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Intervention de François Veillerette

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 13h30
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

François Veillerette, porte-parole de Générations futures :

Je suis le porte-parole de Générations futures, et l'un des administrateurs du réseau européen Pesticide Action Network Europe. Générations futures est une association agréée par le ministère de l'environnement, qui a été créée il y a un peu plus de vingt-cinq ans et qui est spécialisée dans les pesticides et dans d'autres pollutions chimiques.

J'ai eu la chance de participer au Grenelle de l'environnement, de faire partie des personnes qui ont conçu le plan Ecophyto à l'académie de l'agriculture, et d'assister au comité opérationnel de suivi du plan depuis le début. Le plan Ecophyto comportait à l'origine deux objectifs : réduire de 50 % l'usage des pesticides et se débarrasser des pesticides les plus dangereux.

Concernant ce deuxième objectif, les gouvernements successifs ont fait publicité de quelques réussites, puisqu'il n'y a presque plus substances cancérogènes, mutagènes, et reprotoxiques (CMR) de catégorie 1 sur le marché. Les progrès réalisés dans ce domaine sont presque exclusivement dus à la directive de 2009 sur les pesticides, qui a mis en place des critères d'exclusion programmant le retrait du marché de ces CMR 1 au fur et à mesure du réexamen de leur autorisation.

L'objectif de réduction de 50 % de l'usage des pesticides s'est soldé un échec. Au départ, un objectif clair avait été fixé : la réduction de la dépendance de nos systèmes de production agricole à l'usage des pesticides. L'utilisation de ce terme avait fait l'objet de longs débats. Progressivement, nous nous sommes éloignés de cet objectif, par manque de volonté politique. Un Président de la République avait déclaré au salon de l'agriculture : « L'environnement, ça commence à bien faire ». L'élan originel était stoppé, ce qui s'est manifesté de nombreuses manières. Les réunions visant à trouver des solutions, qui étaient nombreuses au début, sont devenues de plus en plus rares, et la participation au plan s'est limitée à la participation au comité opérationnel et de suivi annuel, ce qui traduisait un problème certain de gouvernance.

On a également observé un manque d'allant de la profession. Pour réduire de moitié l'usage des pesticides, il faut changer les systèmes de production, aller vers une approche « système ». La profession, et notamment le syndicat dit majoritaire, était prête à aller vers l'accomplissement d'un certain nombre de progrès techniques – meilleurs buses, utilisation de drones ou de satellites – mais le changement de système a posé problème. Ce blocage a été analysé par des agronomes de l'Inrae et par des corps d'inspection du ministère de l'environnement. Des freins sociotechniques ont été identifiés. Pour parvenir à changer de système, il faut travailler aussi bien avec l'amont qu'avec l'aval.

Le plan Ecophyto était basé sur des engagements volontaires assez flous, sans objectif obligatoire par culture et par région, avec peu de contraintes et peu de fiscalité. Les fermes du réseau de démonstration, d'expérimentation et de production de références sur des systèmes économes en phytosanitaires (Dephy) étaient une bonne idée, mais elles n'étaient pas assez nombreuses et, pour certaines, pas assez performantes. Nous avons vu que les engagements volontaires ne fonctionnaient pas. Nous aurions dû réviser le plan en cours de route pour amener des obligations, des objectifs de réduction à cinq ans, dix ans, quinze ans, et nous aurions dû donner des aides pour former, changer les systèmes, investir dans du matériel mécanique. Cela n'a pas été suffisamment fait.

Un projet de règlement est en discussion en Europe aujourd'hui, le règlement européen pour une utilisation durable des pesticides, dit règlement SUR, qui vise à réduire de 50 % l'usage des pesticides en Europe. Son adoption ferait que l'objectif français serait aligné sur l'objectif communautaire, ce qui supprimerait le risque de distorsion de concurrence. Je suis triste de voir que le syndicat majoritaire essaie par tous les moyens d'affaiblir cette proposition de règlement, qui supprimerait un certain nombre de blocages et amènerait l'ensemble de l'agriculture européenne au même niveau d'exigence et de performance.

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