Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, je souhaite vous lire le message qu'une jeune fille devenue femme a récemment envoyé à son ancienne camarade : « Il y a des années de cela, j'ai subi de ta part harcèlement, humiliation et attouchements. Ces agissements ont bousillé ma vie d'enfant et d'adolescente. J'ai pu me reconstruire et construire une famille formidable, mais jamais je n'oublierai ces heures de souffrance et de détresse. J'ai pensé à une période dénoncer ces agissements. Cela fait maintenant plus de quarante ans ; c'est loin, mais indélébile. » Cette jeune fille, c'était moi.
Je ne crois pas être la seule sur ces bancs à avoir été victime de harcèlement. Un enfant sur quatre en est victime. Combien parlent ? Le harcèlement scolaire est un drame intime, tu, enfoui, parfois toute une vie durant. C'est un drame qui porte mal son nom car il ne s'arrête pas, en vérité, aux murs de l'école : il continue après les cours, au foot ou à la danse ; il revient par message ou sur les réseaux sociaux ; la nuit, il hante les rêves, qui deviennent des cauchemars. Il a droit de cité partout. C'est un drame qui se niche dans l'anodin, une violence qui ne réclame pas de coups, une blessure qui ne se pare pas de sang. Je voudrais aussi vous lire ces mots d'enfant qui l'expriment si bien : « le harcèlement, c'est comme l'uranium, ça brûle de l'intérieur » ; « le harcèlement, ça commence par une étincelle, ça finit par un incendie » ; « maman, ce n'est pas pour rire que j'ai voulu mourir ». J'aurais voulu vous lire les mots que tous ceux qui se sont donné la mort avant de parler ont dû crier dans leur tête, mais que le silence a emportés. Il n'est rien de pire que de ne pas parler, sauf peut-être de parler et de ne pas être entendu.
Nicolas, comme tant d'autres, a parlé et n'a pas été entendu. En parlant de honte, vous avez mis les mots justes, monsieur le ministre, sur la réaction indigne qui a été celle de l'académie. Je sais que vous avez à cœur que cette réaction change, et qu'elle change partout, mais pouvez-vous nous dire concrètement quels sont les actes que vous entendez initier face à ces maux, afin qu'ils soient partout combattus ?