La Fédération française de tennis a développé une plateforme de formation en ligne, qui s'appelle Lift – L'Institut de formation du tennis. On y trouve un module consacré aux violences sexuelles, où il est expliqué, par exemple, qu'il ne faut pas se trouver seul avec un jeune dans une voiture. Mais il n'y a pas encore assez de connaissances sur le sujet, à tous les niveaux. Il suffit d'aller dans n'importe quel club de France pour s'apercevoir qu'il n'est pas évident pour tout le monde que le fait de se trouver seul avec un jeune pose problème. Les terrains de tennis couverts se trouvent souvent sous des bulles : si les parents ne viennent pas sur le terrain, personne ne voit ce qui s'y passe. C'est un milieu où l'on est facilement isolé. Certes, cela demande un budget énorme, mais il faut aussi, à long terme, rendre les infrastructures plus visibles, même si les violences ne se produisent pas seulement sur les lieux d'entraînement – il y a beaucoup d'autres possibilités.
J'ai l'impression que les gens continuent à percevoir le milieu sportif comme un monde différent, où l'on pourrait se permettre plus de choses au motif que l'on attend une performance. Or la musique aussi suppose une performance. La notion de dépassement physique conduit à accepter les violences physiques et certains comportements que l'on observe plus souvent dans le sport qu'ailleurs.
Il y a encore beaucoup de travail à faire, dans les fédérations, pour que tout le monde, des bénévoles aux parents, prenne conscience, par exemple, du fait qu'il n'est pas plus acceptable dans le milieu sportif qu'à l'école de parler mal à un enfant. Souvent, dans les formations, je propose aux parents un parallèle. Si on dit à leur enfant : « Tu es nul, tu n'avances pas, tu cours à deux à l'heure », beaucoup d'entre eux cautionnent ces propos, d'une certaine façon. En revanche, si on lui dit, en cours de maths : « Tu réfléchis à deux à l'heure, tu ne sais pas additionner, tu es vraiment un naze », les parents s'offusquent. Or, pour l'enfant, c'est exactement la même chose. Il faut que les mentalités changent. Cela passe par de nombreux exemples. Les témoignages sont également importants : ils permettent aux gens de prendre conscience du fait que de telles choses peuvent arriver à tout le monde. Nous, par exemple, nous n'étions pas complètement abandonnées par nos familles. Souvent, on entend dire : « Cela ne pourrait pas m'arriver à moi ». Or personne n'est à l'abri, quels que soient le milieu socioprofessionnel, l'âge ou le sexe.
Quand je fais cours, je prends une nouvelle classe toutes les deux heures. Chaque fois, je me dis que j'ai devant moi au moins trois élèves ayant vécu des violences sexuelles. Les enseignants le savent très peu, car à ce moment de leur vie les enfants n'en ont pas encore parlé, mais les chiffres sont là : comme l'a rappelé Amélie Oudéa-Castéra, un enfant sur sept subit des violences sexuelles dans le milieu sportif avant sa majorité. Cela n'arrive pas une fois sur 10 000, ce qui serait déjà trop : dans chaque groupe de tennis, il y a un enfant qui, avant ses 18 ans, aura subi des violences sexuelles.