plusieurs mois que nous avons porté contre l'État, dans le cadre de l'action « Justice pour le vivant », qui a conduit à la condamnation de l'État sur la question de l'évaluation et des autorisations de mise sur le marché des pesticides en France.
La première leçon que nous avons retenue est que le débat ne porte pas sur le fait de reconnaître le préjudice écologique. Même les ministères qui représentaient l'État dans le dossier n'ont pas remis en question cette pollution massive et systémique des sols, de l'eau et de l'air.
La défense des ministères s'est focalisée sur l'absence de responsabilité de l'État dans ce préjudice écologique. Le premier argument consistait à dire que les plans Ecophyto n'étaient pas contraignants et qu'ils n'engageaient pas la responsabilité de l'État français. Le deuxième argument indiquait que le droit de l'Union européenne ne laissait pas une marge de manœuvre suffisante à l'État pour aller plus loin dans l'évaluation et l'autorisation des pesticides. Cet argument a été balayé par les associations et par le tribunal. Le frein ne se situe pas au niveau d'une législation européenne qui serait trop contraignante. Les instances européennes appellent l'État français à aller beaucoup plus loin.
La stratégie de défense qui nous a été opposée a connu deux temps : d'abord la défense de l'État, puis l'intervention du syndicat Phyteis, qui a changé la teneur des arguments. Ce dernier a en effet déployé une stratégie du doute consistant à remettre en cause les évaluations scientifiques, à souligner le manque de marge de manœuvre de l'État – ces deux arguments ont été balayés par le tribunal – et à mettre en avant l'absence de solution.
Selon nous, la seule solution pertinente est la révision du processus d'homologation des pesticides par l'Anses. Phyteis faisait valoir que des engagements non-contraignants et volontaires étaient suffisants et qu'il n'était pas nécessaire d'aller plus loin dans la réglementation. Le tribunal administratif est tombé dans le piège de cette stratégie du doute en nous demandant de prouver que la révision du processus d'homologation par l'Anses aurait l'effet escompté.
Nous allons faire appel de cette partie de la décision. C'est cette mesure – la révision du processus d'homologation – qui est la plus utile et la plus nécessaire. Les chiffres témoignant de l'effondrement de la biodiversité montrent qu'il y a urgence à agir. Cependant, plusieurs signaux faibles suggèrent que nous n'allons pas dans le bon sens – je pense à des projets de loi qui pourraient pourtant être l'occasion de répondre à cette urgence. Il est donc primordial de contester cette décision devant les tribunaux et de faire en sorte que le Parlement se saisisse des conclusions du tribunal et fasse le travail avant que les ministères – qui ont fait appel de l'intégralité de la décision, s'enfermant ainsi dans un refus d'agir – ne daignent le faire.