Nous croyons à l'émancipation par le travail et à la logique du mérite. Dès lors, nous nous étonnons du calendrier que vous avez retenu.
Vous traitez de la réforme du RSA alors que nous n'avons toujours pas évoqué la question des salaires, que nous souhaitons l'organisation d'une conférence sociale autour de celles du travail et de la capacité, pour ceux qui ont un emploi, de bénéficier de rémunérations à hauteur de leur engagement.
Nous regrettons qu'il n'ait pas été possible de travailler sur des cas spécifiques, lorsque des gens qui retrouvent une activité perdent une partie de leur revenu, ce qui conduit un certain nombre de nos compatriotes à considérer que l'inactivité peut être choisie. Il relève de notre responsabilité de faire en sorte que chaque activité soit rémunérée au-delà des revenus d'assistance.
Ce projet de loi s'inscrit dans un récit politique, cette fable du plein emploi selon quoi il convenait d'abord de réformer l'assurance chômage, puis les retraites, avant d'enfin fouetter le cul de ceux de ceux qui seraient encore dans le canapé parce qu'ils bénéficieraient d'un revenu d'assistance, tant nous nous approchons du plein emploi. L'exercice est compliqué car les droits et les devoirs existent déjà. Si défaillance il y a, elle se situe du côté de ceux-là et non de ceux-ci.
Nous souhaitons certes une meilleure synergie dans le système de l'emploi mais la mesure phare de ce projet est constituée par les 15 à 20 heures, cette fable absolue. Vous voilà funambule, entre la volonté de porter la voix du Président de la République, de ne pas contrister nos collègues LR tout en prenant en compte la réalité quotidienne. Les 15 à 20 heures, c'est impossible, tout le monde le sait, en particulier ceux qui travaillent auprès des allocataires.
Si vous vous adressez au segment électoral des travailleurs pauvres – qui ont le sentiment de faire des efforts que d'autres ne font pas et regardent avec méfiance les personnes sans activité –, le douloureux constat que vous faites peut éventuellement être partagé. C'est en réalité de la question des salaires qu'il faut leur parler, plutôt que de plonger encore un peu plus dans la précarité – et, il faut le dire, dans la pauvreté – des personnes bénéficiant d'un revenu prétendument d'assistance.
Nous sommes favorables à un engagement renforcé et réciproque – j'insiste sur ce dernier mot, qui ne figure plus dans le texte. Je le dis avec force, nous croyons à la libre adhésion : vous ne contraindrez personne, car la logique de la carotte et du bâton ne fonctionne pas. La condition de la réussite – qui nécessite de se donner du temps – réside dans la validation par l'allocataire d'un projet avec les professionnels qui le suivent.
Par ailleurs, nous partageons l'objectif d'un rapprochement avec les territoires en matière de gouvernance. Je fais partie des élus qui ont longtemps milité pour que les territoires soient en mesure de peser sur les objectifs fixés par le service public de l'emploi. Quant aux moyens, d'autres collègues l'ont évoqué, ils doivent impérativement être à la hauteur des objectifs que vous vous fixez. À cet égard, nous nous étonnons que vous choisissiez de passer par l'Unedic. Il est également curieux que nous entreprenions une réforme d'envergure sans disposer de retour d'expérimentation. Peut-être disposez-vous d'éléments que nous n'avons pas et qui vous permettent de voir clair.
Sur la question des outre-mer, je me ferai l'écho de Pierre Dharréville : vous faites le choix de la voie de l'ordonnance, donc du silence : il est inacceptable pour nos collègues d'outre-mer. Bien sûr, il y a un besoin de différenciation, mais nous ne connaissons pas vos intentions en la matière et nous souhaitons que le débat ait lieu dans l'hémicycle.
D'une manière générale, nous craignons qu'il s'agisse uniquement d'un texte d'affichage et de communication politique, destiné à parler à des segments électoraux, même s'il comporte des avancées, sur la question de la petite enfance ou sur celle des travailleurs handicapés : elles auraient justifié que nous prenions plus de temps pour en débattre.