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Intervention de Anne Dufour

Réunion du jeudi 7 septembre 2023 à 9h10
Commission d'enquête sur les causes de l'incapacité de la france à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l'exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire

Anne Dufour, Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux :

En présentant notre rapport, je rappellerai tout d'abord la genèse et les grandes lignes d'Écophyto, après quoi M. Pierre Deprost interviendra à propos des finances et de la gouvernance, puis M. Claude Ronceray présentera notre analyse et nos recommandations.

Je précise que ce rapport a été coécrit avec deux membres du Conseil général de l'environnement et du développement durable, les inspecteurs généraux Louis Hubert et Mireille Gravier-Bardet.

À la suite d'un référé de 2019 dans le cadre duquel la Cour des comptes s'est interrogée sur l'efficacité des mesures financières du plan, le Gouvernement a commandé une évaluation interministérielle des mesures financières d'Écophyto. C'est la genèse de ce rapport.

Je ferai un très bref rappel historique à propos d'Écophyto. Plusieurs étapes démarrent en 2008. Ce plan, qui est d'abord une mesure issue du Grenelle de l'environnement, constitue la réponse française à une directive européenne demandant aux pays membres d'établir un plan national en vue de réduire l'usage des produits phytosanitaires, ainsi que leurs risques et leurs effets. D'emblée a été affichée une volonté de réduire l'usage de ces produits de 50 % à l'horizon de dix ans. En 2015, devant la faiblesse des résultats, un plan Écophyto 2 a été défini – et M. Potier a été un grand acteur de cette phase. L'objectif de réduction de 50 % a alors été reporté à 2025, avec un objectif intermédiaire d'une diminution de 25 % à l'horizon 2020. Détail important, dès 2008, on avait insisté sur le fait que cette réduction interviendrait « si possible ».

Enfin, en 2018, le Gouvernement a décidé un « plan d'actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides », complété par un objectif de sortie du glyphosate. Ce plan a pris le nom d'Écophyto 2+. On observe ainsi une succession de plans de 2008 à aujourd'hui. En 2018, on prévoit deux phases successives. Tout d'abord, un objectif de réduction de 25 % de l'usage des pesticides est affiché à l'horizon 2025, objectif compatible avec un « changement dans le système ». Compte-tenu de l'ampleur des modifications qu'exigerait une réduction de 50 %, laquelle supposerait cette fois un changement de système, cet horizon est repoussé à 2030.

Les mesures concrètes, que je ne pourrai détailler pas dans le temps qui m'est imparti, reposent sur trois leviers principaux, activés simultanément et que nous avons jugés comme étant globalement à faible intensité.

Le premier de ces leviers est la persuasion : il s'agit d'identifier les bonnes pratiques alternatives, montrer que la réduction est possible et accompagner les agriculteurs. Ce sont les gros dispositifs du plan Écophyto, dont le dispositif Dephy, réseau de démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires. Ce programme est relativement important, avec 3 000 exploitations engagées volontairement à réduire l'usage des phytosanitaires tout en maintenant leurs performances économiques, sociales et environnementales. Il faut citer également le Bulletin sanitaire du végétal, dispositif qui fournit aux agriculteurs un bulletin gratuit présentant de façon neutre l'état sanitaire des cultures afin qu'ils puissent disposer d'une information de qualité pour gérer et raisonner efficacement les traitements phytosanitaires, ce qui ne les empêche évidemment pas de faire un tour de plaine. La production de ces bulletins repose sur un vaste réseau d'épidémiosurveillance couvrant 15 000 parcelles surveillées chaque semaine ou à la fréquence adéquate selon les cultures.

Le second levier est celui de l'incitation, qui consiste à encourager la réduction de l'usage des phytosanitaires ou, au contraire, à dissuader d'y recourir. Cela suppose des aides financières dédiées, comme le crédit d'impôt pour sortie du glyphosate, la conditionnalité de certaines aides, la taxation des produits phytosanitaires par la redevance pour pollution diffuse (RPD) et, plus récemment, le certificat d'économie de produits phytosanitaires (CEPP).

Le dernier levier est celui de la réglementation, qui porte ses fruits, avec le retrait de l'approbation européenne des substances dangereuses, des restrictions de préparation, dont la réglementation relève de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), et des restrictions d'usage imposant, par exemple, par voie réglementaire, des zones de non-traitement. Il s'agit aussi d'une réglementation sur les matériels, avec le contrôle des pulvérisateurs, et de la séparation de la vente et du conseil. Un corollaire nécessaire de cette réglementation est l'application de contrôles, que nous estimons cependant globalement limités.

Quant aux résultats de ces plans, on observe, d'une manière générale, des avancées. Écophyto apporte la preuve qu'il est possible de réduire l'usage des phytosanitaires. Cependant, on voit aussi les limites des techniques alternatives, qui sont moins faciles et plus chères, et dont le résultat est incertain – sans doute Christian Huyghe vous a-t-il bien informés à ce propos.

La politique réglementaire prouve son efficacité, avec en particulier une réduction notable du risque liée à la baisse de l'utilisation des produits les plus dangereux, de nouvelles substances étant régulièrement interdites.

Malgré ces avancées, le résultat n'est pas à la hauteur de l'ambition initiale. En effet, les indicateurs historiquement choisis pour piloter le plan – la quantité de substances actives (QSA) et le nombre de doses unités (Nodu) – ne suivent pas la trajectoire voulue et se situent encore bien au-dessus des références de 2008.

Pour conclure, tous les acteurs s'accordent à dire que l'on bute toujours sur la massification des pratiques propres à réduire l'usage et le risque.

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