Je confirme que les journalistes n'ont pas l'obligation de faire un signalement s'ils ont connaissance de faits de nature délictuelle. L'article 40 ne s'applique ni aux citoyens ni aux journalistes mais uniquement aux dépositaires de l'autorité publique, fonctionnaires ou élus. En revanche, dès l'instant où des journalistes de Mediapart, de Libération, de la cellule d'investigation de Radio France ou d'ailleurs révèlent des faits, c'est nous tous, dépositaires de l'autorité publique, qui devons nous en saisir. Votre responsabilité est d'écrire des articles à même de susciter une mobilisation citoyenne et juridique.
Or – parlons franchement – les lecteurs attentifs de L'Équipe que nous sommes ont parfois le sentiment que la manière dont les faits sont évoqués ne permet pas de véritablement ouvrir le chemin à ce travail-là. Un exemple : je considère que vous avez traité ce qui se passait à la fédération des sports de glace d'une façon un peu endogame. Même si les faits étaient évoqués, la tonalité, le bruit de fond, dirais-je, ne permettaient pas d'ouvrir la porte ni à la libération de la parole citoyenne ni à une saisine.
Comment un journal comme le vôtre qui, par définition, travaille avec les fédérations et est en contact avec elles réussit-il à opérer un arbitrage terrible entre ces fédérations et les sportifs qui les composent ? C'est toute la responsabilité déontologique, journalistique, éthique qui s'impose à vous. Les affaires ont été évoquées, mais, sans parler d'omerta, en les évoquant, c'était une manière de les contenir dans un certain espace de débat. Je pense notamment au droit de suite : j'ai souvent été frustré de ne pas en avoir sur un certain nombre de ces affaires – mais, pour être juste, il faudrait presque mener une exégèse article par article. Il y a pour moi un problème de tonalité et donc de responsabilité.