Je ne vois pas de sujet de polémique dans les propos de M. Potier, car nous sommes d'accord sur presque tout, même si notre expression a peut-être été un peu maladroite. Nous ne nous sommes pas placés dans la perspective d'évaluer la mise en œuvre des recommandations du rapport de M. Potier. Nous nous sommes beaucoup inspirés de ce document extrêmement intéressant, que nous avons beaucoup cité, mais nous n'avons pas étudié la compréhension, le déploiement et les résultats des mesures qu'il préconisait. Si je devais me poser cette question, la réponse serait très simple : de nombreuses dispositions recommandées par le rapport n'ont pas été mises en œuvre.
Il y a un écart entre nos travaux et les plans d'action du Gouvernement et de son administration. Un rapport avait été rédigé, un an avant le Grenelle de l'environnement, puis le Gouvernement avait conçu le plan Écophyto que l'administration a largement mis en œuvre. Actuellement, cette démarche en deux temps se perd et nous avons tendance à confondre les intentions et les véritables plans d'action. Derrière vos interrogations se pose la question suivante : existe-t-il un plan d'action gouvernemental qui engage l'ensemble des acteurs et qui est effectivement déployé avant d'être évalué plus tard ? La réponse est négative. Un tel plan devrait être interministériel car une partie des sources d'information ne se situe pas au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire ; il devrait également identifier avec une grande clarté les responsables de chaque action pour rendre le plan opérationnel. Mon collègue Pierre Deprost a parlé de direction de projet, celle-ci devant désigner chaque équipe participant au déploiement des dispositions du plan.
Les produits phytosanitaires ne représentent pas un aspect particulier de l'agriculture, ils participent d'un système industriel, agricole, de distribution et de consommation. Veiller à l'alignement de tous les acteurs est une tâche difficile, et notre rapport recommande quelques mesures visant à faire progresser leur identification, leur responsabilisation et leur évaluation. Cette mission doit s'accomplir à l'échelle territoriale et pas seulement nationale, car c'est à ce niveau que certains diagnostics et certaines solutions peuvent être posés.
La question des indicateurs est technique. Le Nodu, défini au début du plan, est pertinent et utile, car il mesure à moyen et long terme les évolutions ; il n'est néanmoins pas très opérationnel parce qu'il est difficile de le décliner à l'échelle locale. Or il importe que chaque acteur concerné puisse prendre sa part dans le travail collectif. S'il n'y a pas de lien entre son action et le grand indicateur national, celui-ci pourrait s'en trouver délaissé. Nous ne souhaitons pas abandonner le Nodu, nous voulons que le pilotage s'exerce à la bonne échelle.
Certaines substances et certains produits comportent des dangers encore inconnus. Nous en découvrons régulièrement de nouveaux, qui doivent nous conduire à ne certes pas pécher par excès de prudence, mais à ne pas montrer non plus trop d'assurance. La France a choisi un objectif de réduction quantitative de l'ensemble des pesticides de synthèse, qui aura pour effet de diminuer les risques puisqu'une part d'entre eux ne sera plus du tout utilisée. D'autres pays contestent cette analyse et recommandent une plus grande sélectivité et une action concentrée sur les risques identifiés pour les populations les plus exposées, humaines ou relevant de la biodiversité. Nous n'avons pas remis en cause la stratégie française de réduction quantitative des produits phytosanitaires, nous avons simplement regretté qu'elle ne soit pas déclinée par territoire et par type de filière. Des discussions se tiennent actuellement à l'échelle européenne pour que l'objectif de réduction quantitative soit également pris en compte : ce n'est donc pas le moment d'abandonner cette cible.