Oui. Au cours du procès, l'enquêtrice a révélé qu'une seule femme était allée voir le président du club pour lui dire que cet entraîneur avait un comportement inapproprié avec les jeunes : violences verbales et physiques, attitude ambiguë envers certaines joueuses. Le président lui avait répondu : « Oui, mais il nous ramène des titres. » Cela me rappelle ce qu'a dit Mme Oudéa-Castéra lors du colloque sur « L'enfant face aux violences dans le sport » : aucune médaille ne vaut un tel sacrifice.
S'il peut arriver que de très bons entraîneurs soient des pédocriminels, en l'occurrence, ce n'était pas un bon entraîneur. Il s'occupait des meilleurs joueurs, donc il était logique qu'il remporte des titres. En revanche, il y consacrait énormément de temps, ce qui est très important pour un jeune sportif, compte tenu de l'engagement que cela suppose pour les familles, y compris sur le plan financier. Un entraîneur qui est disponible le soir et les week-ends, qui ne compte pas ses heures, qui assure des entraînements « gratuitement », forcément, cela aide à obtenir des résultats, mais non, ce n'était pas un bon entraîneur. Les gens disaient que c'était sa méthode, qu'il était dur mais poussait les jeunes à faire du mieux possible. Or on peut aider les jeunes à tirer le meilleur d'eux-mêmes sans pour autant les forcer à faire des choses qu'ils ne sont pas prêts à accepter.
Il est vrai qu'il est parfois difficile de tracer la frontière. C'est pour cela que les éducateurs et entraîneurs doivent être formés. Désormais, leur cursus comprend des unités d'enseignement consacrées à ces questions. Il me semble que c'est la base : avant d'être un entraîneur de tennis, on est un éducateur, ce qui suppose de savoir quelles valeurs on doit respecter et de connaître la psychologie de l'enfant et les méthodes pédagogiques adaptées. Cela me paraît beaucoup plus important que de savoir comment on fait un coup droit. Quand on laisse son enfant dans un club de tennis, ou tout autre club sportif, la première des choses que l'on attend, c'est que son intégrité physique et morale soit garantie, comme à l'école. Si ce n'est pas le cas, je préfère que mon enfant reste nul au tennis mais qu'il ne lui arrive jamais rien…
Depuis notre affaire, la Fédération française de tennis fait beaucoup dans ce domaine. Elle est partenaire de notre association. Nous faisons de la sensibilisation auprès des présidents de ligue et des comités départementaux, des équipes techniques régionales et des entraîneurs. Dans les tournois nationaux pour les jeunes, je sensibilise à ce qui est interdit, à ce qu'est une relation saine.