Définir un modèle idéal est un peu ambitieux. Je voulais dire que le point commun entre toutes ces affaires de violences sexuelles c'est que ce sont souvent des affaires dont des personnes ont eu connaissance à l'époque des faits, de manière plus ou moins parcellaire, sans que cela débouche au sein des fédérations ou des structures concernées sur une véritable enquête avec un recueil de témoignages. C'est pourquoi ces affaires restent parfois enfouies des années voire des dizaines d'années, ce qui est particulièrement douloureux pour les victimes. Je pense que la gouvernance et la manière dont les fédérations ou les structures en leur sein sont organisées ont une incidence sur le recueil des témoignages et la capacité à faire émerger et, partant, à faire cesser des conduites déviantes, délictueuses voire criminelles.
L'organisation parfaite n'existe pas, mais après avoir réuni, au mois de février, plusieurs personnalités du monde du sport sur cette question de la gouvernance, nous avons dégagé quatre pistes de réflexion.
La première porte sur la question de la rémunération des dirigeants, dans la mesure où diriger une fédération constitue parfois un métier à plein temps et demande un engagement et une implication semblables à ceux d'un vrai travail. La rémunération peut éviter certains risques ou écueils.
La deuxième piste porte sur une réforme des modes de scrutin, puisque dans certaines fédérations, comme celle de football, le scrutin, qui a été validé par le ministère des sports, ne prévoit pas d'opposition au sein du comité exécutif, qui est le Gouvernement de la fédération. C'est l'un des problèmes qu'a connus la FFF : aucune opposition n'a pu s'exprimer en interne ou en externe, ce qui a pu donner lieu aux dérives et aux affaires dont nous avons eu connaissance.
La troisième piste serait la création d'une autorité administrative indépendante. De même qu'il y a une Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), on pourrait imaginer une agence travaillant sur les questions d'éthique et de gouvernance, dotée, comme l'AFLD, d'un pouvoir disciplinaire et qui pourrait être alertée ou se saisir de cas. Une fédération peut avoir du mal à traiter des sujets de dopage ou de violences sexuelles, compte tenu des enjeux en termes d'image et des enjeux financiers. Une affaire de dopage ou de violence sexuelle n'est objectivement pas bonne pour l'image d'une fédération. Cela peut parfois compter, à l'heure de mesurer l'énergie et les moyens qu'on va mettre pour mener une enquête sur des faits ou des soupçons. La ministre des sports a créé, en mars, un comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Mme Buffet et Stéphane Diagana, qui doit remettre ses propositions à l'automne. Peut-être y aura-t-il parmi celles-ci la création d'une agence indépendante ou d'une structure qui permettrait de traiter ces problèmes à un niveau supérieur au niveau fédéral, qui – on l'a vu ces dernières années – n'est pas suffisant pour traiter les dossiers de manière efficace et transparente.
Enfin, la dernière proposition concerne la manière dont l'État finance les fédérations. Certaines, comme les fédérations de football, de tennis ou de rugby, sont très riches, du fait notamment des droits télévisés. L'aide de l'État pourrait être redirigée vers des fédérations qui en auraient davantage besoin.